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Par  Eric Lascelles 3 novembre 2023

Contenu de cet article :

Les taux obligataires poursuivent leur ascension

Même si les banques centrales de plusieurs pays développés ont interrompu leur cycle de relèvement des taux directeurs, les taux obligataires poursuivent leur ascension. Le taux de l’obligation américaine à 10 ans est passé de seulement 3,28 % au printemps à un niveau exceptionnel de 5,00 % au cours des dernières semaines (voir le graphique suivant). Il n’avait pas été aussi élevé depuis 16 ans.

Les taux des obligations américaines augmentent en raison de la résilience des données économiques, du maintien des taux d’intérêt élevés pendant longtemps annoncé par la Fed et de l’afflux de l’offre

Au 26 octobre 2023. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Trésor américain, Macrobond, RBC GMA

L’augmentation des taux obligataires ne reflète pas des attentes de resserrement de la part des banques centrales, ni une progression des anticipations inflationnistes. Elle découle plutôt principalement d’une hausse de la prime de terme (voir le graphique suivant). Un certain nombre de facteurs ont modifié la dynamique de l’offre et de la demande d’obligations souveraines, de sorte que les taux d’intérêt doivent être plus élevés pour attirer suffisamment d’acheteurs sur le marché et absorber le volume actuel des émissions.

La prime de terme a grimpé en flèche

Au 25 octobre 2023. Sources : Réserve fédérale de New York, Macrobond, RBC GMA

La hausse de la prime de terme aux États-Unis est attribuable à plusieurs facteurs :

  • le volume élevé d’obligations émises pour financer l’important déficit budgétaire

  • la vente régulière des obligations détenues par la Réserve fédérale

  • l’abaissement de la note attribuée à la dette des États-Unis (qui plaide en faveur d’une plus grande prime de risque intégrée à la prime de terme)

  • la concurrence accrue avec le Japon et l’Europe pour attirer les capitaux maintenant que les taux d’intérêt ne sont plus négatifs dans ces régions

  • le fait que la Chine a vendu une partie des obligations étrangères qu’elle détenait.

Bien que la prime de terme ait considérablement augmenté, on ne peut pas dire qu’elle est déraisonnablement élevée. En fait, les primes de terme étaient artificiellement comprimées, et même carrément négatives, pendant la majeure partie de la dernière décennie. Il s’agissait d’une situation anormale, résultant des distorsions provoquées par l’assouplissement quantitatif, les taux d’intérêt négatifs dans d’autres pays et une surabondance de l’épargne à l’échelle mondiale.

D’un point de vue économique, les taux d’intérêt élevés laissent entrevoir un repli de l’économie. Ils accroissent aussi progressivement la probabilité d’une récession.

Nous prévoyons une baisse des taux obligataires d’ici un an, mais principalement parce que nous croyons que les banques centrales finiront par être en mesure d’abaisser les taux pour les ramener près des niveaux neutres. Cela tirera les taux des obligations à long terme vers le bas, sans entamer la prime de terme nouvellement rétablie.

D’un point de vue économique, les taux d’intérêt élevés laissent entrevoir un repli de l’économie. Ils accroissent aussi progressivement la probabilité d’une récession (dont il sera question plus loin).

Certes, l’économie américaine est maintenant moins sensible aux taux d’intérêt qu’auparavant. Les ménages sont moins endettés depuis la crise financière mondiale. Les prêts hypothécaires de 30 ans ont gagné en popularité. De plus, Moody’s estime que seulement 11 % de la dette des ménages suivent les fluctuations des taux d’intérêt en temps réel. Cette part était plus de deux fois plus élevée pendant la crise financière mondiale, et presque quatre fois plus élevée lors de la dernière récession provoquée par la politique monétaire à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Les optimistes pourraient attribuer la résilience de l’économie à la sensibilité réduite aux taux, mais ils auraient tort. En réalité, la principale raison est qu’il faut beaucoup de temps pour que la hausse des taux d’intérêt produise tous ses effets dans l’économie.

Cela dit, la sensibilité aux taux de l’économie américaine n’est pas nulle. Les ménages consacrent déjà une part plus importante de leur revenu disponible au paiement des intérêts que tout au long de la dernière décennie et l’ajustement ne fait que commencer (voir le graphique suivant). De plus, la sensibilité aux taux d’intérêt ne se limite pas à la fraction des prêts qui sont assortis d’un taux variable. Elle dépend aussi des conditions auxquelles l’économie était habituée.

