Les indicateurs avancés de l’économie mondiale affichent une tendance haussière graduelle depuis la fin de 2022 et le début de 2023 et ont récemment atteint des niveaux correspondant à une croissance modérée, ce qui porte à croire que l’expansion se poursuivra vraisemblablement (figure 1). Les économies européennes se portent relativement bien et la croissance dans la zone euro s’est accélérée au début de 2024, après un ralentissement à la fin de 2023. Aux États-Unis, les dépenses de consommation demeurent modérées, le marché du travail est vigoureux et les ménages ont fait preuve d’une résilience impressionnante face au relèvement des taux d’intérêt, étant donné que de nombreux propriétaires américains profitent encore de taux hypothécaires à long terme à des taux fixes se situant à des planchers sans précédent, obtenus pendant la pandémie. Cela dit, certains signes montrent, dans une certaine mesure, que l’économie américaine ralentit. L’épargne excédentaire que les ménages avaient accumulée pendant la pandémie est maintenant entièrement épuisée, les taux de défaillance à l’égard des cartes de crédit et des prêts automobiles augmentent et la croissance des salaires ralentit. Bien que ces tendances représentent des vents contraires, nous ne croyons pas qu’elles soient suffisamment marquées pour faire tomber les économies en récession au cours de notre horizon prévisionnel d’un an et, par conséquent, nous accordons une probabilité accrue à l’éventualité d’un atterrissage en douceur de l’économie, surtout si les banques centrales amorcent un assouplissement de leur politique monétaire dans les mois et les trimestres à venir.
Figure 1 : Indices mondiaux des directeurs d’achats
Nota : Au 31 mai 2024. Sources : Macrobond, RBC GMA
L’un des principaux risques qui planent sur nos perspectives économiques favorables est celui, si les tensions inflationnistes persistent, de coûts d’emprunt obstinément élevés qui pèseraient davantage sur l’activité économique. Parmi les autres sources d’incertitude, mentionnons les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et les élections aux États-Unis en novembre, en raison de leur incidence potentielle sur les impôts, la réglementation des entreprises et les tarifs douaniers avec la Chine.
L’inflation continue de diminuer, mais plus lentement
Aux États-Unis, l’inflation des prix à la consommation est tout juste supérieure à 3 % depuis juin de l’année dernière et, bien que l’inflation soit un peu plus persistante que ce que beaucoup avaient prévu, divers signaux laissent croire que des forces désinflationnistes restent à l’œuvre. La croissance de la masse monétaire a sensiblement ralenti, plusieurs grands détaillants ont annoncé des baisses de prix et les prix de l’essence ont diminué depuis le début d’avril. Toute modération de la croissance économique aux États-Unis devrait contribuer davantage à atténuer les tensions inflationnistes, particulièrement dans le secteur des services, qui demeure une source de soutien pour les prix à la consommation. Nous reconnaissons toutefois que des progrès considérables ont déjà été réalisés depuis que l’inflation selon l’IPC a atteint un sommet de 9,1 % en 2022 aux États-Unis. Nous prévoyons que l’inflation finira par atteindre la cible de 2 % visée par la plupart des principales banques centrales, mais la dernière partie du chemin à parcourir pour y parvenir pourrait être lente (figure 2).
Figure 2 : Hausse des prix à la consommation aux États-Unis
IPC (variation annuelle en %)
Nota : Données sur l’IPC au 30 avril 2024. Prévisions de RBC GMA au 31 mai 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Les banques centrales ont été hésitantes, mais la porte s’ouvre maintenant pour des baisses de taux
Dans ce contexte, la plupart des banques centrales des pays développés à l’échelle mondiale maintiennent des taux d’intérêt à court terme stables depuis l’été 2023 et hésitent à abaisser les taux d’intérêt jusqu’à ce qu’elles soient davantage convaincues que l’inflation se dirige durablement vers l’objectif de 2 %. Un thème récurrent depuis le début de l’année a été la réduction des attentes de baisse des taux, étant donné que les données économiques meilleures que prévu et la forte inflation ont atténué la nécessité de baisses de taux imminentes et prononcées. Le marché des contrats à terme ne prévoit actuellement qu’une seule baisse de taux aux États-Unis en 2024 vers la fin de l’année, comparativement à six baisses prévues en 2024 au début de l’année (figure 3). D’autres pays, dont l’économie est plus sensible aux taux d’intérêt que les États-Unis, pourraient être enclins à réduire leurs taux plus tôt que la Fed. Les attentes du marché donnent à penser que la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du Canada pourraient abaisser leurs taux dès juin ou juillet. Nous prévoyons trois baisses de taux par la Fed, six par la BCE et quatre par la Banque du Canada au cours des 12 prochains mois.
