La webémission de ce mois-ci met l’accent sur les droits de douane et la capacité de l’économie américaine à rester stable malgré les nouveaux défis émergents, notamment l’inflation et le ralentissement de la croissance. Des risques subsistent, mais les perspectives laissent entrevoir une certaine résilience, ce qui offre des occasions et des éléments à prendre en considération pour les investisseurs.
Principaux points à retenir :
L’impact des droits de douane est plus modéré que prévu, mais certains secteurs et ménages en ressentent les effets. Les investisseurs doivent faire preuve de prudence, tout en restant attentifs aux éventuels changements de politique ou aux décisions de justice qui pourraient remodeler le paysage des droits de douane.
L’inflation augmente légèrement aux États-Unis, alors que la croissance ralentit. Pour les investisseurs, cela suggère des perspectives prudemment optimistes, avec des occasions potentielles dans les secteurs de la technologie et de la défense.
Les changements de politique aux États-Unis, notamment les baisses de taux d’intérêt, ajoutent une couche de complexité pour les investisseurs. Ceux-ci doivent porter attention aux changements susceptibles d’influer sur la dynamique des marchés et le rendement des sociétés.
Explorez avec nous les occasions et les défis d’un environnement économique en constante évolution (en anglais seulement)
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Transcription
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Bonjour et bienvenue à notre dernière webdiffusion économique mensuelle. Je m'appelle Eric Lascelles et je suis économiste en chef chez RBC Gestion mondiale d’actifs. Comme toujours, je suis très heureux de partager avec vous nos dernières réflexions économiques. Je mentionne que le titre de cette présentation est L'économie américaine tient bon, ce qui décrit assez bien la situation actuelle.
Il existe encore beaucoup d'inquiétudes, notamment au sujet des tarifs douaniers, mais aussi d'autres facteurs défavorables. Il faut toutefois reconnaître que l'économie américaine — et, dans une certaine mesure, l'économie mondiale — continue de croître, d'aller de l'avant, avec des résultats au moins légèrement supérieurs à ce que suggère la théorie économique conventionnelle et à ce que beaucoup d'entre nous avaient prévu.
Je pense donc qu'il y a lieu d'être optimiste, même si nous sommes toujours confrontés à des défis politiques très réels et à d'autres sources de préoccupation.
Très bien, allons-y comme à l'habitude.
Bulletin. Commençons par un bulletin, et passons en revue certains aspects positifs, négatifs et intéressants. Du côté positif, célébrons quelques éléments.
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Comme le suggère implicitement le titre que j'ai mentionné tout à l'heure, nous constatons que les dommages économiques causés par les tarifs douaniers sont un peu moins importants que ce que l'on craignait, en particulier pour les États-Unis. Ce n'est pas encore le dernier mot sur le sujet, comme je le dirai plus tard, mais jusqu'à présent, tout va bien.
De l’autre côté de l’échiquier, les réductions d'impôts et les mesures de relance budgétaire commencent à avoir un effet positif. La belle et grande loi américaine a accéléré l'amortissement des dépenses d'investissement, les réductions d'impôts et autres mesures encore, ce qui devrait contribuer légèrement à la croissance en 2025 et pourrait même avoir un impact plus important sur la croissance en 2026. Je ne pense pas que cela suffise pour compenser les dommages causés par les tarifs douaniers à court terme, mais cela aide un peu et encore plus à l'avenir. D'un point de vue budgétaire, cela va bien sûr aggraver le déficit américain, ce qui n'est pas idéal.
Nous continuons de penser qu'une récession aux États-Unis, voire une récession mondiale, peut être évitée. Le risque n'est pas nul. Néanmoins, nous ne pensons pas que ce soit le scénario le plus probable. Ce n'est pas notre prévision de base.
Du point de vue de la politique monétaire, nous avons assisté à des baisses de taux fragmentaires à travers le monde. Cela devrait rester à l'ordre du jour.
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Les États-Unis sont en mode attente depuis 2024 et n'ont pas joint ce mouvement. Je précise que nous sommes le 2 septembre, soit assez tôt dans le mois, mais à cet égard, il est raisonnable de penser que la Réserve fédérale américaine va procéder à une baisse des taux vers la fin du mois de septembre, comme l'ont laissé entendre certaines déclarations du président de la Fed, Jerome Powell lors de la réunion annuelle de Jackson Hole, il y a quelques semaines. Il semblait ouvrir la voie à une telle éventualité, ce qui pourrait aider quelque peu l'économie et permettre aux obligations à court terme de s’apprécier.
En ce qui concerne l'inflation, si les tarifs douaniers ont pour effet de l’augmenter, toutes choses égales par ailleurs, il existe en ce moment certaines forces compensatoires. L'une d'entre elles est la tendance à la baisse des prix du pétrole au cours de l'année dernière, plutôt qu'à la hausse.
