Dans cette vidéo, Dan Chornous, chef mondial des placements, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., présente ses perspectives sur l’économie mondiale, en abordant des sujets tels que l’inflation, les marchés des titres à revenu fixe et bien d’autres encore.
Durée : 10 minutes, 58 secondes
Transcription
Quelles sont vos perspectives pour l’économie mondiale ?
En ce moment, il est exceptionnellement difficile d’établir des projections avec précision. Nous savions tous que des droits de douane étaient au programme, donc ce n’est pas du tout une surprise. Mais alors que nous examinions l’éventail des scénarios envisageables, un tarif de 25 % semblait représenter une position de négociation extrême. Finalement, comme nous le savons tous, c’est ce taux qui a été retenu. Nous sommes dans une situation où nous ne savons pas dans quelle mesure et pour combien de temps ces droits de douane seront en place, et quelles seront leurs retombées dans les secteurs concernés.
Il existe un vaste éventail de possibilités, et malheureusement, nous devons accepter le fait que certains de ces scénarios pourraient plonger le Canada dans une récession et réduire radicalement le taux de croissance prévu aux États-Unis. D’un autre côté, s’ils ne sont pas en place pour trop longtemps et s’ils motivent réellement un changement positif pour la productivité dans l’économie, il se pourrait qu’à moyen terme, nous arrivions à accélérer quelque peu la croissance.
Nous avons révisé nos prévisions, mais, comme je l’ai dit, c’est une période très changeante et je pense que nos prévisions seront tout aussi changeantes que les perspectives. Nous avons réduit les prévisions de croissance des États-Unis de la moitié de 1 % en 2025, et nous ne prévoyons plus que 1,9 % de croissance pour l’économie américaine. Donc ce n’est pas une mauvaise année, mais une année moins bonne que ce qui était attendu alors que nous traversons cette période de menaces et de changements. Au Canada, où la force de ces droits de douane se fait déjà sentir, nous avons réduit nos prévisions de plus des trois quarts de 1 %, soit 80 points de base.
Et maintenant, nous attendons une croissance de moins de 1 % dans l’économie, soit 9/10e de 1 % à peine en 2025, et, espérons-le, une meilleure croissance en 2026. Mais vous connaissez la règle empirique, si les tarifs douaniers sont élevés pendant longtemps, c’est mauvais, et si leur durée est courte, c’est mieux.
Quel est votre point de vue à l’égard de l’inflation ?
Malheureusement, l’inflation n’a pas vraiment baissé à 2 % avant de redevenir chaotique. Vous savez donc que nous entrons en 2025, ou au milieu de 2025 en route vers 2026, sans avoir accompli tout ce que la Fed et d’autres banques centrales avaient décidé de faire. Et maintenant, c’est encore plus compliqué, avec la mise en place de droits de douane, sans pouvoir deviner combien de temps ils seront en place ou quelle sera leur incidence.
Il y a deux coûts potentiels associés à ces tarifs en ce qui a trait à l’inflation. Le premier est le coût direct lié à la répercussion de la totalité ou d’une partie des droits de douane sur les consommateurs, de la part des producteurs ou des importateurs, un coût qui entrera directement dans l’IPC. Puis il y a la question importante du coût associé au rapatriement des activités.
Après tout, il y avait une raison pour que les entreprises décident de délocaliser, et c’était la réduction des coûts de production. Dans la mesure où les activités sont maintenant rapatriées, certains de ces coûts de production pourraient augmenter et peser sur les épaules des consommateurs, à moyen ou à long terme, pas tellement à court terme, mais à long terme alors que de nouvelles installations seront créées.
Si l’on regarde ces deux choses, on voit mal comment ce changement est bon sur le plan de l’inflation au cours de la prochaine année. Par conséquent, nous avons mis à jour nos prévisions et avons dû considérablement augmenter les prévisions d’inflation aux États-Unis, qui se chiffrent malheureusement à 3,3 % en 2025. Donc aucun progrès à cet égard. Et nous espérons une meilleure progression en 2026, à mesure que nous sortirons de cette période d’instabilité.