Les coûts d’emprunt ont été extrêmement bas pendant la majeure partie des années 2010, si bien que l’augmentation des deux dernières années est particulièrement alarmante et lourde de conséquences. Le contraire s’est passé durant le cycle de resserrement de la fin des années 1980 : bien que les taux d’intérêt aient augmenté, ils sont restés nettement inférieurs à la moyenne de la décennie précédente ; pourtant, une récession a quand même eu lieu. Les risques sont donc considérables aujourd’hui.

Le coût du service de la dette des ménages américains augmente

En date de juin 2023. Sources : Réserve fédérale, Bureau of Economic Analysis des États-Unis, Macrobond, RBC GMA

Les optimistes pourraient attribuer la résilience de l’économie à la sensibilité réduite aux taux, mais ils auraient tort. En réalité, la principale raison est qu’il faut beaucoup de temps pour que la hausse des taux d’intérêt produise tous ses effets dans l’économie. Aux États-Unis, il s’écoule en moyenne 27 mois entre la première hausse de taux et la récession. Si la récession avait déjà eu lieu, elle aurait été exceptionnellement précoce. Un ralentissement induit par la politique monétaire demeure donc tout à fait possible.

Plusieurs banques centrales dans le monde sont d’avis que durant le cycle en cours, les effets des hausses de taux d’intérêt prennent plus de temps que d’habitude à se faire sentir dans l’économie. En outre, selon un récent sondage mené auprès des entreprises canadiennes, une grande partie des répondants croit que les répercussions des taux d’intérêt plus élevés ne font que commencer.

Bien que la majorité des prêts soient assortis de taux fixes, les emprunteurs doivent les renouveler à des taux plus élevés plus rapidement que ce que l’on pourrait croire :

  • Le prêt hypothécaire le plus populaire aux États-Unis est un prêt de 30 ans à taux fixe, mais la durée médiane de la détention d’une propriété est de seulement 13 ans. Par conséquent, environ 8 % des propriétaires actuels devront passer à un taux hypothécaire plus élevé chaque année, même si en théorie, ils sont protégés plus longtemps.

  • La durée moyenne des prêts-autos est de 72 mois. Environ un sixième des prêts-autos risquent donc d’être assorti de taux d’intérêt plus élevés chaque année. Et à l’heure actuelle, un nouveau prêt-auto vous coûtera environ 10 % en intérêts par an.

  • Les prêts bancaires à terme aux entreprises durent en moyenne de 5 à 7 ans ; environ 15 % à 20 % de ces prêts sont renouvelés chaque année à des taux plus élevés.

  • Les cartes de crédit sont en fait des produits à taux variable sur lesquels les hausses de taux d’intérêt ont un effet immédiat. Aux États-Unis, le taux de défaillance à 30 jours des cartes de crédit est déjà en hausse (voir le graphique suivant).

Forte hausse des taux de défaillance sur cartes de crédit

Nota : Données au T2 de 2023. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA.

Il est essentiel de comprendre que pour chaque emprunteur qui détient un prêt hypothécaire fermé à taux très bas, il y a aussi un prêteur de l’autre côté qui écope. Ce n’est sans doute pas une coïncidence que les établissements financiers des États-Unis, avec leurs prêts hypothécaires fermés et leurs obligations à long terme, aient été particulièrement touchés récemment. En effet, ils ont subi des pertes importantes sur le marché obligataire (en grande partie non réalisées, selon le graphique suivant), sans compter celles sur leurs portefeuilles de prêts.

Cela explique pourquoi les banques américaines ont resserré leurs normes de crédit plus durement que celles de la plupart des pays, et sont en mesure de prêter moins. En conséquence, les États-Unis sont possiblement moins vulnérables aux effets de prix découlant de la hausse des taux d’intérêt, mais ils le sont davantage aux effets de quantité.

Augmentation des pertes non réalisées sur les placements en titres détenus par des institutions assurées par la FDIC

Nota : Données au T2 de 2023. Sources : Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), Macrobond, RBC GMA.

Enfin, en ce qui concerne les répercussions des taux d’intérêt élevés, il importe de savoir que l’activité économique est essentiellement générée par la production de nouvelles choses : maisons, voitures, usines, etc. Tout acheteur d’une nouvelle maison, voiture ou usine est pleinement exposé au taux d’intérêt en vigueur, et décide d’aller de l’avant en connaissance de cause. L’économie américaine n’est pas plus protégée que les autres à cet égard. La décision de freiner cette activité ne sera pas moins dommageable pour elle.