Figure 3 : Attentes implicites concernant le taux des fonds fédéraux en fonction des contrats à terme
En fonction de contrats à terme sur 12 mois
Nota : Au 31 mai 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Les obligations d’État offrent un potentiel de rendement intéressant ainsi qu’un risque de valorisation minime
Les obligations d’État mondiales ont fait l’objet de fortes ventes au cours du dernier trimestre, les investisseurs étant convaincus que les taux d’intérêt pourraient rester élevés longtemps ou que la baisse prévue des taux d’intérêt à court terme une fois que les banques centrales auront commencé à assouplir leur politique monétaire pourrait être plus graduelle et moins prononcée que prévu. Le taux des obligations américaines à 10 ans a augmenté de 35 points de base au cours des trois derniers mois, à 4,60 %, et se situe maintenant à une distance considérable au-dessus de notre niveau d’équilibre modélisé (figure 4). Par conséquent, notre modèle porte à croire que le risque de valorisation est minime et que le potentiel de rendement global est particulièrement attrayant si l’inflation continue de diminuer comme nous le prévoyons. Toutefois, nous reconnaissons que notre modèle pourrait sous-estimer le niveau approprié du taux réel (après déduction de l’inflation). Les taux réels sensiblement négatifs observés pendant la pandémie demeurent intégrés à l’approche d’attentes adaptatives de notre modèle et ne disparaîtront que graduellement des prévisions du modèle. Si nous supposons plutôt que les taux d’intérêt réel seront positifs à l’avenir, soutenus par l’accroissement des déficits budgétaires et une prime de terme positive étant donné que les banques centrales n’offriront plus une politique monétaire extrêmement accommodante, alors le taux approprié des obligations américaines à 10 ans pourrait être plus proche de 4,0 % à 4,5 % au cours des 12 prochains mois, plutôt que du niveau de 2 % à 2,5 % prévu par notre modèle. Dans les deux cas, et si l’inflation n’est pas plus élevée que prévu, nous nous attendons à ce que les investisseurs en obligations d’État puissent conserver leur coupon et profiter de gains en capital modestes dans un contexte de légère diminution des taux obligataires, pour des rendements globaux entre 5 % et 10 % au cours des 12 prochains mois.
Figure 4 : Taux des obligations du Trésor américain à 10 ans
Fourchette d’équilibre
Nota : Au 31 mai 2024. Source : RBC GMA
Progression des marchés boursiers, menée par les sociétés technologiques américaines à mégacapitalisation
Les actions ont poursuivi leur progression et de nombreux indices boursiers d’importance ont atteint de nouveaux records au cours du trimestre. L’indice S&P 500 est passé au-dessus de la barre des 5 300 points en mai, pour la première fois, ce qui a porté à un peu plus de 10 % ses gains enregistrés depuis le début de l’année, et de nouveaux sommets ont été observés sur les marchés boursiers au Japon, en Europe et au Canada. Les actions des marchés émergents aussi se sont bien comportées, progressant d’environ 5 % au dernier trimestre, grâce notamment aux mesures de relance annoncées en Chine pour soutenir le marché immobilier du pays. Bien que les gains aient été généralisés, les gains démesurés et les meneurs du marché ont été de plus en plus concentrés au sein d’une poignée d’actions de sociétés technologiques américaines à mégacapitalisation qui ont bénéficié principalement de thèmes liés à l’intelligence artificielle (IA). Après un solide relèvement depuis la fin de 2023, les valorisations de l’indice S&P 500 se situent près d’un écart-type au-dessus du niveau que nos modèles jugent approprié compte tenu du contexte actuel de taux d’intérêt et d’inflation (figure 5). À l’échelle mondiale, toutefois, les marchés boursiers ne sont pas démesurément évalués et les marchés autres qu’américains offrent un potentiel de rendement relativement intéressant (figure 6).