Cela exerce donc une pression déflationniste. Cela ne neutralise pas complètement, selon nous, l'effet des tarifs douaniers, en particulier au cours des prochains mois, mais cela a néanmoins contribué à contenir quelque peu l'inflation.
Du notre côté, le Canada a apporté quelques ajustements à ses propres régimes tarifaires. Il s'agit principalement de tarifs douaniers de rétorsion à l'égard des droits américains.
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Le Canada a un peu reculé sur ce point, qu'il s'aligne un peu plus sur les États-Unis. Cela ne veut pas dire que les tarifs douaniers sont désormais égaux dans les deux sens. Ils restent nettement moins élevés pour les produits américains que pour les produits canadiens.
Néanmoins, l'une des approches adoptées par les États-Unis ces derniers mois a consisté à laisser circuler librement les produits conformes à l'ACEUM (l’accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique). Lorsqu’un produit est conforme à l'ACEUM et n'appartient pas à l'un des secteurs critiques tels que l'acier, l'aluminium, l'automobile et le cuivre, il n'est soumis à aucun tarif douanier. Et le Canada s'y est en quelque sorte conformé. Concrètement, cela s'est traduit par une légère réduction de son taux tarifaire.
Il convient de noter qu'au final, la plupart des pays n'ont jamais riposté aux tarifs douaniers américains, à l'exception de la Chine et du Canada.
Cela permet au Canada de s'aligner sur le reste du monde et d'être peut-être un peu moins dans le collimateur de la Maison Blanche, ce qui n'est pas une mauvaise chose.
Passons maintenant aux aspects négatifs en termes d'économie ou de thèmes.
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Nous pensons qu'il y aura encore des répercussions négatives liées aux tarifs douaniers. Nous prévoyons toutefois une croissance, bien que modeste, pour les prochains trimestres. Il ne s'agit pas d'un déclin mais on constate un ralentissement de l'économie américaine. L'économie n'est pas totalement stable. Elle ralentit un peu, mais vraiment légèrement.
Je tiens à souligner que la situation tarifaire n'est pas restée complètement statique. Au cours du mois dernier, les tarifs douaniers imposés à l'Inde ont doublé, passant de 25 à 50 %. Cette mesure pourrait être maintenue ou non. J'ai tendance à penser qu'elle ne le sera pas, mais elle est néanmoins bien réelle pour le moment.
Les États-Unis ont finalement supprimé leur exemption tarifaire du seuil de minimis. Les produits entrant aux États-Unis d'une valeur inférieure à 800 dollars étaient auparavant exemptés de tarifs douaniers. Les États-Unis avaient supprimé cette exemption sur les produits chinois et hongkongais il y a plusieurs mois. Ils l'ont maintenant fait sur tous les produits, ce qui équivaut dans les faits à une augmentation des tarifs douaniers.
Il est également question d'éventuels tarifs douaniers sur les meubles, et les premières mesures ont été prises dans ce sens. Malheureusement, les taux des tarifs douaniers continuent d'augmenter, et non de baisser, comme je vais le montrer dans un instant.
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Et puis, de manière plus générale, on peut parler d’une certaine politisation des données économiques américaines et des décisions prises, et j’aurai une diapositive à ce propos à vous montrer dans un instant. Il faut réfléchir à cela, aux risques encourus et à ce qui s'est passé jusqu'à présent, et nous allons aborder ce sujet. Mais la situation n’est pas idéale.
Et puis, si l'on regarde ailleurs, nous assistons à de vives turbulences politiques en France, avec un vote de défiance et certaines préoccupations budgétaires encore non résolues.
En Allemagne, on a beaucoup parlé, à juste titre, de l'amélioration de la situation budgétaire, de l'augmentation des dépenses militaires, ce qui pourrait avoir un effet positif. Mais en réalité, les dernières données économiques sont uniformément faibles pour l'économie allemande. Il ne faut donc pas suggérer que la situation est en train de changer du tout au tout. Il y a encore quelques défis à relever.
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Enfin, la colonne des points intéressant semble la plus intéressante, justement, comme son nom l'indique. Tout récemment, il y a quelques jours à peine au moment où je vous parle, certains tarifs douaniers aux États-Unis ont été annulés par une décision de justice.
Ce n'est pas la fin de l’histoire, et j'y reviendrai un peu plus tard. Mais on peut résumer la situation en disant que c'est la deuxième fois que les tarifs douaniers issus de l’IEEPA sont remis en question. IEEPA est un acronyme pour International Emergency Economic Powers Act, une loi américaine qui donne des pouvoirs économiques à la Maison Blanche en cas d'urgence et qui expliquent ces tarifs douaniers à l'échelle nationale — un tarif douanier de 20 % appliqué à tel pays, un tarif douanier de 15 % à tel autre.
