Le dollar américain a cédé 10 % au premier semestre de 2025, ce qui représente son plus grand recul sur six mois depuis 2009, et l’un de ses pires débuts d’année depuis l’abandon de la convertibilité du dollar en or au début des années 1970 (figures 1 et 2). Ce n’est certainement pas ce que la plupart des investisseurs attendaient au début de l’année, lorsque le dollar était porté par des taux d’intérêt élevés, des rendements boursiers à la hausse et une économie plus vigoureuse que celle des autres pays développés. Dans le sillage de ce qui était alors appelé « l’exceptionnalisme américain », le glissement de la devise a particulièrement surpris les investisseurs qui croyaient à une envolée du dollar sous l’effet de l’augmentation des droits de douane par le président Trump. Au cours des mois qui ont suivi l’investiture du président Trump, l’optimisme des investisseurs a laissé place à un certain pessimisme à l’égard du billet vert, comme en témoigne la forte variation des positions dans les contrats à terme (figure 3).
Figure 1 : Cycles à long terme du dollar américain pondéré en fonction des échanges
Nota : Données en date du 22 août 2025. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Figure 2 : Tendance annuelle la plus faible du dollar américain depuis les années 1970
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 3 : Les positions à terme sur le dollar américain sont passées de haussières à baissières
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, CFTC, RBC GMA
La comparaison avec les années civiles précédentes est un peu arbitraire, car les flux de capitaux qui déterminent les taux de change dépendent davantage des thèmes de placement que de la saisonnalité. Il est plus pertinent de comparer le déclin du dollar de cette année aux marchés baissiers précédents. Or, l’épisode actuel est remarquablement semblable aux deux derniers déclins pluriannuels du dollar si nous considérons que le début de l’effondrement, le 13 janvier, constitue le point culminant du dollar pour cette année (figure 4). À partir de là, nous observons que le déclin du dollar tend à se matérialiser en grande partie au cours des trois premières années. Par conséquent, les investisseurs doivent être prompts à repérer le sommet du dollar s’ils veulent tirer parti du déclin qui s’ensuivra. Selon ce graphique, à ce stade du cycle du dollar américain il vaut mieux commencer trop tôt que trop tard pour parier contre le billet vert, d’autant plus que la surévaluation de la devise à l’approche de ce type de tournant limite les gains ultérieurs.
Figure 4 : Recul du dollar comparé aux précédents marchés baissiers
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Une autre caractéristique de ces marchés baissiers est la tendance du dollar à passer par quelques moments de vigueur. Les fluctuations à contre-courant amènent certains investisseurs à racheter leurs positions vendeur sur le dollar américain, ce qui favorise une nouvelle accélération de la hausse du billet vert. Nous avons connu un mouvement de ce type en juillet dernier, lorsque le dollar s’est apprécié de 4 % au cours du mois pour dépasser sa moyenne mobile sur 50 jours – un niveau qui a limité les gains de la devise à compter de février. Il se trouve que ces rebonds de début de cycle, à hauteur de 4 % à 6 % en moyenne, devraient être considérés par les investisseurs comme des occasions de vendre des dollars s’ils ne l’ont pas déjà fait. Cependant, il n’est pas facile de trouver le bon moment pour saisir ces occasions, car les conditions du marché donnent souvent à penser que le rebond du billet vert pourrait être beaucoup plus important. Le cas s’est produit en juillet, lorsque plusieurs facteurs défavorables au dollar américain ont semblé s’estomper. En particulier, la proposition de prélèvement d’impôt à l’encontre des porteurs étrangers d’actifs américains a été retirée du projet de loi « One Big Beautiful Bill » du président Trump. Et l’idée d’un accord de Mar-a-Lago pour coordonner un affaiblissement du dollar américain a également été écartée. De plus, la signature d’ententes sur les droits de douane avec le Royaume-Uni, le Japon et la Corée du Sud, entre autres, a constitué une bonne nouvelle pour l’économie américaine et pour les investissements des entreprises, car plusieurs de ces ententes exigent des partenaires commerciaux des États-Unis qu’ils investissent sur le territoire américain.
