« Par rapport à notre dernière visite du mois de mars en Chine, le climat sur le terrain en général avait clairement pris une tournure plus positive. »
Une note sur la riposte projetée par la Chine aux tarifs douaniers de M. Trump
Nous avons programmé notre mission de recherche en Chine pour qu’elle suive directement les élections américaines. En plus de dix jours, nous avons visité six villes au sud et au sud-est de la Chine. Nous ne nous sommes pas contentés de visiter les grandes métropoles bien connues, mais aussi des villes de moindre importance telles que Changsha, Xiamen, Ningde et Shanwei. À notre avis, le fait de déambuler dans des villes de ce type nous permet de mieux prendre le pouls sur le terrain et nous donne l’occasion de voir des entreprises moins connues. Dans le passé, on associait les villes chinoises plus petites et moins développées économiquement à l’insécurité et la saleté. Nous avons toutefois observé de grands progrès à cet égard au cours des dix dernières années. La rencontre sur place d’équipes de direction s’avère payante : cela nous donne en effet l’occasion de rencontrer la haute direction, et de visiter leurs bureaux, usines et centres de production. Qui plus est, nous pouvons ainsi améliorer nos relations avec les sociétés de notre portefeuille.
Par rapport à notre dernière visite du mois de mars en Chine, le climat sur le terrain en général avait clairement pris une tournure plus positive dans la foulée des annonces de mesures de relance du gouvernement depuis la fin de septembre, et ce, malgré la menace des tarifs douaniers de M. Trump. Cette fois-ci, il nous semble que les investisseurs et les équipes de direction en Chine ne sont pas sur la même longueur d’onde. Les investisseurs, en particulier internationaux, semblent soucieux qu’un simple échange de dettes ne parvienne pas à stimuler directement la consommation. Dans nos réunions toutefois, on a fait valoir à plusieurs reprises que l’un des facteurs de la faible consommation, à part la baisse des prix de l’immobilier, a été l’incapacité des administrations publiques locales à payer leurs employés et fournisseurs à temps. Il y a eu des réductions de salaire pour les employés, voire des licenciements dans des cas extrêmes, car la baisse des ventes de terrains a réduit les recettes des administrations publiques locales. Un échange de dettes qui permet le règlement de ces arriérés et la réduction des charges d’intérêts devrait contribuer à aider les consommateurs dans une certaine mesure et, par conséquent, le climat des affaires.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous n’avons eu aucun mal à nous déplacer en Chine, malgré les grandes distances, en particulier lorsque la destination est desservie par le réseau de trains à grande vitesse. Au fil des ans, le développement de l’infrastructure ferroviaire de la Chine a continué de s’accélérer. Le système ferroviaire atteint une distance totale de 160 000 kilomètres, dont 29 % sont des voies à grande vitesse1. Cela signifie également que la Chine possède le plus grand système ferroviaire à grande vitesse au monde2. Aujourd’hui, 96 % des grandes villes du pays (33 des 34 provinces), y compris Hong Kong, ont accès à des voies ferrées à grande vitesse. Les temps de trajet entre les grandes régions métropolitaines sont ainsi fortement réduits. Le premier jour de notre voyage, un train à grande vitesse nous a permis d’aller de Hong Kong à Changsha en quatre heures. L’achat de billets est très pratique. Il suffit d’acheter un billet en ligne, et les renseignements sur votre pièce d’identité ou votre passeport sont liés. Dans certaines gares, on peut même balayer son visage sur un écran pour franchir la porte d’embarquement.
Notre voyage a commencé à Changsha, la capitale animée de la province du Hunan, qui compte 10,4 millions d’habitants. Changsha est célèbre depuis longtemps pour son histoire millénaire et les débuts de Mao Zedong en politique qui a étudié là de 1913 à 1918. Aujourd’hui, elle tient sa célébrité aux plus grands fabricants chinois de machines de construction qu’elle abrite. Nous avons rencontré deux de ces entreprises, pour lesquelles les exportations constituaient un atout. La direction nous a assurés qu’elle pouvait absorber des tarifs douaniers oscillant entre 10 à 20 %. Sa stratégie à long terme consiste toutefois à construire davantage de produits sur leurs plus grands marchés d’exportation.
« Lors de nos visites de sociétés, nous n’avons pas observé d’environnement industriel stéréotypé. Au lieu de cela, les usines étaient nichées dans des jardins agrémentés d’étangs pittoresques. Le cadre était beau et paisible. »
Notre arrêt suivant était Xiamen, une ville insulaire au large de la côte est de la province du Fujian. Grâce à son emplacement géographique, Xiamen a une longue tradition de commerce. C’est la ville chinoise la plus proche du continent taïwanais (à seulement 322 km de distance). La ville est également largement reconnue pour sa qualité de vie. Elle est considérée comme l’une des villes les plus agréables de la Chine à cause de ses jardins verdoyants et de son climat subtropical. Lors de nos visites de la société, nous n’avons pas observé d’environnement industriel stéréotypé. Au lieu de cela, les usines étaient nichées dans des jardins agrémentés d’étangs pittoresques. Le cadre était paisible et pittoresque. Cela reflète également le fait que les entreprises mettent davantage l’accent sur la création de milieux de travail accueillants pour les employés. Voilà un point particulièrement important pour ceux qui accomplissent des tâches répétitives. Nous avons aussi appris que ces entreprises fournissent des repas gratuits aux ouvriers de leurs usines.