La conclusion en a été que ces mesures n'étaient pas légales dans la manière dont elles étaient mises en œuvre. Notez que les tarifs sectoriels ne sont pas concernés par cette décision et qu’ils demeurent en vigueur. Les tarifs IEEPA à l'échelle nationale, quant à eux, restent en vigueur jusqu'à la mi-octobre environ. Un appel a donc été interjeté et la Cour suprême devrait se saisir de l'affaire. Il est difficile de savoir quelle sera la décision rendue.
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Disons simplement que, dans un scénario où l’annulation des tarifs à l’échelle nationale seraient maintenue à la mi-octobre, nous continuons à penser que la Maison Blanche dispose de suffisamment d’outils tarifaires pour se rapprocher de son objectif, grâce à d'autres éléments de la législation existante.
Cela signifie que les prochains mois pourraient être chaotiques. L'incertitude pourrait augmenter. Les tarifs douaniers pourraient même baisser légèrement de manière temporaire. Mais en fin de compte, nous pensons que la Maison Blanche parviendra plus ou moins à atteindre ses objectifs dans les mois à venir en matière de tarifs douaniers, même si elle doit recourir à d'autres lois.
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Mentionnons que l'attention des entreprises s'est un peu détournée des tarifs douaniers, lesquels avaient été le thème dominant et la principale préoccupation des six à huit derniers mois. L’attention s'est recentrée sur le secteur technologique et sa prédominance, et si ces entreprises peuvent continuer à mener le bal. J'aborderai également ce sujet.
Je parlerai aussi de la question de savoir si les tarifs douaniers persisteront après 2028. Nous sommes tellement concentrés sur les tarifs douaniers en ce moment et sur leurs effets, mais la question de savoir s’ils seront ou non toujours en vigueur dans quatre ans est tout aussi importante. Je vous donnerai mon point de vue à ce sujet un peu plus tard.
Nous allons faire également un exercice amusant, à savoir le bilan du dernier quart de siècle, car c’est là où nous en sommes en ce vingt-et-unième.
Nous donnerons un aperçu du quart de siècle à venir, en réfléchissant à la période 2025-2049. Un autre sujet intéressant. Très bien. Il y a beaucoup de choses à aborder, alors commençons sans plus attendre.
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Le taux tarifaire théorique américain augmente à nouveau. Commençons par les tarifs douaniers. Cette ligne bleu foncé vous est probablement familière, mais vous aurez peut-être remarqué quelques éléments nouveaux sur la droite.
Il s'agit du taux moyen des tarifs douaniers américains au fil du temps. Il était très bas au départ, de seulement 2 % au début de l'année. Il est désormais en moyenne de près de 19 %. C'est même un peu plus élevé que ce que nous avions prévu.
Nous avons beaucoup parlé d'une augmentation tarifaire de 15 points de pourcentage, en passant de 2 à 17 %. C'était la situation au début août. Si l'on ajoute à cela une légère augmentation des tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium, ainsi que des tarifs plus élevés sur les produits indiens, entre autres, on se rapproche des 19 %. Nous sommes même légèrement en avance sur le calendrier prévu.
En contrepartie, bien sûr, les dommages causés par les tarifs douaniers semblent avoir été un peu moins importants.
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Au final, si une force neutralise l’autre, on ne devrait pas être globalement pessimistes quant à l'économie en ce moment. Il y a bien une autre raison pour laquelle l'économie a plutôt bien résisté et il est important de le comprendre. La ligne dorée correspond aux tarifs douaniers effectivement perçus.
Il s'agit des recettes réelles perçues par le gouvernement américain. Vous remarquerez qu'il existe une différence significative entre la ligne bleue et la ligne dorée. La ligne bleue correspond au taux tarifaire théorique que les États-Unis devraient percevoir. Or, les recettes perçues y sont inférieures.
Malheureusement, ces données sont anciennes et ne concernent que le mois de juin. Le taux de tarifs douaniers perçu n’est sans doute plus de 9 %. Je pense qu'il est nettement plus élevé aujourd’hui. Mais il n'en reste pas moins qu'il y avait un écart de cinq points de pourcentage entre le taux théorique et le taux réel perçu en juin. Je pense que cet écart s'est probablement réduit depuis, mais je parie qu'il existe toujours.
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Essayons d'expliquer pourquoi cet écart existerait toujours aujourd'hui, au début septembre. Comme vous pouvez le voir ici à droite, nous avons plusieurs thèmes, dont l'un est l'effet de substitution. La ligne bleue concerne la composition des échanges commerciaux à la fin de 2024 et supposons qu'elle demeure inchangée.