Selon nous, le billet vert retombera probablement à de nouveaux creux au cours des prochains mois. Il semble même avoir repris sa trajectoire baissière, plombé par trois événements survenus à quelques heures d’intervalle le premier jour d’août. Premièrement, l’affaiblissement des données sur l’emploi a révélé la morosité du marché de l’emploi aux États-Unis et amené les investisseurs à anticiper une baisse des taux de la Réserve fédérale américaine pour septembre (Fed) (figure 5). Ensuite, le président Trump a congédié le chef de l’organisme responsable de la compilation des données sur l’emploi, suscitant des inquiétudes quant à l’intégrité et l’indépendance des institutions américaines. Troisièmement, la gouverneure de la Fed, Adriana Kugler, a annoncé qu’elle démissionnerait avant la fin de son mandat, ce qui a permis à la Maison-Blanche de nommer Stephen Miran, fervent partisan du président Trump, pour accomplir le reste du mandat de Mme Kugler. M. Miran est un partisan notoire de la dépréciation du dollar américain. Dans un article publié à l’automne dernier, il a même proposé une feuille de route visant à affaiblir la devise. Il a aussi plaidé en faveur de réformes qui permettraient à la Maison-Blanche d’exercer une plus forte influence sur la banque centrale.
Figure 5 : Fléchissement du marché de l’emploi aux États-Unis
Nota : Au 5 septembre 2025. Sources : U.S. Bureau of Labour Statistics, RBC GMA
Le remplacement des gouverneurs de la Fed est un sujet particulièrement délicat après les critiques M. Trump à l’égard du président Jerome Powell, l’accusant de prendre trop de temps pour assouplir la politique monétaire. À l’heure actuelle, nous pensons que les marchés financiers n’ont pas pleinement pris en compte la menace qui pèse sur l’indépendance de la Fed. M. Trump a déclaré qu’il souhaitait contrôler la majorité des sept gouverneurs, ce qui lui permettrait d’influencer la nomination des présidents régionaux de la Réserve fédérale. Or, ces derniers représentent les cinq votes restants en ce qui a trait à la politique monétaire. Les investisseurs en obligations et en devises ont toutes les raisons de craindre que des baisses de taux motivées par des intérêts politiques prolongent cette période d’inflation élevée, au risque d’éroder les rendements des titres à revenu fixe et la valeur du billet vert. La récente décision de M. Trump de congédier la gouverneure Lisa Cook pour des motifs sans rapport avec ses fonctions à la Fed est loin d’apaiser ces préoccupations. Si les décisions de M. Trump surmontent les obstacles juridiques qui ne manqueront pas de se dresser devant lui, il aura encore plus de pouvoir pour s’immiscer dans les affaires de la Fed et dans celles d’autres institutions américaines.
Nos perspectives à long terme à l’égard du dollar demeurent résolument baissières, confortées par des facteurs structurels négatifs qui persisteront pendant au moins plusieurs années :
Surévaluation importante du dollar américain
Importants déficits commerciaux et budgétaires qui augmentent graduellement la dette des États-Unis à l’égard du reste du monde.
Inflation plus élevée que dans les autres pays des marchés développés, qui érode le pouvoir d’achat du dollar au fil du temps (figure 6).
Imprévisibilité des politiques, ce qui freine la croissance économique du fait que les ménages et les entreprises hésitent à dépenser et à investir.
Diminution de l’immigration et hausse des départs à la retraite, ce qui réduit le bassin de travailleurs productifs (figure 7).
En raison de leur perte d’influence dans le monde, de la détérioration de leurs relations commerciales et de leur retrait de la coopération internationale, les États-Unis ont moins d’amis sur lesquels compter pour les votes au Conseil de sécurité de l’ONU ou pour tenir tête à leurs nouveaux rivaux géopolitiques. Fait important, la démondialisation et le retrait des États-Unis de la coopération internationale entraînent un repli du nombre d’acheteurs d’obligations du Trésor américain.
Attaque inquiétante contre la crédibilité et l’indépendance des principales institutions du pays, alors que M. Trump cherche à renforcer son influence sur tous les aspects de la vie américaine. Bien que les manchettes se concentrent sur les attaques contre la Fed, M. Trump a également miné plusieurs institutions de l’éducation, de la justice et de l’énergie nucléaire, ainsi que des syndicats et des agences de la santé, de la statistique et des médias.