En d’autres termes, les taux d’intérêt élevés devraient se révéler économiquement douloureux, même pour les États-Unis.

La courbe de rendement se rétablit

Lorsque la courbe de rendement est inversée, les taux obligataires à long terme sont inférieurs à ceux à court terme. Quand cette inversion persiste, elle signale une récession à venir. Il s’agit donc d’un argument clé en ce sens.

Par contre, dans les derniers mois, cet inversement est devenu beaucoup moins marqué (voir le graphique suivant). Aux États-Unis, l’écart entre les taux des obligations à deux ans et celles à dix ans, qui est allé aussi loin en territoire négatif que -100 points de base, n’est plus que de -36 points de base. L’inversion sur d’autres portions de la courbe de rendement était encore plus prononcée.

La courbe de rendement se rétablit compte tenu des attentes voulant que les taux d’intérêt restent élevés pendant une période prolongée

Au 24 octobre 2023. L’écart de taux à terme des titres à court terme est le taux à terme des bons du Trésor à trois mois dans six trimestres moins le taux au comptant des bons du Trésor à trois mois. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Engstrom et Sharpe (2018), articles de la Fed, Washington : Board of Governors of the Federal Reserve System ; Bloomberg ; Haver Analytics ; RBC GMA.

Comment doit-on interpréter ces données du point de vue de la probabilité d’une récession ?

Premièrement, précisons que souvent, la courbe de rendement se redresse juste avant une récession. Une courbe inversée est un bon indicateur de l’approche d’une récession (d’ici un an environ), tandis qu’une forte accentuation (et donc un rétablissement) se produit fréquemment lorsqu’une récession est imminente, car les banques centrales se mettent en mode de réduction des taux, ce qui pousse les taux à court terme à la baisse.

Toutefois, cette observation fait en quelque sorte figure de diversion dans la situation actuelle. Le récent redressement constitue une accentuation baissière plutôt que l’habituelle accentuation haussière. Autrement dit, il est survenu parce que les taux d’intérêt à long terme ont augmenté et non pas parce que les taux d’intérêt à court terme ont diminué. Or, cela ne précède normalement pas une récession.

Le risque de récession a-t-il donc tout simplement diminué ? Nous sommes enclins à dire que non.

La hausse des taux à long terme n’est pas attribuable aux attentes d’un durcissement de ton des banques centrales, à l’amélioration des perspectives économiques, ni aux prévisions d’inflation accrue, autant de motifs qui pourraient indiquer un recul de la probabilité d’une récession. En fait, des facteurs techniques liés à l’offre et à la demande ont fait bondir la prime de terme.

En l’absence de signes concrets de récession, tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que la hausse des taux à long terme constitue en soi un frein à l’économie et devrait donc théoriquement avoir pour effet secondaire d’accroître le risque de récession.

Soit dit en passant, nous avions prévenu au début de l’inversion de la courbe que la probabilité d’une récession n’était pas aussi écrasante qu’il y paraissait, étant donné l’inexistence de la prime de terme. À présent, avec une prime de terme revitalisée, la courbe n’est que légèrement inversée. Le portrait se rapproche toutefois de celui des récessions précédentes.

La probabilité de récession augmente

Des remous continuent d’influer sur la probabilité d’une récession. En prenant les États-Unis comme référence et en établissant des prévisions pour les douze prochains mois, nous avons fait passer la probabilité d’une récession de 65 % à 70 %.

Les arguments en faveur de cette décision sont les suivants :

  • Les taux d’intérêt ont augmenté de façon considérable, ce qui, en principe, nuit à la croissance.

  • L’inflation est un peu plus élevée que prévu, ce qui diminue la marge de manœuvre pour réduire les taux (et met en évidence le risque d’une autre hausse des taux).

  • La situation géopolitique s’est complexifiée. Bien que le scénario le plus vraisemblable ne change pas grand-chose à la probabilité d’une récession, il existe des scénarios baissiers qui, eux, le font.

  • L’affaiblissement économique à l’extérieur des États-Unis met en lumière l’incidence négative de la hausse des taux d’intérêt. Compte tenu de l’interconnexion des marchés mondiaux, on peut parier qu’aucun pays ne sera complètement à l’abri de l’agitation des autres.