Bien sûr, ce n'est pas tout à fait juste. On pourrait penser que les marchandises et les pays qui ont vu leurs tarifs douaniers le plus augmenter verraient leurs échanges commerciaux diminuer, pas vrai ? Si vous imposez des tarifs douaniers de 1 000 000 % sur un produit, les gens ne l'achèteront plus, et les recettes douanières seront nulles.
Cela dit, je ne pense pas que la ligne bleue soit inutile. Si l’on ne peut quantifier ce qui ne s’y trouve pas, on peut néanmoins faire une substitution. Cela cause des dommages économiques, mais il y a tout simplement moins d'argent collecté. Les gens n'achètent plus autant de produits chinois, par exemple, car la Chine est désormais plus chère.
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Il y a les décalages. On peut croire qu’ils vont disparaître avec le temps. On sait que s’opère un approvisionnement anticipé avant l'instauration des tarifs douaniers. Lorsque les entreprises et les particuliers ont vu qu'un tarif douanier important allait être instauré sur un certain pays ou un certain produit, ils ont constitué des stocks. Ils ont acheté à l’avance. Maintenant que le tarif douanier est en vigueur, ils achètent moins. Il y a un creux.
Par conséquent, les recettes douanières ont été encore plus faibles que prévu et inférieures à ce que l'on pourrait considérer plus tard comme un état stable.
En ce qui concerne les marchandises en transit, si des tarifs douaniers sont annoncés, dans de nombreux cas, les produits qui sont déjà en route mettent parfois entre quatre et huit semaines pour arriver jusqu'au consommateur.
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Ces produits sont exemptés du nouveau tarif douanier. Cela a donc également entraîné un décalage important comme on le voit entre la ligne dorée et la ligne bleue. Les calculs sont un peu compliqués en ce qui concerne les entrepôts sous douane. Vous avez importé un produit et il peut apparaître dans les données douanières d'importation, mais vous ne percevez pas les tarifs douaniers tant qu'il n'a pas quitté l'entrepôt sous douane.
Il y a donc là aussi un certain décalage.
Et puis, ce n'est que pure spéculation, mais nous soupçonnons qu'il existe une confusion certaine ou que la charge administrative s’avère écrasante pour les douaniers. Beaucoup de mesures ont changé, et leur capacité à accomplir tout ce travail supplémentaire n'est pas garantie. On a aussi l'impression que certaines marchandises traversent la frontière sans être taxées, alors qu'elles devraient théoriquement l’être. Je pense que cet écart devrait se réduire avec le temps, à mesure que les douaniers se familiarisent avec la situation.
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Enfin, les dernières raisons pouvant expliquer cet écart sont les failles. Il y avait eu pendant un temps l'exemption de minimis. Sans qu’il s’agisse d'une faille du système à proprement parler, certaines entreprises pouvaient diviser leurs importations en unités de 800 dollars pour ainsi profiter de cette exemption.
Et celle-ci vient d'être supprimée. C'est pourquoi elle est rayée ici sur la diapositive.
En théorie, les produits en provenance de Chine qui transitent par le Vietnam vers les États-Unis sont censés être soumis au taux de tarifs douaniers applicable à la Chine. Mais dans la pratique, il semble que cette mesure ne soit pas encore effective. De même, les produits provenant du Vietnam, du Mexique ou d'ailleurs sont parfois soumis à un taux de tarifs douaniers inférieur à celui qui, en théorie, serait normalement applicable.
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Cela reste spéculatif — et ce n'est pas inhabituel dans ces circonstances — mais on peut imaginer qu'il y ait également une sous-évaluation des factures. Vous déclarez la valeur d'un produit, vous êtes tenté de dire qu'il coûte moins cher car cela pourrait également réduire les tarifs douaniers perçus. Vous sauvez un peu de ce côté.
Les effets de substitution persistent, comme on peut s'y attendre. La ligne dorée reste en dessous de la ligne bleue, mais l'écart semble se réduire un peu. Au final, je ne suis pas convaincu que le poids des tarifs douaniers sur l'économie soit beaucoup moindre que ne le dit la théorie, mais il pourrait être un peu moins important en raison de ces facteurs.
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Peut-être moins de creux tarifaire que prévu. Continuons à parler des tarifs douaniers dans un contexte un peu différent. L'un des discours de ces neuf derniers mois a été qu'un creux tarifaire était peut-être à prévoir. L'idée étant que, comme il y avait eu anticipation, il y aurait un moment où l'importation de produits allaient être réduite à zéro, si ceux-ci avaient déjà été importés avant la date prévue afin d’éviter les tarifs douaniers.