Figure 6 : L’inflation est plus élevée aux É.-U. que dans les autres pays des marchés développés
Nota : Au 31 juillet 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 7 : Le repli de l’immigration entraîne une contraction du bassin de la main-d’oeuvre
Nota : Au 30 mai 2025. Sources : U.S. Department of State, RBC GMA
Néanmoins, notre pessimisme est tempéré par le fait que le dollar américain a encore de nombreux atouts. D’une part, son statut de principale monnaie de réserve permet au pays d’emprunter à moindre coût et de gérer des déficits budgétaires d’une ampleur qui ne serait pas soutenable en d’autres circonstances. L’indépendance énergétique est également un aspect important, car l’existence d’une source fiable de pétrole et de gaz dans le pays permet d’assurer la stabilité des prix et d’éviter le type de crise énergétique que l’Europe a subie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La puissance des États-Unis en matière d’innovation, malgré les énormes écarts de richesse qu’elle génère dans le pays, est un moteur spectaculaire de croissance économique. L’innovation a donné naissance à de nombreuses sociétés de technologie de premier plan, de sorte que les États-Unis sont bien placés pour profiter de l’investissement initial dans la technologie de l’IA et des gains de productivité qui en découleront.
Il est donc probable que les investisseurs étrangers continuent d’investir dans les sociétés technologiques américaines, compte tenu de leur rendement supérieur et de leur capacité à générer des liquidités. Ils pourraient aussi continuer à acheter des actions dans d’autres secteurs, notamment ceux qui tireront profit des mesures favorables aux entreprises dont l’entrée en vigueur est prévue l’an prochain – à savoir, la déréglementation du secteur financier américain et la déduction pour amortissement accéléré.
Nous pensons que les investisseurs étrangers choisiront de plus en plus de couvrir le risque de change sur leurs nouveaux achats et sur les actions américaines qu’ils détiennent déjà. Les publications universitaires portant sur la couverture du risque de change associé aux actions sont contrastées, mais nous relevons trois facteurs qui ont incité les investisseurs à laisser de côté la couverture du risque de change. Ces trois facteurs sont en train de se renverser d’une façon qui laisse entrevoir une légère progression de la couverture.
La couverture du dollar américain est coûteuse, mais de moins en moins pour les investisseurs japonais, et le coût diminuera pour l’ensemble des investisseurs mondiaux à mesure que la Fed réduira les taux d’intérêt au cours de l’année à venir (figure 8).
Les investisseurs étaient jusque-là optimistes quant aux perspectives du dollar, mais ce qui était considéré comme l’exceptionnalisme américain s’est estompé et le sentiment à l’égard du billet vert s’est manifestement détérioré.
Le statut de valeur refuge du dollar constituait depuis longtemps une protection pour les investisseurs mondiaux, car la devise avait tendance à gagner du terrain lorsque les actions se repliaient. Cette corrélation entre les actions et le dollar s’est inversée en 2025 (figure 9), et deux fois cette année (en avril et en août) les investisseurs ont subi des pertes amplifiées par les liquidations synchronisées des actions et du dollar.
Figure 8 : Le coût de la couverture demeure élevé
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 9 : La corrélation entre le dollar américain et le S&P 500 est désormais positive
Nota : Au 29 août 2025. Repose sur des données journalières. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Certains signes indiquent que les investisseurs ont déjà commencé à réduire leurs positions en dollars américains. Il s’agit d’un thème difficile à surveiller, car il existe peu de données publiques sur les placements des assureurs ou des caisses de retraite qui figurent parmi les plus grands investisseurs en actifs américains. La banque centrale danoise publie des statistiques agrégées montrant que les caisses de retraite du pays ont rehaussé leurs couvertures sur les placements américains (figure 10). En outre, selon un article de presse publié au début d’août, une caisse de retraite canadienne a réduit de plus de moitié ses placements en dollar. Les données globales sur les activités des clients publiées par les services de garde de State Street, qui constituent un indicateur plus général des tendances du secteur, ne montrent pour le moment aucune augmentation des ratios de couverture du dollar américain. Ce n’est pas une grande surprise. Il faut des mois pour que les comités des placements se réunissent, que les analyses soient commandées et que les politiques de couverture soient élaborées. Les activités de couverture devraient s’accélérer à l’automne, lorsque les Européens rentreront de vacances et que les conseils d’administration des caisses de retraite se réuniront pour définir leurs stratégies de l’année à venir. Plus le dollar s’affaiblira et plus les taux d’intérêt baisseront au cours des prochains mois, plus il deviendra urgent pour les investisseurs de prendre des décisions relativement à la couverture. Les flux de couverture pourraient s’élever à des centaines de milliards de dollars, ce qui serait largement suffisant pour alimenter la prochaine phase de faiblesse du dollar américain.