  • De toute évidence, les taux de chômage ne sont plus à la baisse ; ils ont même commencé à augmenter timidement, quoique de façon sporadique. Historiquement, il s’agit d’un signal fort de récession.

  • Nous continuons de recueillir des preuves que la hausse des taux d’intérêt met étonnamment beaucoup de temps à se répercuter pleinement sur l’activité économique.

Bien entendu, tout n’est pas noir ou blanc, et quelques arguments allant à l’encontre d’une récession se sont renforcés :

  • Le fléchissement des demandes initiales de prestation d’assurance-emploi a complètement annulé l’augmentation précédente qui avait temporairement déclenché un signal de récession.

  • L’économie américaine, en particulier, a jusqu’à maintenant refusé de plier l’échine.

  • L’inversion de la courbe de rendement est moins marquée qu’avant (mais comme nous l’avons mentionné, nous doutons que cela signifie réellement que le risque de récession a diminué).

Dans l’ensemble, nous sommes d’avis que les facteurs négatifs l’emportent sur les facteurs positifs. C’est pourquoi nous avons relevé la probabilité d’une récession. Quoi qu’il en soit, ce ne sera pas le dernier mot sur le sujet.

Les marchés signalent un repli de l’économie

En général, notre travail est d’utiliser les indicateurs économiques pour faire des prédictions sur les marchés financiers. Toutefois, les marchés financiers peuvent aussi servir d’indicateurs économiques avancés. Nous avons tendance à nous en servir pour recouper nos perspectives économiques.

Aujourd’hui, le marché boursier annonce un repli de l’économie. Bien que l’indice S&P 500 soit environ 7 % plus haut qu’au début de l’année, l’enthousiasme du marché à l’égard des perspectives des sociétés semble surestimé. Les actions technologiques des « sept magnifiques » ont connu un essor spectaculaire de 56 % par rapport à 2023, mais le S&P 500 est en repli de 5 % sur une base équipondérée (voir le graphique suivant). Ce chiffre reflète mieux le sentiment général.

Les indices boursiers américains montrent des signes de faiblesse

Au 27 octobre 2023. Les sept magnifiques constituent un indice pondéré en fonction de la capitalisation qui comprend Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Nvidia, Meta et Tesla. Sources : Bloomberg, RBC GMA.

La conjoncture du marché boursier est passée d’un manque d’ampleur à une faiblesse flagrante au cours des trois derniers mois. Le S&P 500 a reculé de 9 % depuis le début du mois d’août, se rapprochant d’une correction en bonne et due forme. À l’échelle internationale, l’indice MSCI World en est déjà à ce stade après un plongeon de 11 % par rapport à son sommet d’août.

De leur côté, les marchés du crédit montrent moins de préoccupations, mais leurs écarts se sont légèrement élargis au cours des dernières semaines (voir le graphique suivant).

Les écarts de crédit américains se sont resserrés, mais ils se sont élargis depuis peu

Nota : Au 26 octobre 2023. Écarts de l’indice ICE BofA U.S. Corporate. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : International Currency Exchange (ICE), Bloomberg

Face à la conjoncture macroéconomique, les marchés financiers se montrent plus inquiets que jamais depuis l’automne 2022. En toute justice, l’économie a mieux résisté que prévu en 2022 et la même chose pourrait bien se produire une deuxième fois. Cela dit, il ne serait pas raisonnable de parier plusieurs fois sur des surprises positives. Pour notre part, nous continuons de penser qu’une récession est plus probable qu’improbable au cours de la prochaine année.

La guerre entre le Hamas et Israël

Ce #MacroMemo est le premier à être publié depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël le 7 octobre. À ce stade, les détails tragiques du conflit ont été largement documentés, et nous n’avons pas besoin de les répéter dans cet article.

Pour ce qui est de l’économie, les conséquences sont relativement modestes à court terme, du moins en dehors des régions directement touchées. L’aversion pour le risque s’est brièvement accrue dans le monde au début de la guerre, où nous avons constaté un rebond du dollar américain et un repli des rendements des obligations. Ces réactions se sont cependant rapidement dissipées.

Un élargissement inattendu du conflit s’accompagnerait indéniablement d’un risque de hausse du prix du pétrole. Les stocks de pétrole sont environ 8 % plus importants qu’avant le début du conflit, signalant que le risque n’est pas nul.