Et je peux dire que lorsque nous examinons les données de plus près, c'est ce que montre ce graphique, qui représente les ratios stocks/ventes pour les secteurs de la fabrication, du commerce de gros et du commerce de détail aux États-Unis. Le point important ici se trouve sur le côté droit du graphique : nous ne constatons pas vraiment de pic à la hausse. Nous n'avons pas constaté de forte augmentation des stocks. Il y a eu quelques petits pics ici et là, mais dans l'ensemble, il n'y a pas beaucoup de preuves à cet égard.
Le fait est donc qu'il ne devrait pas y avoir de creux important par la suite. En d'autres termes, les importations n'ont pas dépassé les besoins. Elles ne devraient donc pas se tarir par la suite, du moins pas au-delà de ce que les tarifs douaniers laisseraient supposer. Il y a donc moins de distorsions que vous pourriez le penser. Passons à la suite.
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Les tarifs douaniers comme taxe de vente ? Autre sujet quelque peu aléatoire, mais qui s'inscrit dans le même cadre. Les tarifs douaniers sont souvent décrits comme semblables à une taxe sur les ventes, et il est vrai que les similitudes sont importantes. Les tarifs génèrent des recettes pour le gouvernement, qui les prélève comme une taxe sur les ventes.
Les tarifs douaniers font augmenter les prix, tout comme la taxe de vente. Après taxation, on paie un pourcentage supplémentaire sur un produit. Une grande partie des tarifs douaniers est payée par le consommateur américain, tout comme le serait une taxe de vente. Il existe donc des similitudes assez importantes.
Je mentionne cela en partie parce que si vous regardez ce graphique — fort chargé mais très intéressant — le point important serait les barres bleu foncé, les États-Unis étant le pays situé à l'extrême gauche. Les États-Unis perçoivent en réalité une part très faible de leurs recettes via la taxe sur les ventes par rapport aux autres pays. En fait, tous les autres pays de cette liste, membres de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), ont des taxes sur les ventes plus élevées. La réalité est que les taxes sur les ventes ont toujours été un sujet sensible.
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Les gens n'en veulent pas. Elles sont impopulaires. Les États-Unis en ont peu, surtout au niveau fédéral. Mais les taxes possèdent des qualités intéressantes. Les économistes diraient que si vous voulez percevoir davantage, bien que l’idée soit impopulaire, la taxe sur les ventes est en fait un moyen assez efficace d'y parvenir. Elle ne décourage pas les dépenses d'investissement, surtout si vous prélevez une taxe à l’origine sur les revenus plutôt que sur les dépenses. Elle présente donc certaines qualités intéressantes.
Peut-on alors affirmer que les tarifs douaniers sont une bonne chose s’ils comblent le vide laissé par la taxe de vente aux États-Unis ? Dans une certaine mesure, c'est ce qui se produit.
Il existe toutefois certaines différences. Si quelques raisons sont bonnes, d’autres le sont beaucoup moins.
Tout d'abord, les tarifs douaniers se sont avérés politiquement opportuns dans ce contexte, avec cette administration et à ce moment précis. Ils ont pu les mettre en place, et ce, malgré les décisions judiciaires récentes. Il aurait été impossible d’imposer une taxe sur les ventes élevée à tout le monde. Mais il s'est avéré possible d'imposer des tarifs douaniers qui ont un effet similaire à certains égards.
Bien sûr, contrairement à une taxe sur les ventes, les tarifs douaniers discriminent les produits étrangers et favorisent les produits nationaux.
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Et il n'est pas certain que cela soit souhaitable, car cela crée certaines distorsions et élimine une partie de la concurrence. Et il y a d'autres éléments indésirables à cela.
Par contre, si vous souhaitez aider les entreprises nationales, ce n'est pas la pire façon de procéder. Voilà une différence concrète par rapport à la taxe de vente, laquelle s'appliquerait indifféremment à un produit vendu ici, qu’il soit fabriqué à l'étranger ou dans le pays.
Moins attrayants, contrairement aux taxes de vente, les tarifs réduisent l'assiette fiscale. S'ils sont similaires à une taxe sur les ventes, ils s'appliquent uniquement aux marchandises importées. Si vous appliquez cette taxe, elle frappe lourdement le sous-ensemble de marchandises importées alors que vous souhaiteriez qu’elle soit appliquée tout autant sur les marchandises non importées de même que les services, afin qu'elle soit moins préjudiciable et entraîne moins de distorsions pour un produit donné.
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Les tarifs douaniers peuvent être plus régressifs que les taxes sur les ventes. Les deux le sont, en fait. Ils pénalisent davantage les pauvres que les riches. Mais les tarifs sont particulièrement régressifs puisqu’ils s’appliquent aux biens, et que les ménages à faibles revenus ont tendance à dépenser une part disproportionnée de leurs revenus sur ceux-ci.