Figure 10 : Les fonds de pension danois ont augmenté leurs ratios de couverture en dollar américain
Nota : Au 31 juillet 2025. Sources : Banque centrale du Danemark, RBC GMA
Dans un contexte où le dollar poursuivrait sa chute, quelles devises se comporteraient le mieux ? D’après nous, le yen devrait figurer en tête des devises des marchés développés, de même que l’euro, qui est la principale solution de rechange au dollar. Nous estimons également que les devises des pays émergents pourraient commencer à se renforcer de façon plus généralisée au cours de l’année à venir, compte tenu de la diminution des échanges commerciaux et de l’incertitude géopolitique dans un contexte de faiblesse générale du dollar américain. Nous avons constaté que les investisseurs sont de plus en plus disposés à acheter des actifs et des devises des marchés émergents, à la lumière de sondages et de données sur le positionnement des actifs financiers.
L’optimisme à l’égard des devises des marchés émergents découle aussi de la nouvelle politique de la Banque populaire de Chine visant à laisser le renminbi s’apprécier. Il s’agit d’un facteur important, car le dollar pourrait se déprécier encore plus si les déposants décidaient de convertir une partie des 1 000 milliards de dollars américains en dollars américains qu’ils détiennent dans le système bancaire chinois (figure 11). Étant donné que le gouvernement exerce un contrôle important sur le renminbi, nous doutons que cela provoque une appréciation galopante du yuan, mais la conversion de ces dollars américains en renminbi pourrait faire grimper la monnaie chinoise et provoquer une hausse généralisée des taux de change dans les pays émergents.
Figure 11 : Accumulation de dollars américains dans les banques chinoises
Nota : Au 31 juillet 2025. Sources : Banque populaire de Chine, RBC GMA
Le dollar canadien
À l’instar des autres devises du G10 et des marchés émergents, le dollar canadien tirera parti de la faiblesse du dollar américain. Toutefois, le comment et le pourquoi de l’affaiblissement du billet vert détermineront en partie le comportement du huard. Si la devise américaine se déprécie à cause des facteurs macroéconomiques énumérés précédemment, le dollar canadien fera bonne figure. Toutefois, en raison de la sensibilité du huard au taux de la croissance économique, un ralentissement généralisé et prolongé l’empêcherait de se maintenir à la hauteur des devises des marchés développés.
Le huard est resté nettement à la traîne de ses pairs cette année (figure 12). Cette situation s’explique en partie par la faiblesse du marché de l’emploi, avec un taux de chômage qui augmente plus rapidement que dans d’autres pays (figure 13). L’incertitude économique a aussi joué un rôle. En effet, les relations commerciales avec les États-Unis demeurent tendues dans la perspective de la renégociation (voire de l’annulation) de l’accord commercial entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC) l’an prochain. Le troisième facteur ayant freiné l’appréciation du huard est la position conciliante de la Banque du Canada. La banque centrale a réagi plus tôt que la Fed pour réduire ses taux d’intérêt, et la baisse des taux des obligations d’État a effrité la demande de huard.
Figure 12 : Le dollar canadien est à la traîne des autres devises du G10
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 13 : Le taux de chômage au Canada augmente plus rapidement que dans les autres pays
Nota : Au 31 juillet 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
“L’incidence des droits de douane sur les exportations canadiennes est jusqu’à présent atténuée par le fait que la plupart des biens sont exonérés en vertu de l’AEUMC.”
Parmi les points positifs, l’incidence des droits de douane sur les exportations canadiennes est jusqu’à présent atténuée par le fait que la plupart des biens sont exonérés en vertu de l’AEUMC ; le Canada est donc soumis à un taux moyen de droits de douane inférieur à celui de nombreux autres partenaires commerciaux des États-Unis. De plus, nous sommes d’avis que la menace économique brandie par M. Trump pourrait inciter les politiciens canadiens à faire le nécessaire pour mettre en œuvre les réformes dont le pays a besoin. Les plans du Premier ministre Carney visant à augmenter les dépenses d’infrastructures et à éliminer les barrières commerciales entre les provinces permettraient de stimuler la productivité globale du Canada. Enfin, la valeur du dollar canadien est attrayante sur la base de la parité de pouvoir d’achat (PPA) et selon un large éventail d’autres modèles d’évaluation (figure 14).