Figure 5 : Point d’équilibre de l’indice S&P 500
Bénéfices et valorisations normalisés
Nota : Au 31 mai 2024. Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Figure 6 : Indice composite des marchés boursiers mondiaux
Indices des marchés boursiers par rapport au point d’équilibre
Nota : Au 31 mai 2024. Source : RBC GMA
Une solide croissance des bénéfices est possible, mais elle est maintenant essentielle pour que les actions poursuivent leur progression
Compte tenu des valorisations élevées actuelles des grandes capitalisations américaines, la poursuite de la progression dépend de plus en plus d’une croissance des bénéfices des sociétés conforme ou supérieure aux prévisions optimistes des analystes. Les prévisions générales tablent sur une croissance de 10 %, de 14 % et de 12 % des bénéfices de l’indice S&P 500 en 2024, en 2025 et en 2026, respectivement (figure 7). L’atteinte de tels chiffres exigerait une combinaison de croissance économique meilleure que prévu et d’expansion soutenue des marges bénéficiaires des sociétés. Notre analyse porte à croire que la croissance du PIB nominal de 5 % et une augmentation de 70 à 100 points de base des marges bénéficiaires se traduiraient par une hausse dans les deux chiffres des bénéfices de l’indice S&P 500. Bien que ces chiffres ne soient pas impossibles à atteindre, ils nécessitent un contexte macroéconomique favorable, et nous reconnaissons que l’obtention d’une forte croissance des bénéfices des sociétés devient de plus en plus essentielle à la poursuite du marché haussier.
Figure 7 : Indice S&P 500
Estimations générales des bénéfices
Nota : Au 31 mai 2024. Source : RBC GMA
Maintien d’une composition de l’actif presque neutre, avec une préférence modeste pour les obligations
Compte tenu des risques et des occasions pour des horizons de placement à court et à long terme, nous conservons une composition de l’actif presque neutre, avec un léger penchant pour les titres à revenu fixe. Notre hypothèse de base est que l’économie parvient à effectuer un atterrissage en douceur et que l’inflation diminue suffisamment pour permettre aux banques centrales d’amorcer l’assouplissement de leur politique monétaire actuellement restrictive. La diminution des taux d’intérêt favoriserait les placements en titres à revenu fixe et nous prévoyons que les obligations d’État produiront des rendements de 5 % à 10 % au cours de la prochaine année. Par conséquent, nous avons augmenté la pondération des titres à revenu fixe au cours des dernières années, alors que les taux obligataires augmentaient. Fait important, l’augmentation des taux obligataires signifie que les obligations offrent une meilleure protection contre un éventuel repli des actions en cas de ralentissement de l’économie. Nous continuons de penser qu’à long terme, les actions surpasseront les obligations, mais les valorisations élevées des actions de sociétés américaines à grande capitalisation en particulier, et la diminution de la prime de risque qui en découle par rapport aux obligations nous incitent à maintenir une pondération en actions inférieure à ce que nous avions connu aux stades antérieurs du cycle. Nous serions plus enclins à accroître notre pondération en actions si nous constations un élargissement des thèmes de placement au-delà de l’intelligence artificielle, appuyé par une rotation des meneurs des marchés boursiers en dehors des sociétés américaines des technologies à mégacapitalisation au profit des actions de sociétés à petite ou moyenne capitalisation, de valeur, internationales ou de marché émergent. Nos recommandations actuelles de répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont les suivantes : 60,0 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 60 %), 38,5 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 38 %) et 1,5 % en liquidités (figure 8). La répartition de l’actif des fonds ou des portefeuilles de clients peut différer en fonction de la politique de placement de ces fonds.
Figure 8 : Composition d’actifs recommandée
Comité des stratégies de placement RBC GMA
Nota : Au 31 mai 2024. Source : RBC GMA