Le prix du pétrole a temporairement gagné près de 5 $ US par baril – une réaction classique lorsque les tensions géopolitiques s’intensifient au Moyen-Orient. Cependant, il a ensuite cédé du terrain, et il faut rappeler que ni Israël ni Gaza ne sont de grands producteurs de pétrole.

L’évolution géopolitique au Moyen-Orient se répercute normalement sur les marchés financiers par le biais de ses effets sur les prix pétroliers. L’inversion du sursaut initial du marché pétrolier laisse présager que les grandes puissances pétrolières comme l’Iran n’interviendront pas en définitive. En effet, les pays de l’OPEP, de façon collective, ne semblent pas enclins au type d’embargo qui a fait exploser le prix du pétrole et a déclenché l’inflation dans les années 1970.

Soit dit en passant, l’intensité pétrolière de l’économie mondiale est de 56 % inférieure par rapport à 1973, ce qui rend tout embargo théorique moins dévastateur. Néanmoins, un élargissement inattendu du conflit s’accompagnerait indéniablement d’un risque de hausse du prix du pétrole. Les stocks de pétrole sont environ 8 % plus importants qu’avant le début du conflit, signalant que le risque n’est pas nul.

Jusqu’au conflit, le Moyen-Orient s’était en réalité progressivement stabilisé depuis plusieurs années, notamment grâce à la normalisation officielle des relations entre Israël et les Émirats arabes unis en 2020. Parmi les principaux facteurs de motivation, citons les intérêts économiques et le postulat selon lequel une stabilité accrue dans la région bénéficie à tous. Israël était sur le point de signer un pacte similaire avec un géant régional, l’Arabie saoudite, lorsque le conflit a éclaté. Cette signature est à tout le moins reportée.

Enfin, il est possible (bien que ce soit de la pure spéculation) que ce nouveau conflit ébranle l’élection présidentielle américaine de 2024. Les présidents américains ont connu de célèbres regains de popularité pendant les guerres, et même s’il ne s’agit pas directement d’une guerre américaine, les États-Unis sont suffisamment impliqués dans la situation pour augmenter les chances d’un renouvellement du mandat du président Biden à un moment où les sondages indiquent un nouveau duel serré entre Biden et Trump.

Le ralentissement de l’inflation ?

L’inflation s’est réaccélérée en août, puis en septembre, principalement en raison de l’augmentation des prix pétroliers, qui sont passés d’un creux de 67 $ US le baril de pétrole de catégorie West Texas en juin à 94 $ US à la fin de septembre, soit une appréciation de 40 %. Mais le prix du pétrole a depuis reculé pour atteindre 84 $ US le baril (voir le graphique suivant), et il semble donc probable que l’inflation en octobre (et, espérons-le, par la suite) se tassera légèrement.

Après avoir augmenté, les prix du pétrole brut ont maintenant diminué

Au 26 octobre 2023. Sources : Macrobond, RBC GMA.

Il est encourageant de constater que les mesures de l’inflation en temps réel commencent à refléter ce ralentissement prévu du taux d’inflation (voir le graphique suivant). L’indice des prix à la consommation (IPC) Nowcast de la Fed de Cleveland pour le mois d’octobre indique également un taux d’inflation en glissement mensuel de seulement 0,15 % et de 0,34 % pour l’IPC de base. Il s’agit là de deux améliorations par rapport aux deux mois précédents.

L’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats reflète la tendance à la baisse

Indice de l’inflation PriceStats au 24 octobre 2023, IPC en date de septembre 2023. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA.

Il est vrai que l’accélération de l’inflation à la fin de l’été n’est pas uniquement attribuable à la hausse des prix pétroliers. L’inflation de base est aussi en hausse, passant de deux niveaux consécutifs en glissement mensuel de +0,2 % (qui étaient en fait inférieurs à 0,2 % à la deuxième décimale) à +0,3 % en août et en septembre.

Par conséquent, nous sommes de plus en plus inquiets de voir l’inflation bloquée à un niveau élevé. Un modèle maintenu par la Réserve fédérale de Saint-Louis reconnaît maintenant une hausse de la probabilité que l’inflation demeure supérieure à 2,5 % au cours de la prochaine année (voir le graphique suivant).

