La semaine dernière, l’invasion russe de l’Ukraine s’est intensifiée et des sanctions internationales ont été imposées à la Russie. Quelles sont les conséquences pour l’économie et les marchés mondiaux ? Nous nous sommes entretenus avec Sarah Riopelle pour connaître son point de vue et la façon dont elle structure ses portefeuilles dans le contexte actuel.
Les marchés ont réagi vigoureusement aux gestes de la Russie envers l’Ukraine. Que pensez-vous des événements récents et de leur incidence sur l’économie et les marchés mondiaux?
Le conflit s’est rapidement aggravé au cours de la semaine écoulée et les marchés internationaux ont réagi en adoptant une position d’aversion pour le risque, ce qui signifie que les marchés boursiers se sont repliés et que les rendements des obligations ont chuté. La volatilité des actions mondiales a monté en flèche et la plupart des principaux indices sont entrés en territoire de correction, chutant d’au moins 10 % par rapport à leurs sommets. De même, les prix des obligations d’État ont remonté, alors que les investisseurs recherchaient des refuges, le taux des obligations américaines à 10 ans passant d’un peu plus de 2,0 % à aussi bas que 1,70 % cette semaine. Les obligations ont donc servi de contrepoids dans un portefeuille diversifié.
Il est difficile de déterminer si la récente liquidation est entièrement attribuable à la crise entre la Russie et l’Ukraine, compte tenu du contexte actuel d’inflation élevée et du durcissement de ton des banques centrales. À court terme, l’invasion de l’Ukraine par la Russie se traduira probablement par une hausse de l’énergie et des prix des produits de base, une aversion pour le risque et des sanctions économiques potentiellement plus sévères à l’égard de la Russie que ce que nous avons vu au cours de la semaine dernière. À plus long terme, cela pourrait aussi signifier une augmentation des dépenses militaires, la priorité donnée à la sécurité énergétique sur le changement climatique, et le découplage économique avec la Russie.
La situation complique également un environnement politique déjà difficile pour les banques centrales. Nous étions d’avis que l’inflation commencerait à revenir à des niveaux plus normaux au cours du deuxième semestre. Ce n’est peut-être plus le cas. Mais il est difficile de ne pas croire que les mesures de la Réserve fédérale et de la Banque centrale européenne seront un peu plus limitées et que d’autres voies vers des résultats négatifs se sont ouvertes. La mesure dans laquelle les perspectives inflationnistes sont modifiées par la montée en flèche de l’énergie et d’autres prix des produits de base, ou dans laquelle la confiance des consommateurs et des entreprises diminue au cours d’une période de conditions financières déjà en train de se resserrer, est maintenant à l’esprit des dirigeants de la banque centrale et des investisseurs.
Nous prévoyons maintenant une croissance du PIB mondial de 3,6 % en 2022 et en 2023. Bien que le risque de récession ait augmenté au fur et à mesure que les conditions monétaires se resserrent et que les risques géopolitiques augmentent, nous prévoyons que l’expansion se poursuivra au moins au cours des 12 prochains mois, mais à un rythme plus lent. L’inflation reste l’une des plus grandes menaces à l’expansion. Nous continuons de nous attendre à un pic vers le milieu de 2022, alors que les distorsions liées à la pandémie se dissipent, bien que nous ayons maintenant l’œil sur l’incidence des chocs énergétiques et autres chocs des marchandises liés à l’invasion.
Comment les marchés ont-ils réagi par le passé à ces « actes d’hostilité »?
Par le passé, les missions militaires de ce genre ont eu une incidence limitée sur les marchés financiers, sauf dans de rares cas où l’événement a finalement changé le cours de l’économie. Au fil des ans, nous avons suivi l’incidence de divers événements sur les marchés et la façon dont ces types d’actes d’hostilité ont influencé les marchés.
Du point de vue des actions, les résultats médians ont consisté en une baisse de 2,7 % sur 5 jours et une reprise complète sur 12 jours.
Du côté des obligations, nous observons une tendance similaire à l’aversion pour le risque dans le cas d’événements de ce genre où les rendements d’une obligation ont diminué sur une période relativement courte et se sont redressés assez rapidement.
Bien que l’expérience médiane des marchés pendant les actes d’hostilité ait été relativement faible, il est important de reconnaître que certains des résultats les plus graves et les plus importants sont inclus dans ces statistiques. Ce qui compte, c’est de savoir si l’événement modifie le cours de l’économie et, dans de tels cas, nous observons des répercussions sévères et durables sur les marchés. Bien qu’il existe des voies menant à un résultat très négatif pour les marchés résultant de l’invasion par la Russie, nous pensons qu’elles représentent actuellement une faible probabilité. Les marchés demeureront probablement volatils au fur et à mesure que la crise évoluera. Il est important que les investisseurs gardent à l’esprit que les périodes d’incertitude accrue sont fréquentes en période de tensions géopolitiques, mais cela ne signifie pas qu’ils doivent abandonner leurs objectifs de placement à long terme.