Au Canada aussi, malgré le marasme économique auquel nous devons nous attendre, malheureusement, nous tablons maintenant sur une inflation de 2,9 % en 2025, très proche de celle des États-Unis.
Quelles sont les mesures entreprises par les banques centrales dans ce contexte ?
L’environnement a spectaculairement changé pour les banques centrales au cours des derniers jours. Nous pensons qu’elles sont encore en pause. L’économie a des bases solides, bien que les chiffres se soient avérés beaucoup plus faibles ces derniers jours. Nous allons voir, vous savez, quelle est la tendance des chiffres dans les prochaines semaines. L’inflation est persistante, donc elles sont coincées entre deux extrêmes.
Nous nous attendons à ce que cette pause se maintienne au cours des prochains mois, peut-être tout le reste de l’année. C’est donc le niveau actuel des taux d’intérêt qui est pris en compte dans nos prévisions de 2025. Pas tellement au Canada. Le pays sera frappé de plein fouet par les droits de douane, tout le temps où ils resteront en place. La Banque du Canada pourrait abaisser ses taux d’au moins 25 points de base supplémentaires, soit d’un quart de 1 % au cours de l’année.
Mais il faut penser que face aux menaces, avec l’économie en train de fléchir, la banque utilisera plus probablement le levier des taux, et acceptera plus de faiblesse de la monnaie avant d’accepter plus de marasme économique. En Europe, nous attendons juste une réduction des taux d’intérêt de 25 points de base. Nous pensons toujours que l’Europe a plus de marge de manœuvre pour réduire les taux, comparativement au reste du monde.
En fait, s’il y a quelque chose de vrai dans le monde, c’est que les risques concernant les prévisions sont orientés à la baisse, et si les choses deviennent plus chaotiques, si l’économie s’affaiblit, les taux seront réduits plus que prévu.
Quelles sont vos perspectives pour les titres à revenu fixe ?
Les marchés obligataires sont très, très volatils alors que nous traversons cette période difficile pour les prévisions économiques. Il n’y a pas de surprise. Nos modèles de valorisations, qui nous aident beaucoup depuis plusieurs décennies, suggèrent que la fourchette appropriée pour l’obligation du Trésor se situe entre 3,5 % et 4,5 %. À 4,5 %, le taux reflète une prévision selon laquelle la croissance ne sera pas excessivement touchée, mais quand même touchée.
À 3,5 %, pas de préoccupations par rapport à l’inflation, mais beaucoup par rapport à la croissance. Tout dépend, je suppose, du niveau des droits de douane, de la durée pendant laquelle ils seront en place, de l’incidence de ces droits, et de la mesure dans laquelle ils seront répercutés sur les consommateurs. Dans ce contexte, nous pensons que les obligations sont généralement évaluées à un prix juste. À mesure que nous nous approchons de ce niveau de 4,5 %, nous avons tendance à augmenter les positions.
Alors que nous descendons en dessous de 4 % et que nous nous dirigeons à coup sûr vers 3,5 %, nous sortons de certaines de ces positions. Nous avons donc géré les positions de façon active en fonction de ce paramètre.
Quelles sont vos perspectives pour les actions ?
Nous sommes préoccupés par les valorisations sur le marché américain, en particulier depuis un certain temps, et nous n’avons pas pris beaucoup de risque sur les actions au cours des derniers trimestres. Ces risques de valorisation se dissipent un peu, mais ils demeurent assez élevés, particulièrement dans le haut du marché américain. Pensons qu’en 2024, l’indice S&P a progressé de 23 %, ce qui reflète en soi une très, très bonne année. Les dix premières actions ou en réalité les sept magnifiques, dont nous avons parlé, ont progressé de 56 %.
Donc les bénéfices ont bien du mal à suivre le genre de ratios affichés, au moins, par les sept magnifiques, qui sont vraiment élevés. Et maintenant, nous avons la pression de l’économie et la pression sur la confiance des investisseurs qui découlent des informations de Washington. Par conséquent, les valorisations et les difficultés pour maintenir les bénéfices dominent les préoccupations en matière d’actions.