La mesure des pressions sur les prix aux États-Unis laisse croire à la persistance de l’inflation

En date de septembre 2023. La mesure des pressions sur les prix indique la probabilité que le taux d’inflation (d’une année sur l’autre) prévu au cours des 12 prochains mois dépasse 2,5 %. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Federal Reserve Bank de St. Louis, Macrobond, RBC GMA.

Il est également très utile d’examiner la tendance de l’inflation annualisée sur trois mois. Elle évite de trop se fier aux anciennes données, comme la variation d’une année sur l’autre, et de trop mettre l’accent sur les soubresauts d’un seul et unique mois (voir le tableau suivant). Elle indique que l’IPC de base reste supérieur à 3 % (taux annualisé de +3,1 %, pour être précis). L’IPC médian est encore plus élevé (+4,0 %). L’inflation des services hors logement ne fait pas exception (+4,7 %).

Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis les jours de l’inflation à 9 %, mais la normalisation ne s’est pas encore concrétisée.

En date de septembre 2023. Sources : U.S. Bureau of Economic Analysis, Federal Reserve Bank de Cleveland, Federal Reserve Bank de Dallas, Macrobond, RBC GMA.

Heureusement, la composante logement de l’IPC – qui était à elle seule responsable de plus de la moitié de l’augmentation du panier des prix en septembre – devrait pouvoir décélérer à partir de maintenant. Ce devrait être possible grâce à la combinaison de ralentissements et de preuves de plus en plus nombreuses que le marché du logement, qui est sensible au taux d’intérêt, ralentit de nouveau.

En bref, notre scénario de base reste que l’inflation reprendra sa trajectoire descendante, même de façon plus marquée que ne l’indiquent les prévisions générales. Toutefois, il n’est probablement pas réaliste de s’attendre à un retour à la normale au cours de la prochaine année, et il y a un risque que l’inflation demeure considérablement trop élevée en l’absence de récession.

Les données économiques fléchissent aux États-Unis

Les deux tiers des grèves au sein des trois grands fabricants automobiles aux États-Unis ont été résolus et les travailleurs ont obtenu une augmentation de salaire de 25 % sur quatre ans. La troisième sera vraisemblablement réglée sous peu, compte tenu du précédent créé par les des deux autres ententes et du fait que d’autres installations de production sont paralysées par la grève. Néanmoins, des dommages économiques non négligeables ont été causés au cours des six dernières semaines.

Heureusement, l’économie américaine avait connu une forte reprise avant leur déclenchement. Le produit intérieur brut (PIB) du troisième trimestre vient d’être annoncé à un fantastique rythme annualisé de +4,9 %. Un excellent résultat avait été anticipé, mais il n’en reste pas moins impressionnant. Les dépenses de consommation ont été particulièrement élevées.

Le prochain rapport sur l’emploi aux États-Unis est sur le point d’être publié. Il faudra l’examiner de près compte tenu de l’accélération surprise du dernier rapport, malgré une décélération graduelle pendant la majeure partie de l’année précédente. Le rapport de septembre a réussi à largement dépasser les attentes, avec la création de 336 000 emplois – presque le double de la tendance précédente. Les demandes initiales de prestation d’assurance-emploi sont restées faibles depuis, laissant croire que les chiffres d’octobre devraient être raisonnables.

Cependant, de petits fragments de fragilité se révèlent parfois :

  • Les offres d’emploi et le taux de démission ont tous deux diminué considérablement par rapport à leur sommet.

  • L’emploi temporaire continue de décliner – historiquement, c’est un mauvais signe.

  • Le taux de chômage est à son plus bas. Contrairement aux demandes initiales de prestation d’assurance-emploi, les demandes de prestation d’assurance-emploi continues augmentent encore sans cesse. Le nombre global de nouveaux postes s’est avéré élevé en septembre, mais les deux autres ensembles de données moins surveillés ont été nettement moins encourageants. Le sondage d’ADP a révélé seulement 89 000 nouveaux emplois nets, et l’enquête auprès des ménages, seulement 86 000.

Soulignons qu’il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi aux États-Unis. Un nombre croissant d’entreprises offrent moins d’argent aux nouveaux employés qu’elles n’en offraient pour les mêmes postes il y a un certain temps. Le marché du travail n’est plus aussi effervescent qu’auparavant.