Les ménages à faibles revenus vont consacrer une part plus importante de leurs dépenses aux biens qu'aux services. Il ne s’agit donc pas d’une mesure très attractive pour eux.
Au final, on peut dire que les tarifs nuisent davantage à l'économie que la taxe sur les ventes parce qu’ils perturbent plusieurs secteurs à la fois. Les consommateurs perdent l'accès à certains biens, les entreprises dépensent moins, la productivité diminue, etc.
Ce n'est pas exactement la même chose qu'une taxe sur les ventes, mais il existe des parallèles importants.
Et bien sûr, au minimum, ces tarifs devraient rapporter quelques centaines de milliards de dollars par an au gouvernement américain, ce qui est utile à un moment où le déficit est assez important. Mais les tarifs douaniers perturbent davantage le marché.
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Je pense que si l'on devait choisir, les économistes diraient encore qu’il vaut mieux opter pour une taxe de vente plutôt que pour des tarifs douaniers. Mais il est intéressant de souligner leurs similitudes et leurs différences. Et les similitudes sont importantes.
Des tarifs douaniers à l'avenir ? Pour continuer sur le sujet des tarifs et réfléchir à long terme, ou essayer de voir un peu plus loin, il faut vraiment considérer deux perspectives :
1. Des décisions de justice annulent certains tarifs douaniers. Nous verrons si cela perdure. En d'autres termes, nous verrons ce que dira la Cour suprême. Et l'issue n'est pas du tout claire. Jusqu'à présent, deux niveaux de juridiction ont annulé ces tarifs imposés en vertu de l'IEEPA. Cela laisse penser qu'il ne serait pas surprenant qu'une troisième juridiction, la juridiction définitive, les annule également.
C'est donc une possibilité réelle, bien sûr. À l'inverse, la Cour suprême a tendance à pencher vers la droite. Elle sera peut-être plus favorable aux objectifs politiques d'un gouvernement de droite. La situation n'est pas claire, l'issue est incertaine. Je dirais simplement, comme je l'ai mentionné précédemment, que même si ces tarifs sont définitivement annulés, il existe d'autres mécanismes à leur portée.
Nous pensons donc que la Maison Blanche atteindra probablement son objectif. Il y aura probablement des tarifs douaniers importants d'ici un an, c'est mon premier commentaire.
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2. La deuxième réflexion concerne 2029 et au-delà. On peut supposer une nouvelle administration présidentielle en 2029. Les tarifs douaniers vont-ils disparaître d’office ?
Il est tentant de dire que oui, car les présidents modernes autres que Trump n'ont pas beaucoup misé sur les tarifs douaniers. On pourrait penser que la première mesure du prochain président sera de revenir sur ces mesures qui causent des dommages économiques et font augmenter les prix, ce qui n'est pas souhaitable à mon avis.
Mais en réalité, il n'est pas du tout certain que les tarifs douaniers disparaîtront rapidement en 2029 et au-delà. Voici donc quelques réflexions que j'ai notées ici.
La première serait de ne pas sous-estimer l'inertie politique. En d'autres termes, il est beaucoup plus difficile de changer une politique que de maintenir celle qui est en place. C'est une considération pertinente. Il est souvent très difficile de mettre en œuvre une politique. Il ne faut pas sous-estimer le fait que les tarifs douaniers pourraient simplement rester en vigueur parce qu'ils existent déjà. Tout comme les tarifs douaniers n'auraient peut-être pas été maintenus s'ils n'avaient pas existé.
Deuxièmement, plus les tarifs douaniers sont en vigueur depuis longtemps, plus ils sont difficiles à supprimer. Les gens s'y habituent. Les entreprises aussi. Celles qui sont touchées par les tarifs douaniers n'existeront peut-être plus en 2029 et ne seront plus là pour faire pression pour les supprimer. Les marques étrangères seront oubliées ou minimisées. Les entreprises qui bénéficient des tarifs douaniers peuvent même en devenir dépendantes. Elles feront donc pression pour les maintenir.
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Les politiciens craindront de perdre certaines usines, entrepôts et magasins si les tarifs douaniers sont supprimés, même si l'économie serait globalement plus importante sans eux. Il pourrait y avoir un groupe très bruyant, qui serait pénalisé par la suppression des tarifs douaniers, et qui crierait très fort. Et, vous savez, trois ou quatre ans commencent à faire assez long, ce qui rendrait la suppression d’autant plus difficile.
De plus, le gouvernement pourrait devenir plus dépendant des recettes provenant de ces tarifs douaniers. On parle potentiellement de plusieurs centaines de milliards de dollars par an. C'est une somme considérable. Je serais surpris que la situation budgétaire des États-Unis soit suffisamment solide pour qu'ils puissent se passer de 200 ou 300 milliards de dollars par an. Cela pourrait être une raison de conserver une partie de ces droits.
