Huit mois après l’invasion de l’Ukraine par Poutine, il semble clair que la Russie est en train de perdre la guerre.
Si les véritables objectifs de Poutine étaient de renverser le gouvernement de Kiev, d’imposer son propre régime, de démilitariser le pays et de mettre fin à l’influence de l’Occident, nous pouvons dire qu’il a manqué son but. Mais au regard des objectifs plus modestes qu’il a annoncés par voie officielle, à savoir l’occupation du Donbass et l’ouverture d’un couloir terrestre vers la Crimée au sud, il semble que Poutine tente d’entériner sa victoire en déclarant l’annexion de quatre régions ukrainiennes partiellement occupées. Cependant, les revers militaires récemment subis à Kharkiv et autour de Kherson soulèvent des doutes quant à savoir si ces simples objectifs seront atteints.
« L’Ukraine, d’un autre côté, s’est mobilisée pour faire front contre la menace russe, et dispose à présent de forces militaires efficaces. »
Un effondrement des forces russes en Ukraine semble désormais de l’ordre du possible. Cette guerre représente déjà une défaite douloureuse pour Poutine et la Russie, dont la puissance militaire conventionnelle a trouvé ses limites. La brutalité de l’attaque russe a provoqué des sanctions gigantesques, non seulement contre l’économie russe, mais aussi contre Poutine qui est quasiment devenu un paria. Quelques-uns de ses alliés, parmi lesquels le président chinois Xi et le premier ministre indien Modi, semblent même prendre leurs distances par rapport au leader russe. À l’intérieur de la Russie, l’opposition et le malaise général s’intensifient à mesure que sont révélés les piètres résultats de l’armée russe et de l’État dans ce conflit.
L’Ukraine, d’un autre côté, s’est mobilisée pour faire front contre la menace russe, et dispose à présent de forces militaires efficaces. Sans aucun doute, ce pays représente aujourd’hui une menace bien plus grande pour la Russie qu’il y a huit mois. L’Occident s’est également rassemblé autour de l’objectif de contrer l’agression russe.
Les options limitées qui s’offrent à Poutine, et leur impact sur les marchés
Les options limitées qui s’offrent à Poutine, et leur impact sur les marchés.
1. Négociation de la paix
À mon avis, le choix le plus raisonnable pour Poutine serait de négocier un traité de paix. Les tentatives de la Russie pour imposer une crise énergétique en Europe, l’annexion de quatre régions ukrainiennes et les menaces nucléaires visaient à forcer l’Ukraine et l’Occident à s’asseoir à la table des négociations et à concéder la paix aux conditions exigées par Poutine – c’est-à-dire que la Russie conserve les territoires qu’elle occupait.
Pourtant, à présent que sa position s’est renforcée, l’Ukraine ne semble pas d’humeur à négocier tant que la Russie ne se sera pas retranchée jusqu’à sa position du 23 février, au minimum. Or, cette issue paraît probable à l’heure actuelle, car les forces russes déployées en Ukraine pourraient bien s’effondrer au cours de l’hiver. Cependant, en venir à ces extrémités exposerait Poutine à une défaite dévastatrice, aussi bien sur le plan militaire qu’en matière de politique intérieure. Un retrait anticipé dans le cadre d’un processus de paix permettrait à Poutine de sauver la face en limitant les pertes russes. Peut-être même pourrait-il négocier une modération des sanctions à l’encontre de l’économie russe.
Du côté des marchés financiers, la victoire de l’Ukraine et la fin de la guerre seraient bien accueillies. Nous constaterions sans doute un rebond des actifs à risque et une chute des prix des matières premières, ce qui apaiserait la crise mondiale du coût de la vie et permettrait à la Fed de changer de cap dans sa politique monétaire. Le résultat dépendra grandement de la configuration politique de la Russie à la sortie du conflit. Si Poutine conserve le pouvoir, les relations avec l’Occident resteront tendues et il sera difficile de modérer les sanctions. Dans l’expectative de la prochaine friction entre Poutine et l’Occident, nous assisterions peut-être à un sursaut des marchés relativement bref, mais conséquent.
2. Victoire de l’Ukraine
Deuxièmement, un scénario beaucoup plus optimiste serait que l’Ukraine gagne la guerre et que Poutine perde le pouvoir, peut-être à l’issue d’un coup d’État. Même si cela est moins probable, un soulèvement populaire pourrait se produire ultérieurement, surtout si Poutine tente de faire durer le conflit. De toute évidence, des inquiétudes planent au sujet de la succession de Poutine. Je pense que la prochaine personne au pouvoir sera quelqu’un du cercle du Kremlin, mais quelqu’un qui aspire à stabiliser les relations avec l’Occident. Le départ de Poutine entraînerait probablement une modération des sanctions et une envolée des marchés, car cet évènement signifierait la réouverture des investissements en Russie.
3. Guerre nucléaire
La troisième option, et de toute évidence la plus dévastatrice, serait que Poutine mette à exécution sa menace d’attaques nucléaires tactiques afin de contrer toute offensive ukrainienne, dans un bras de fer pour que la partie ukrainienne concède à s’asseoir à la table des négociations. Cependant, comme l’ont souligné les experts militaires, une attaque nucléaire tactique est difficile à mettre en pratique. Une guerre nucléaire se solderait par une victoire militaire aux contours flous, et le risque de contaminer la Russie et les territoires occupés représente un coût politique énorme pour la Russie. Tout recours aux armes nucléaires isolerait presque totalement Poutine sur la scène internationale et éloignerait son allié le plus puissant, la Chine. Cela pourrait provoquer une intervention militaire de l’OTAN, tandis que la Chine et l’OTAN pourraient bien parvenir à la même conclusion, à savoir que Poutine doit quitter le pouvoir. Les marchés mondiaux seraient probablement aspirés dans une spirale descendante, avec une fuite vers les actifs de qualité. Nous verrions les prix des matières premières exploser et les actifs à risque dégringoler, tandis que la croissance mondiale serait mise en pièces. Les risques seraient d’une ampleur systémique et feraient des vagues dans le monde entier, ajoutant aux préoccupations liées à la crise du coût de la vie, au resserrement monétaire de la Fed et aux incertitudes entourant la guerre. En fin de compte, une guerre nucléaire est peu probable, mais un tel dénouement déclencherait une crise économique et de sécurité d’envergure mondiale.