Selon les prévisions générales pour le mois d’octobre, le nombre de nouveaux emplois par mois devrait être d’environ 180 000, un chiffre qui correspond à un atterrissage en douceur de l’économie. Un nombre d’emplois sensiblement moins élevé déclencherait des rumeurs de récession (nous avons signalé que deux mois consécutifs marqués par la création de moins de 150 000 emplois pourraient représenter un seuil important). À l’inverse, un autre mois caractérisé par la création de beaucoup plus que 200 000 emplois susciterait à nouveau les craintes d’une surchauffe de l’économie et de problèmes d’inflation persistants.

Enfin, de plus en plus de signes indiquent que le marché américain du logement commence à perdre de la vigueur, allant de notre indice composite de la confiance dans le marché du logement (voir le graphique suivant) à un regroupement plus large d’indicateurs du marché immobilier (voir le deuxième graphique suivant).

La confiance à l’égard du marché américain du logement reste faible

En date de septembre 2023. L’indice composite de confiance à l’égard du marché du logement est établi en fonction des réponses au sondage sur les activités courantes et les attentes du marché du logement et des facteurs connexes. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : National Association of Home Builders, Federal National Mortgage Association, Conference Board, Université du Michigan, Réserve fédérale de Dallas, Mortgage Bankers Association of America, Macrobond, RBC GMA.

Les données sur le marché américain du logement donnent des signes de ralentissement

Indice des prix des logements Case-Shiller S&P CoreLogic en date de juillet 2023 ; permis de construction, mises en chantier et reventes de logements en date de septembre 2023 ; emploi et indice du marché de l’habitation de la National Association of Home Builders (NAHB) en date d’octobre 2023. Sources : Bureau of Labor Statistics des É.-U., Census Bureau, NAHB, National Association of Realtors, S&P, Macrobond, RBC GMA.

À l’échelle internationale, les données économiques sont généralement plus faibles qu’aux États-Unis (voir le graphique suivant). Nous discuterons dans un moment de l’économie chancelante du Canada. Les indices européens des directeurs d’achats (PMI) ont donné de nouveaux signes de faiblesse.

La croissance économique dans la zone euro et aux États-Unis prend des trajectoires différentes

Au 27 octobre 2023. Sources : Citigroup, Bloomberg, RBC GMA.

L’économie canadienne vacille

De toute évidence, l’économie canadienne chancelle. Le PIB trimestriel a reculé au cours de deux des trois derniers trimestres (et nous ne prévoyons qu’une croissance modeste au cours du prochain trimestre). Le seul trimestre de croissance dans cet océan de mécontentement était heureusement assez robuste pour qu’on ne puisse pas parler d’une récession (surtout en l’absence de pertes soutenues d’emplois). Cependant, mais le risque augmente visiblement.

Au Canada, les ventes au détail ont fléchi de 0,1 % en août et devraient stagner en septembre. Corrigé en fonction de l’inflation, il s’agit d’un recul important en termes réels, sur lesquels se fonde le PIB. De plus, les dépenses de consommation au Canada sont encore moins solides qu’il n’y paraît à première vue. Compte tenu de la croissance démographique incroyable du pays, il faudrait une croissance nominale des dépenses de 0,4 % à 0,6 %, juste pour que la personne moyenne fasse l’acquisition du même nombre de biens que le mois précédent. Le Canada est loin d’atteindre ces chiffres, ce qui signifie que le consommateur canadien moyen réduit déjà ses dépenses (voir le graphique suivant).

Au Canada, les ventes au détail réelles par habitant diminuent

En date d’août 2023. Sources : Statistique Canada, Haver Analytics, RBC GMA.

Les attentes des entreprises canadiennes sont aussi assez peu élevées :

  • Le baromètre de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante vient de reculer, passant d’un niveau déjà faible de 48,8 points à 47,2 points, son pire niveau depuis avril 2020.

  • Les résultats de l’Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada continuent de se dégrader et approchent désormais les seuils de récessions passées (voir le graphique suivant).

  • Il en va de même pour les perspectives des ventes (voir le deuxième graphique suivant).

  • Les intentions d’embauche et les projets de dépenses en immobilisations reculent aussi (voir le troisième graphique).

  • Les craintes d’inflation commencent à être supplantées par les craintes d’une demande insuffisante.

Les entreprises canadiennes estiment que les effets néfastes du relèvement des taux d’intérêt commencent à peine à se faire sentir, comme nous l’avons souligné plus tôt dans un contexte différent.