Réaction des marchés boursiers aux actes de guerre
Répercussions sur l'indice Dow Jones des valeurs industrielles (USD)
Expérience médiane | ||||
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Recul | Période de réaction* | |||
Événement | Date | Jours | % | Jours |
ACTES DE GUERRE (ensemble) | 5 | -2,7 | 12 | |
États-Unis en tant qu’agresseur | 5 | -2,2 | 12 | |
Bombardement atomique d’Hiroshima | 6 août 1945 | 2 | -0.9 | 4 |
Annonce du débarquement de la baie des Cochons (Cuba) | 17 avr. 1961 | 6 | -3,0 | 22 |
Incident dans le golfe du Tonkin (Vietnam) | 4 août 1964 | 3 | -2,0 | 11 |
Bombardement du Cambodge par les É.-U. | 30 avr. 1970 | 21 | -14,1 | 67 |
Échec de la tentative de libération des otages en Iran | 28 avr. 1980 | Aucun recul | ||
Invasion de la Grenade par les É.-U. | 25 oct 1983 | 10 | -2,7 | 14 |
Bombardement de la Libye par les É.-U. | 25 oct 1986 | Aucun recul | ||
Invasion du Panama par les É.-U. | 18 dec. 1989 | 3 | -1,9 | 10 |
Bombardement de l’Irak par la coalition | 17 janv. 1991 | Aucun recul | ||
Invasion de l’Afghanistan par la coalition | 5 oct. 2001 | 3 | -0.1 | 5 |
Invasion de l’Irak par la coalition | 19 mars 2003 | 9 | -2,5 | 13 |
États-Unis en tant que cible | 2 | -2,7 | 4 | |
Bombardement de Pearl Harbor par le Japon | 8 déc. 1941 | 12 | -8,2 | 240 |
L’Union soviétique abat un avion-espion américain | 9 mai 1960 | 2 | -0.5 | 4 |
Début de la crise des missiles à Cuba | 23 oct. 1962 | 1 | -1,9 | 2 |
Marines américains tués par des terroristes au Liban | 24 oct. 1983 | 11 | -2,7 | 15 |
Avion-espion américain capturé en Chine | 2 avr. 2001 | 2 | -4,0 | 4 |
Autres | 11 | -7,1 | 35 | |
La Corée du Nord envahit la Corée du Sud | 26 juin 1950 | 14 | -12,0 | 59 |
L’Union soviétique envahit l’Afghanistan | 26 déc. 1979 | 7 | -2,2 | 10 |
L’Irak envahit le Koweït | 2 août. 1990 | 51 | -18,4 | 138 |
La Russie envahit la Géorgie | 7 août. 2008 | Aucun recul | ||
La Russie envahit la Crimée en Ukraine | 28 févr. 2014 | 1 | -0.9 | 2 |
Terrorisme | 5 | -4,1 | 15 | |
Prise de l’ambassade américaine en Iran | 5 nov. 1979 | 3 | -2,7 | 6 |
Attentat au World Trade Centre | 26 févr. 1993 | 2 | -0.3 | 3 |
Attentat à Oklahoma City | Apr 19, 1995 | Aucun recul | ||
Attentats contre des ambassades américaines en Afrique de l’Est | 23 sept. 1998 | 18 | -11,8 | 62 |
Bombardement de l’USS Cole | 12 oct. 2000 | 5 | -4,2 | 12 |
Attaques contre le WTC et le Pentagone | 11 sept. 2001 | 5 | -14,3 | 42 |
Attentats dans le train à Madrid | 10 mars 2004 | 11 | -3,9 | 18 |
Attentats dans les transports publics de Londres | 6 juil. 2005 | Aucun recul |
* Période de réaction : Nombre de jours pendant lesquels le marché a reculé en raison d’un acte de guerre, avant de revenir au niveau où il se trouvait avant l’événement. Sources : RBC GMA, Ned Davis Research. Il est impossible d’investir directement dans un indice. Le tableau ne tient pas compte des frais liés aux opérations, des frais de gestion des placements et des taxes ou impôts. Si ces coûts et ces frais étaient pris en compte, les rendements seraient plus bas. Les rendements antérieurs ne sont pas garants des résultats futurs.
Avez-vous apporté des modifications à vos portefeuilles pour tenir compte de l’évolution de la situation?
Nous avons apporté plusieurs changements à notre composition tactique de l’actif au cours des dernières semaines, car la hausse de la volatilité du marché nous a donné l’occasion de disposer des réserves de liquidités que nous avions accumulées au cours des derniers trimestres. La récente hausse des taux obligataires et la baisse des cours boursiers nous ont permis d’accroître ces positions à des niveaux plus attrayants.
Plus précisément, nous avons augmenté notre pondération en titres à revenu fixe de 0,5 % dans deux opérations à la fin de janvier ou au début de février. À l’époque, les rendements d’une obligation avaient augmenté et éliminé une partie du risque d’évaluation. Nous avons donc jugé prudent de réduire notre sous-pondération. Nous avons également estimé qu’une pondération légèrement plus élevée des obligations offrirait un coussin supplémentaire aux portefeuilles en cas de ralentissement de l’économie ou des actions. Cela dit, nous maintenons la sous-pondération des titres à revenu fixe, ce qui reflète notre opinion selon laquelle les obligations devraient générer des rendements faibles, voire négatifs, au cours de la période de prévision dans notre scénario de base.
Au cours de la dernière semaine, nous avons également ajouté 0,5 % à notre pondération des actions, en puisant dans les liquidités. Bien que les risques pour les marchés des capitaux aient augmenté de façon notable au cours des derniers mois, le repli enregistré jusqu’à présent cette année a entraîné un rajustement important du cours des actions, réduisant le risque d’évaluation et améliorant les rendements prévus.
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