Figure 14 : Le dollar canadien paraît sous-évalué selon plusieurs modèles d’évaluation
Nota : Au 31 juillet 2025. Sources : UBS, Deutsche, RBC MC, Crédit agricole, HSBC, Nomura, Morgan Stanley, TD, State Street, Citibank, Goldman Sachs, BofA, CIBC, Barclays, RBC GMA
Nos prévisions sur 12 mois tablent sur un dollar canadien de 1,32 $ CA par dollar américain, alors que son prix actuel est d’environ 1,37 $ CA. Cette évaluation tient compte de gains par rapport au dollar américain, mais également d’une période de rendement inférieur à celui des autres grandes devises des marchés développés.
Euro
L’euro, qui est la deuxième devise mondiale la plus négociée, bénéficierait sans aucun doute d’un repli encore plus marqué du dollar américain. Le sort de la monnaie unique européenne dépend aussi de la poursuite de l’amélioration de l’économie dans la région et de la mise en œuvre de réformes ouvrant la voie à une croissance économique durable. Nous sommes encouragés par les données économiques récentes sur la confiance des entreprises (figure 15) et les prêts bancaires.
Figure 15 : La reprise des indices PMI en Europe indique un regain de confiance des entreprises
Nota : Au 29 août 2025. Sources : S&P Global, RBC GMA
Les marchés boursiers européens reflètent l’amélioration de la croissance dans la zone euro, tandis que les secteurs orientés vers le marché intérieur affichent de meilleurs rendements que les secteurs orientés vers le marché mondial (figure 16). Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive, d’autant plus que l’Allemagne augmentera ses dépenses budgétaires et d’infrastructure l’an prochain. Toutefois, il existe un risque que la vigueur de l’euro rogne les bénéfices des sociétés européennes qui vendent des automobiles et des articles de luxe sur les marchés internationaux, étant donné que près de la moitié des revenus générés par les sociétés européennes proviennent de l’étranger. Cela dit, les marchés ne semblent pas particulièrement inquiets de ce scénario. Le fait que les indices boursiers européens aient suivi la cadence des actions américaines cette année donne à penser qu’une économie européenne reposant de plus en plus sur la vigueur de son marché intérieur est moins sensible aux fluctuations de change.
Figure 16 : Les actions exposées au marché domestique mènent la performance des actions européennes
Nota : Au 5 septembre 2025. Sources : MSCI, RBC GMA
Il faudra attendre quelques mois pour avoir confirmation de cette théorie. Bien que les marchés des changes soient restés plus stables qu’à leur habitude au cours des dernières années, il est probable que la monnaie unique se négociera dans une fourchette supérieure à la moyenne (figure 17). Selon les investisseurs, un niveau de 1,20 $ US pourrait ralentir l’économie de la zone euro et inciter la Banque centrale européenne (BCE) à adopter des mesures d’assouplissement plus énergiques. Cela dit, nous constatons que la BCE a toujours accordé plus d’importance au rythme des gains qu’au niveau du taux de change. Le recul de l’euro au cours de l’été, attribuable en partie aux préoccupations politiques et budgétaires en France, a atténué l’effet négatif de la force de la devise sur la croissance.
Figure 17 : L’euro devrait probablement évoluer dans une fourchette supérieure à la moyenne
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Nous avons fixé nos prévisions à 1,24 $ US par euro pour l’année à venir, car nous estimons que la faiblesse du dollar américain favorisera la monnaie unique et que cette dernière bénéficiera d’une reprise économique plus durable. Bien que de nombreuses banques d’investissement établissent le seuil de résistance technique de l’euro à 1,20 $ US, nous considérons que 1,24 $ US constitue une prévision prudente si l’économie de la zone euro continue sur sa lancée et l’incertitude politique s’apaise en France. Des avancées plus décisives pour mettre fin à la guerre en Ukraine nous amèneraient à hausser nos prévisions au-delà de 1,30 $ US.