Les deux principales sociétés industrielles que nous avons rencontrées figurent parmi les trois premiers acteurs mondiaux dans les secteurs de niche où elles exercent leurs activités, du point de vue du volume des ventes. Comme d’autres sociétés industrielles à forte vocation internationale, les tarifs douaniers les préoccupent. Pour atténuer les risques correspondants, une entreprise a déjà diversifié sa production en dehors de la Chine, tandis que l’autre est en train d’accroître sa production à l’étranger. En ce qui concerne le marché intérieur, les deux sociétés estiment que l’argument de l’énergie renouvelable est toujours d’actualité, stimulé par l’investissement accéléré du réseau d’État dans la modernisation du réseau électrique en Chine.
Après Xiamen, nous avons pris le train à grande vitesse pour Ningde, une ville de quatrième rang au nord du Fujian. Cette ville de 2,8 millions d’habitants est surtout connue pour le plus grand fabricant de batteries au monde qu’elle abrite3. Nous avons eu l’occasion de visiter l’un de ses sites de production de batteries, où est fabriquée la dernière génération de la batterie au lithium-fer-phosphate (« batterie LFP »). Il nous est clairement apparu que l’avantage concurrentiel de l’entreprise provient non seulement de la recherche et du développement qui concernent la chimie et la conception structurelle de ses accumulateurs, mais aussi de l’efficacité et de la vitesse du processus de production. Nous avons également été impressionnés par l’attention accordée par l’entreprise à la durabilité environnementale. Elle vise à atteindre la carboneutralité des périmètres 1 et 2 d’ici la fin de 2025 en utilisant des sources d’énergie éolienne, solaire et nucléaire. À ce jour, elle a déjà quatre sites de production qui ont atteint la carboneutralité.
Au sud de la côte, nous sommes arrivés à Shanwei, une ville près de Shenzhen, pour rencontrer le plus grand fabricant mondial de véhicules électriques et le deuxième fabricant de batteries au monde. À la fin de 2023, la société a dépassé Tesla et est devenue le plus grand vendeur de véhicules électriques à batterie (« VEB »). Elle est en bonne voie de vendre plus de quatre millions de VEB et de véhicules hybrides rechargeables (« VHR ») en 2024. Elle nous a fait visiter l’une de ses installations de production phares. Nous avons été impressionnés par son intégration poussée de la chaîne logistique, la fabrication de ses propres batteries, moteurs, semi-conducteurs et autres composants de base.
À Shenzhen, nous avons visité la plateforme aéroportuaire et le centre de livraison des drones du plus grand prestataire de service logistique intégré d’Asie (et occupant la quatrième place à l’échelle mondiale). L’entreprise propose une gamme complète d’offres, y compris des services d’expédition accélérée, des services de fret, des expéditions sur demande en ville et des solutions de gestion de la chaîne logistique. Compte tenu de la tendance à la délocalisation des chaînes logistiques, la société élargit maintenant son champ d’activité en Chine à d’autres régions d’Asie du Sud-Est, grâce à des acquisitions d’entreprises.
« Malgré le redressement de la croissance du revenu réel disponible en Chine, les dépenses de consommation restent modérées. »
Parallèlement aux progrès industriels observés lors de nos visites d’entreprise, nous nous sommes également penchés sur certains aspects des tendances de consommation. Malgré le redressement de la croissance du revenu réel disponible en Chine, les dépenses de consommation restent modérées, et une grande partie du revenu est affectée à l’épargne. Les sociétés de consommation que nous avons rencontrées nous ont dit qu’elles observaient des tendances simultanées de baisse du commerce et de montée en gamme, selon la catégorie de produits et le groupe de consommateurs. Les promotions sont devenues plus importantes pour le marché de masse et les produits de prestige afin de s’assurer que les consommateurs sentent qu’ils en ont pour leur argent. Dans l’ensemble, nous avons l’impression que les consommateurs sont de plus en plus sélectifs quant aux choix de leurs dépenses. Les dépenses qui procurent une expérience continuent d’être un domaine où nous observons une forte dynamique. Nous avons rencontré un gestionnaire immobilier de premier plan. L’un de leurs centres commerciaux regorgeait de monde, même un mardi après-midi.
Notre voyage s’est clôturé à Hong Kong. Nous y avons rencontré deux grandes sociétés immobilières chinoises. L’éclatement de la bulle immobilière a fortement freiné l’activité économique globale. Quoi qu’il en soit, les deux sociétés ont enregistré un résultat plus positif en 2025 que lors de notre dernière rencontre en janvier. En particulier, elles ont cité les dernières principales données de vente des villes de première catégorie. Il s’agit de villes où elles sont les plus implantées et celles où les ventes durant le congé de la semaine d’or d’octobre ont augmenté par rapport à l’an dernier. Cela dit, la direction a estimé que les prix doivent se stabiliser pendant plus longtemps afin que les ménages réintègrent complètement le marché.
Voici une dernière observation à propos de la gouvernance d’entreprise. Cela concerne un point que nous soulignons depuis plusieurs années : l’amélioration de la gouvernance d’entreprise profite à l’affectation des capitaux sur le marché chinois. Le graphique 1 montre la forte augmentation des dividendes et des rachats au cours des dernières années. Le taux annualisé de 2024 devrait surpasser le total de l’an dernier.
Graphique 1 : Augmentation des politiques favorables aux actionnaires des sociétés chinoises
Sources : CLSA, FactSet, MSCI, au 30 septembre 2024, RBC GMA.