L’indicateur de l’Enquête sur les perspectives des entreprises continue de se dégrader

Au troisième trimestre de 2023. Sources : Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA.

Les perspectives des ventes se détériorent

Au troisième trimestre de 2023. Sources : Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA.

Les entreprises canadiennes réduisent leurs intentions d’embauche et leurs projets de dépenses en immobilisations

Au troisième trimestre de 2023. Sources : Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA.

Enfin, bien que le marché canadien du travail ait continué de créer de nouveaux emplois au cours de trois des cinq derniers mois, il est inhabituel que deux mois de pertes soient si rapprochés. Les nouveaux travailleurs ne semblent pas dynamiser la production économique compte tenu des problèmes de productivité persistants, et le plus récent rapport sur l’emploi ne fait ressortir que 1 000 nouveaux postes dans le secteur privé sur un total de 40 000 postes créés.

Bref, la conjoncture économique semble se détériorer considérablement, et la probabilité d’une récession à court terme au Canada s’accroît.

Redressement en Chine

La Chine a été mise à rude épreuve au cours de la dernière année. Tout d’abord, l’économie a été paralysée l’automne dernier à la suite des mesures de confinement généralisées en réaction à la pandémie. Elle est ensuite allée de l’avant après la fin subite des mesures de confinement. Au début de l’été, l’économie a connu des ratés, mais elle commence à se rétablir selon les données publiées au cours des six dernières semaines. À notre avis, l’optimisme à propos de la Chine était excessif au début de 2023, alors que le pessimisme était exagéré récemment.

La reprise économique timide de la Chine transparaît clairement dans les données : après avoir été extrêmement négatives, les surprises économiques sont devenues légèrement positives au cours des derniers mois (voir le graphique suivant).

Les mesures de soutien de la Chine ont commencé à stimuler l’activité économique

Au 27 octobre 2023. Sources : Citigroup, Bloomberg, RBC GMA.

Un examen approfondi des principaux indices économiques de la Chine confirme que la plupart d’entre eux remontent après une période de baisse. La reprise est particulièrement vigoureuse en ce qui concerne les exportations, les ventes de propriétés et les mises en chantier de logements (voir le graphique suivant).

En Chine, les indicateurs économiques mensuels sont en hausse

Données en septembre 2023. La moyenne de 2019 a été indexée sur 100. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.

Le marché des actions chinoises, qui continue d’atteindre de nouveaux creux malgré la reprise économique, suscite des questions. Sa chute a fait baisser le ratio cours-bénéfice du pays à seulement 11,5, contre près de 20 il y a trois ans.

L’un des catalyseurs de la remontée du pays a été la mise en œuvre d’une série de mesures de stimulation. Aucune d’elles n’a été déterminante en soi, mais la combinaison de plusieurs mesures s’est révélée suffisante pour stabiliser l’économie :

  • les modestes baisses de taux (dont une autre en septembre)

  • l’effet stimulant de la faiblesse du renminbi

  • le renflouement partiel d’administrations locales en difficulté (y compris une nouvelle annonce d’obligations spéciales par 20 administrations locales à des fins de refinancement)

  • les mesures de relance pour le marché du logement

  • Les mesures de relance axées sur les entreprises

  • la réforme préliminaire du hukou. Le hukou est un système d’enregistrement des ménages en Chine continentale. Il les classe selon qu’ils vivent en milieu rural ou en milieu urbain, et détermine où chaque type de résident peut vivre, travailler et accéder à des droits comme l’éducation, les soins de santé et d’autres services sociaux.

Compte tenu de l’augmentation des dépenses publiques, le pays cible un déficit budgétaire plus considérable qu’auparavant.

Le gouvernement pourrait prendre d’autres initiatives dans le futur. Le troisième plénum de la Chine est une réunion qui a lieu deux fois par décennie. Il vise à créer une feuille de route pour réformer l’économie et la société au cours des cinq années suivantes. La prochaine réunion de ce type devrait être tenue dans la deuxième moitié de novembre 2023. Les experts supposent que la Chine pourrait annoncer une intensification de sa politique d’urbanisation (susceptible de stimuler la productivité et de favoriser le marché du logement), l’adoption de mesures pour renforcer la consommation et la confiance des entreprises, et la recherche d’un meilleur équilibre entre les entreprises d’État et le secteur privé. Ces interventions pourraient susciter une croissance modérée.

– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma

 

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