Et puis, il faut réfléchir en termes politiques. C'est là que les choses se compliquent, car personne ne sait qui sera le prochain président, ni même quel parti sera au pouvoir, ni comment cela influera sur les relations entre la Maison Blanche et le Congrès. Mais d'une manière très générale, si le prochain gouvernement est républicain, il est compréhensible qu'il hésite à revenir sur l'initiative phare de Trump, qui est issue de son propre parti.
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À l'inverse, le Parti démocrate n'a jamais été un grand fan du libre-échange. Il s'est montré assez sceptique au cours des quinze dernières années, et il n'est donc pas certain qu'il supprimerait toutes ces mesures, notamment en raison d’un fort lobbying. Cela ne veut pas dire pour autant que les tarifs douaniers sont éternels. Nous n'en sommes pas du tout sûrs.
Mais il ne faut pas supposer qu'ils disparaîtront automatiquement en 2029. Il existe un scénario réaliste dans lequel ils resteront en vigueur pendant un certain temps après cette date, ou dans lequel une partie d'entre eux resteront en vigueur pendant un certain temps.
Pas de boom économique à prévoir en 2029, c'est l'autre conclusion à retenir. Bien.
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Déplacement de l'attention du marché des tarifs douaniers vers la technologie. Éloignons-nous un peu des tarifs douaniers. Chaque trimestre, nous passons au crible les résultats financiers des grandes entreprises américaines afin d'essayer de comprendre quels sont les thèmes clés de leur point de vue.
Ce tableau contient beaucoup de couleurs et de chiffres intéressants. Deux ou trois choses à retenir. La première est que, au deuxième trimestre qui vient de s'achever, par rapport au premier, on constate une réduction significative des références aux tarifs douaniers et aux guerres commerciales, donc beaucoup moins de préoccupations à ce sujet.
On parle moins de stratégies de prix, qui pourraient aussi être liées aux tarifs douaniers, à la hausse des prix des intrants, etc. On parle moins du ralentissement économique, du chômage, des suppressions d'emplois. On parle moins de chaînes d'approvisionnement, des perturbations et de ce genre de choses. On parle moins des coûts matériels. Tout cela concorde avec l’idée que si les tarifs douaniers n'ont pas disparu, ils s'avèrent un peu moins perturbateurs que ce que l'on craignait.
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Les entreprises s'en soucient beaucoup moins aujourd'hui qu'il y a trois mois. C'est donc la grande conclusion à tirer. Mais pour compliquer les choses, précisons que les tarifs douaniers font toujours l'objet de discussions, plus encore qu'à la fin de l'année dernière. C'est ce que montre la dernière colonne ici. Le sujet fait donc toujours l'objet de discussions et de réflexions, mais beaucoup moins qu'il y a trois mois.
À l'inverse, on peut aussi souligner deux ou trois choses. Au cours du dernier trimestre — ici dans la colonne la plus à gauche, les barres vertes — on constate une augmentation des réflexions et des discussions sur l'intelligence artificielle, l'apprentissage automatique, les cryptomonnaies et la blockchain. Il s'agit donc d'un retour vers la technologie dans une certaine mesure, qui a bien sûr été le moteur dominant des marchés, et même de l'économie, ces dernières années.
L'autre élément que je voudrais souligner, ici au centre, est l'augmentation des discussions sur la politique fiscale et les taux d'imposition. Nous avons vu quelques réductions d'impôts. C'est également un sujet qui préoccupe les esprits. En conclusion, on peut dire que certains éléments négatifs font moins l'objet de réflexions et de discussions, tandis que certains éléments positifs sont davantage abordés et pris en considération.
Je ne dis pas que cela restera ainsi pour toujours, mais c'est certainement ce que nous avons observé. C'est ainsi que les marchés financiers ont évolué, à mon avis.
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D'accord. Parlons un peu des données économiques.
Les tarifs douaniers font grimper l'inflation, mais sans effet significatif. Tout d’abord, on prévoit toujours une hausse modérée de l'inflation dans les six prochains mois à un an.
Les tarifs douaniers en sont bien sûr en grande partie responsables. Mais je ne veux pas surestimer leur importance. Nous avons toujours été cohérents à ce sujet.
Je tiens à rappeler que nous parlons d'un taux d'inflation qui passera temporairement de 2 % moyen ou élevé à 3,5 %, avant de redescendre. Il ne s'agit pas d'une situation comparable à celle de 2022, alors que l’inflation était de 9 %.