Les analystes recherchent plus ou moins une croissance des bénéfices de 10 % cette année. Toujours à partir du S&P 500. Et il est possible que ces marges augmentent et s’accélèrent plus tard en 2026 et 2027, alors qu’elles commenceront à récolter certains de ces gains de productivité, qui sont, dans un sens, possibles, grâce aux changements que l’économie va traverser. D’un autre côté, aux États-Unis, du moins, vous avez vraiment besoin de constater cette croissance des bénéfices de 10 %.
Et vous devez maintenir la confiance des investisseurs pendant cette période difficile. Il y a donc beaucoup de choses qui doivent être faites correctement, pour au moins maintenir les actions à leur niveau actuel ou pour produire un rendement normal à partir des actions au cours des 12 prochains mois. D’un autre côté, lorsque nous regardons à l’extérieur des États-Unis, l’image est très différente de celle que nous avions depuis un certain temps.
C’est donc l’histoire de deux marchés, qui se déroule, pas seulement les États-Unis, mais aussi le reste du monde. Il y a sans aucun doute un facteur d’exceptionnalisme que nous avons remarqué, en faveur des États-Unis. Mais même les États-Unis sont comme ces 7 ou 10 actions, comparativement à tout le reste. Lorsque nous regardons en dehors de ces 7 ou 10 principales actions, et surtout lorsque nous examinons le Canada, le Royaume-Uni, l’Europe, nous constatons des valorisations beaucoup plus élevées.
Et nous constatons également qu’une certaine réorganisation économique pourrait propulser les bénéfices à des niveaux plus élevés que prévu au départ. Ce n’est pas un bon moment pour surpondérer les actions. D’un autre côté, nous n’avons pas assez de preuves pour affirmer que les défis économiques auxquels nous sommes confrontés depuis quelques semaines vont plonger l’économie dans la récession ou faire en sorte que nous n’atteindrons pas les objectifs de bénéfices actuellement établis.
Comme je l’ai dit, nous détenons des positions relativement neutres en actions, et depuis peu, nous privilégions les actions européennes et canadiennes plutôt que les actions américaines. Compte tenu de ces deux groupes de valorisations très différents, nous avons considérablement rajusté nos placements en actions en fonction des régions. Nous avons réduit notre pondération en actions américaines en deçà d’un niveau neutre. Nous avons utilisé l’argent correspondant pour augmenter nos positions dans les marchés émergents et en Europe. Au Royaume-Uni, où les valorisations sont beaucoup, beaucoup plus attrayantes, et où les bénéfices nécessaires pour satisfaire aux exigences des investisseurs maintiennent ces valorisations à leur niveau actuel, ou pourraient même les stimuler à partir de maintenant, et franchement, ce ne sera pas trop difficile.
Au Canada, malheureusement, en raison des problèmes en Amérique du Nord, nous avons aussi opté pour une sous-pondération plutôt que pour une pondération neutre.
En ce qui a trait à la composition de l’actif du portefeuille, il y a deux choses à signaler. Tout d’abord, pendant longtemps, les obligations n’ont pas été très utilisées dans les portefeuilles des investisseurs en tant que protection contre les corrections des marchés boursiers, ou le capital investissement, nous pourrions être tentés d’intégrer d’autres actifs à risque, mais à leur niveau actuel, elles offrent une protection contre un nouveau déclin de l’économie qui se répercuterait sur les bénéfices puis sur les cours boursiers.
Nous avons donc opté pour des positions obligataires plus élevées, plus proches de leur pondération neutre à long terme, par rapport aux années précédentes. Et nous avons géré de façon très tactique celles qui sont comprises entre le paramètre de 3,5 % qui représente un marché obligataire coûteux et le paramètre de 4,5 % qui commence à paraître raisonnable. Dans les actions, une pondération neutre. Avec tout ce qui se passe en ce moment, de nombreuses menaces à l’égard des bénéfices sont particulièrement lourdes pour les sept magnifiques ou pour les dix actions du haut du marché dont les valorisations sont extrêmement élevées.
Il y a d’autres marchés qui ne sont pas si chers et où nous maintenons une pondération neutre. Dans l’ensemble, le moment n’est pas propice pour prendre beaucoup de risque dans les portefeuilles des investisseurs. Quelque chose comme une position neutre nous semble parfait.