Le yen japonais
Cela fait déjà un certain temps que nous sommes optimistes à l’égard du yen, et nous continuons de croire qu’il pourrait surpasser les autres devises des marchés développés cette année. Cependant, il n’a pas toujours été facile de nous en tenir à cette perspective. Le yen n’a pas réussi à se hisser au-delà de 140 yens par dollar au cours des 24 derniers mois (figure 18). L’un des facteurs freinant la progression du yen est le fait que les taux d’intérêt sont plus bas au Japon que dans la plupart des pays développés. Compte tenu des taux des obligations du Trésor établis à 4,2 %, le coût de couverture à 3,5 % demeure prohibitif. De même, le faible niveau des taux fait hésiter les spéculateurs à conserver du yen, bien que la forte volatilité des taux de change cette année les aide à engranger des gains rapides sur leurs positions acheteur en yen. Cet état d’esprit change peu à peu, en partie parce que le déclin persistant du dollar commence à convaincre les investisseurs que leurs opérations de couverture pourraient leur rapporter plus que le coût de 3,5 % qui leur est associé. En outre, le coût lui-même est en baisse, car la Banque du Japon est en train de relever ses taux tandis que les autres banques centrales ont tendance à les réduire (figure 19).
Figure 18 : Le yen peine à franchir le niveau des 140
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 19: Les hausses de taux de la Banque du Japon se distinguent parmi celles de ses homologues
Nota : Au 10 septembre 2025. Sources : Banque du Canada, Banque du Japon, Réserve fédérale américaine, Banque d’Angleterre, Banque centrale européenne, RBC GMA
Un autre obstacle pour le yen a été l’incertitude politique, du fait que les ménages rendent le Parti libéral-démocrate au pouvoir responsable de la hausse des prix et de la baisse des salaires ajustés à l’inflation (figure 20). La démission du Premier ministre Shigeru Ishiba le 7 septembre ouvre la voie à des successeurs qui pourraient stimuler la politique budgétaire afin de soutenir la croissance économique. Dans ce scénario, la Banque du Japon serait encouragée à hausser davantage les taux d’intérêt.
Figure 20 : L’inflation élevée érode les gains salariaux
Nota : Au 30 juin 2025. Sources : Ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, RBC GMA
Nous tablons sur un raffermissement du yen qui passerait de son cours actuel de 147 yens par dollar à 133 yens par dollar. Autrement dit, il surpasserait l’euro, la livre sterling et le dollar canadien au cours de la prochaine année. Cette conclusion est en accord avec le fait que le yen figure parmi les devises les moins chères au monde sur la base du pouvoir d’achat, et que le Japon a des déficits budgétaires moins importants que les pays comparables.
La livre sterling
L’économie du Royaume-Uni a pris plus de temps pour se redresser à la suite de la pandémie, comparativement aux autres économies développées, et son PIB par habitant demeure inférieur à celui de 2019. Divers problèmes sociaux et économiques expliquent cette situation, notamment le généreux filet de sécurité sociale et les mesures de soutien budgétaire mises en place pendant la pandémie, qui ont dissuadé les travailleurs de retourner au travail et maintenu une plus grande partie de la population en âge de travailler en congé de maladie à long terme. L’accroissement des dépenses publiques, l’augmentation des charges d’intérêts et la baisse des recettes fiscales pèsent sur les finances du Royaume-Uni (figure 21) et mettent à l’épreuve la patience des investisseurs. Au vu des obstacles rencontrés par le chancelier Reeves pour faire adopter le budget de cette année, il est évident que cette politique budgétaire accommodante ne sera pas d’un grand soutien pour l’économie.
Figure 21 : Les finances du R.-U. sont sous pression
Nota : Au 31 décembre 2024. Données de 2019 à 2024. Sources : Deutsche Bank, RBC GMA
Par conséquent, la pression s’accentue sur la Banque d’Angleterre pour qu’elle sauve la situation en réduisant les taux d’intérêt. Bien que la baisse des taux soit nécessaire pour soutenir la croissance, elle risque aussi d’attiser l’inflation, qui compte déjà parmi les plus élevées des pays développés, tout en érodant la confiance à l’égard de la livre. Si la livre sterling a réussi à suivre la cadence des autres devises du G10 cette année, c’est uniquement parce qu’elle figure parmi les devises de ce groupe qui génèrent les rendements en revenu les plus élevés (figure 22). La perte de cet avantage sur le plan du rendement en revenu ouvrirait probablement la voie à une contre-performance de la devise. Ce dilemme budgétaire et monétaire est l’une des principales raisons pour lesquelles nous prévoyons une contre-performance de la livre au cours de l’année à venir. Nous prévoyons que le taux de change n’augmentera que modestement pour s’établir à 1,38 $ US par livre.
Figure 22 : Les obligations britanniques offrent les rendements en revenu les plus élevés parmi les pays du G10
Nota : Au 29 août 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA