Les indicateurs avancés de la croissance économique indiquent que l’économie ralentit, mais les perspectives laissent entrevoir plus un atterrissage en douceur qu’une récession. Les indices des directeurs d’achats du secteur manufacturier (PMI) se situent légèrement au-dessous de la barre des 50 dans la plupart des grandes régions et au-dessus de la limite inférieure de 40 qui caractérise une récession ; les indices des directeurs d’achats du secteur des services se situent, eux, au-dessus de la barre des 50 et sont en hausse (figures 1 et 2). Le ralentissement de la croissance observée au cours des deux dernières années allait de pair avec la hausse rapide des taux d’intérêt. Le relâchement de la pression exercée par les conditions monétaires restrictives antérieures et la baisse prévue des taux au cours des mois et des trimestres à venir devraient donner du répit à l’économie. Les conditions de crédit ont commencé à s’assouplir, et on le remarque avec la baisse des coûts d’emprunt.
Figure 1 : Indices mondiaux des directeurs d’achats
Nota : Au 31 août 2024. Sources : Macrobond, RBC GMA
Figure 2 : Ind. PMI sect. services. É.-U. ISM Indice de l’industrie non manufacturière ISM
Nota : Au 31 juillet 2024. Sources : Institute for Supply Management, RBC GMA
Les banques sont plus disposées à accorder des prêts, et l’on note une hausse de la demande d’emprunts des entreprises, des consommateurs et des acheteurs d’une propriété. Les dépenses de consommation aux États-Unis ont relativement bien résisté à la hausse des taux d’intérêt, et ont été soutenues par la solidité des bilans des ménages et la protection contre la flambée des taux offerte par les hypothèques à taux fixe à long terme. Certaines régions, surtout à l’extérieur des États-Unis, où les durées des prêts hypothécaires sont plus courtes, éprouvent encore des difficultés puisque l’épargne excédentaire découlant de la pandémie a été largement réduite ; les taux de défaillance et de chômage sont en hausse dans ces régions. Nous sommes conscients du fait que certains des paramètres pourraient se détériorer au cours des mois et des trimestres à venir et situons à 40 % la probabilité de la survenue d’une récession au cours des 12 prochains mois, estimant que l’Europe, le Royaume-Uni et le Canada sont plus vulnérables. L’économie américaine et l’économie mondiale devraient fort probablement continuer de progresser à un rythme modéré, d’autant plus que le contexte des taux d’intérêt devient plus favorable.
Plusieurs risques compliquent toutefois ces perspectives. L’escalade des tensions au Moyen-Orient menace la stabilité géopolitique. Une telle situation pourrait avoir des répercussions sur le prix du pétrole et, en fin de compte, sur l’inflation. Aux États-Unis, l’élection présidentielle de novembre est un risque majeur, étant donné que la course sera probablement serrée et que les deux principaux candidats ont des programmes très différents en ce qui concerne la fiscalité, les dépenses, le commerce mondial et la politique d’immigration. À plus long terme, les importantes mesures de relance budgétaire prises pendant la pandémie ont alourdi la dette souveraine qui se situe à des niveaux susceptibles de nuire le potentiel de croissance future. Tous ces facteurs sont des sources d’incertitude et de volatilité pour l’économie et les marchés des capitaux.
La lutte contre l’inflation est en train d’être remportée
L’un des plus grands défis auxquels l’économie est confrontée, à savoir une inflation élevée et imprévue, a été en grande partie surmonté, puisque les pressions sur les prix continuent de diminuer dans l’ensemble des pays développés. Aux États-Unis, l’inflation des prix à la consommation est tombée à 2,9 % en juillet, bien en deçà de son sommet de 9,1 % atteint au milieu de 2022, et d’autres mesures essentielles de l’inflation ont suivi une trajectoire similaire. Nous nous attendons à ce que l’inflation continue de baisser pour atteindre la cible des 2 % visée par les principales banques centrales, mais sommes conscients que l’amélioration pourrait être plus graduelle à partir de maintenant. Le risque d’une résurgence des pressions inflationnistes semble faible, puisque les indicateurs avancés des pressions sur les prix semblent bien maîtrisés et que les mesures des anticipations d’inflation fondées sur le marché restent bien ancrées autour des 2 % (figure 3). La lutte contre l’inflation est en train d’être gagnée, ce qui permet aux banques centrales d’assouplir à court terme leurs politiques monétaires actuellement restrictives.
Figure 3 : Prime d’inflation implicite à long terme Point d’équilibre du taux d’inflation : taux nominal par rapport aux obligations à rendement réel à 10 ans
Nota : En date de sept. 2024. L’inflation de la zone euro est le point d’équilibre du taux d’inflation, pondéré en fonction du PIB, de l’Allemagne, de la France et de l’Italie. Sources : Bloomberg, RBC MC, RBC GMA
Les banques centrales amorcent un cycle d’assouplissement
De nombreuses banques centrales ont déjà assoupli leur politique monétaire, et les États-Unis feront probablement de même sous peu. Pendant l’été, la Banque du Canada a réduit ses taux de 25 points de base à trois reprises, incluant le communiqué du 4 septembre. La Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre ont, quant à elles, abaissé chacune leurs taux directeurs de 25 points de base. La Banque du Japon fait exception et n’en est qu’aux premiers stades du relèvement de ses taux d’intérêt qui sont à des niveaux proches de zéro. La Réserve fédérale américaine a indiqué qu’elle amorcerait son assouplissement en septembre et que les taux continueront probablement de baisser progressivement dans la prochaine année. Les prix des contrats à terme laissent entrevoir des baisses de 200 points de base aux États-Unis au cours des 12 prochains mois (figure 4), soit un peu plus que nos prévisions de 125 points de base. Notre point de vue est conforme aux attentes d’orientation du marché. Le rythme réel de la normalisation des taux d’intérêt dépendra toutefois de l’évolution des données relatives à l’inflation et au marché du travail.
Figure 4 : Taux des fonds fédéraux et attentes implicites Contrats à terme sur 12 mois
Nota : Au 30 août 2024. Source : RBC GMA
La hausse des obligations d’État réduit le potentiel de rendement
La baisse des taux dans la plupart des grandes régions entraînée par le ralentissement de l’inflation et des données économiques a permis aux obligations d’État de générer de solides gains au cours du dernier trimestre. Le taux des obligations américaines à 10 ans a chuté de plus de 50 points de base au cours des trois derniers mois et est passé sous la barre des 4 % pour la première fois depuis février. Notre modèle suggère que les taux devraient continuer de baisser à long terme si l’inflation continue de ralentir, mais la baisse à court terme sera limitée si les taux d’intérêt réel restent positifs. Si nous considérons que les taux réels fortement négatifs attribuables à la pandémie étaient une distorsion résultant des mesures extraordinaires de relance monétaire et budgétaire qui avaient été prises et ont peu de chances de se répéter, alors, selon notre modèle, les rendements en revenu des obligations souveraines sont proches du point médian ou légèrement inférieurs au point médian de notre fourchette d’équilibre. En supposant que les taux réels restent au-dessus de zéro, la fourchette s’étend de 3,5 % à 4,6 % (figure 5). Le potentiel de rendement des marchés des titres à revenu fixe d’État a diminué, le rendement américain à 10 ans se situant autour de 3,9 % à la fin du mois d’août. À moins d’une récession, le taux des obligations américaines à 10 ans devrait passer à 3,75 % au cours des 12 prochains mois, ce qui se traduirait par des rendements proches de 5 % pour les obligations d’État américaines et des rendements moindres dans les autres marchés des titres d’État.
Figure 5 : Taux des obligations du Trésor américain à 10 ans Fourchette d’équilibre
Nota : Au 31 août 2024. Source : RBC GMA
Les actions ont atteint des niveaux records, le risque de valorisation étant concentré sur les actions américaines de croissance à grande capitalisation
Pendant l’été, les marchés boursiers ont été exposés à une forte volatilité, marquée par le dénouement des opérations de portage sur le yen. Les actions ont par la suite rebondi pour frôler ou atteindre des niveaux records dans la plupart des grands marchés à la fin du mois d’août. L’indice S&P 500 a progressé de 7 % au dernier trimestre, ce qui porte ses gains à 18 % depuis le début de l’année. Les gains réalisés au début de l’année 2024 étaient principalement attribuables aux actions de sociétés technologiques à mégacapitalisation, mais la reprise s’est étendue aux actions des petites sociétés, aux actions de valeur et aux actions internationales. Au dernier trimestre, l’indice S&P 500 Equal Weight et l’indice composé TSX ont chacun enregistré une hausse de 6 % ; l’indice MSCI Emerging Markets a augmenté de 5 % et l’indice MSCI EAFE a gagné 4 %. Tous les gains sont exprimés en dollars américains. Même si l’indice S&P 500 est considéré comme cher, à près d’un écart type au-dessus de la valeur estimée par notre modèle, d’autres marchés affichent des valorisations beaucoup plus intéressantes. Les actions de la plupart des grands marchés, autres que les actions de croissance des sociétés américaines à grande capitalisation, se négocient en dessous de la juste valeur estimée par notre modèle et offrent ainsi un potentiel de rendement supérieur (figure 6).
Figure 6 : Indice composite des marchés boursiers mondiaux Indices des marchés boursiers par rapport au point d’équilibre
Nota : Au 30 août 2024. Source : RBC GMA
Les prévisions optimistes des analystes en matière de bénéfices pourraient stimuler davantage le marché haussier, si elles se réalisent
Le marché boursier haussier peut fondamentalement durer si les bénéfices des entreprises continuent de croître conformément aux prévisions des analystes. Les estimations générales des analystes laissent entrevoir une croissance des bénéfices de 9 % en 2024, suivie d’une accélération à 15 % en 2025 (figure 7). La croissance exceptionnellement rapide des revenus a soutenu les bénéfices depuis la pandémie, même si les marges se sont contractées au cours des deux dernières années et que les coûts ont augmenté. Les marges bénéficiaires sont revenues à leur tendance à long terme, mais il est important de noter qu’elles ont recommencé à se redresser au dernier trimestre. Les estimations des analystes soient très optimistes, mais un contexte caractérisé par une croissance économique modeste, une faible inflation et une baisse des taux d’intérêt pourrait créer les conditions nécessaires à la réalisation des attentes élevées à l’égard des bénéfices qui ont fait l’objet d’un consensus.
Figure 7 : Indice S&P 500 Bénéfice par action des sociétés au cours des 12 derniers mois
Nota : Au 30 août 2024. Les estimations sont fondées sur les prévisions générales ascendantes des analystes sectoriels. Sources : Thomson Reuters, RBC GMA