Du moins, nous ne le pensons pas. Et ce graphique en témoigne. L’enquête nous renseigne sur la proportion d'entreprises américaines qui prévoient d'augmenter leurs prix. Est-elle en hausse ? Bien sûr. Vous pouvez constater cette augmentation récente. Mais cela permet de relativiser les choses, car elle n'est pas comparable à celle de 2021 et 2022.
L’ordre de grandeur est différent. Cela laisse donc présager une inflation différente.
Nous continuons à prévoir une hausse des prix au cours des prochains mois, mais une hausse modérée, pas extravagante. De même, lorsque nous parlons d'inflation, il faut reconnaître certaines forces qui contribuent à la maintenir à un niveau bas. L'une d'entre elles, qui n'apparaît pas ici, est le coût du logement.
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Le marché immobilier est relativement calme. L'un des aspects positifs est que les prix des logements ne fluctuent pas beaucoup. Ils ne contribuent donc pas à la hausse des prix du point de vue de l'inflation. L'autre facteur est le prix du pétrole.
Entre temps, la baisse des prix du pétrole contribue à amortir l'inflation. Voici l'évolution du prix du West Texas au cours des dernières années. Vous pouvez constater une tendance à la baisse très nette sur plusieurs années, y compris au cours de l'année dernière, ce qui a également contribué à ne pas faire grimper l’inflation. Cela a constitué un bon amortisseur.
Ainsi, même si nous avons commencé à observer une légère hausse de l'inflation due aux tarifs douaniers dans les données des deux derniers mois (et probablement aussi dans celles des prochains), en réalité, les chiffres globaux ont à peine augmenté, simplement parce que nous bénéficions de l'aide du pétrole et des coûts du logement.
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Ceux-là auront été très utiles.
Les données économiques américaines concrètes s'atténuent, mais ne s'effondrent pas. Si l'on examine les données économiques, on constate un certain ralentissement. Dès le début et même à la fin de 2024, il y a un ralentissement net. Cet indice de variation des données est passé d'une valeur légèrement positive à une valeur légèrement négative, comme c'est le cas en ce moment. Il semble qu'il y ait une reprise. Néanmoins, dans l'ensemble, il est légèrement négatif.
Voilà à peu près où nous en sommes, selon nous. Nous pensons que les deux prochains trimestres seront décevants, mais qu'il ne s'agira pas d'un coup dur de type récessionniste.
L'emploi aux États-Unis s'affaiblit, mais la situation n'est pas aussi grave qu'elle en a l'air. Lorsque nous examinons le marché du travail aux États-Unis, nous avons deux mesures différentes de la croissance mensuelle de l'emploi.
Il s'agit d'une moyenne mobile sur trois mois, mais le nombre de milliers d'emplois créés par mois aux États-Unis en moyenne est certainement en très nette décélération.
Vous voyez les chiffres officiels en termes de masse salariale et de création d'emplois. Il s'agit d'un ralentissement assez important. Pourtant, je dirais que la situation n'est pas aussi grave qu'elle en a l'air, et ce, pour quelques raisons.
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L'une d'entre elles est que les chiffres officiels sur les salaires peuvent être assez irréguliers. Nous préférons donc nous fier à la ligne bleue que nous avons tracée, qui est en fait une combinaison de trois ou quatre chiffres sur l'emploi, y compris les chiffres sur les salaires. Ceux-ci suggèrent que le ralentissement n'est pas aussi extrême.
Nous pensons toutefois que cela reflète mieux la réalité. On en saura beaucoup plus dans trois jours. On verra alors si j'ai raison ou non, au moins pour le mois d'août.
Le déclin n'est donc pas aussi important qu'on le pensait. Le plus important, si vous regardez le taux de chômage, c’est qu'il n'augmente en réalité que très légèrement.
Le secret réside dans le fait que la croissance démographique aux États-Unis a vraiment ralenti. L'immigration a été réduite. Elle ralentissait déjà, il faut le dire, à la toute fin du mandat de Biden. Elle a encore ralenti de manière significative sous le mandat de Trump. Ainsi, simplement pour suivre le rythme de la croissance démographique, le nombre d'emplois nécessaires pour les jeunes diplômés de vingt-deux ans est bien différent.
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On parlait d’à peu près 150 000 personnes par mois il y a un an. Il n'y en a peut-être plus que 50 000 en ce moment. Donc, même si la création d'emplois a ralenti ou est inférieure à ce qui est nécessaire en temps normal, le plus gros du ralentissement est en réalité dû à la croissance démographique. Il y a moins de monde, donc la création d'emplois est moindre.
Et le résultat est moins dommageable. Donc, on observe un certain ralentissement, mais ce n'est pas aussi grave qu'il n'y paraît à première vue.
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Le risque de récession a quelque peu diminué. Sans vouloir suggérer que ce graphique nous révèle tout ce que nous voudrions savoir, il n’est est pas moins l'un des modèles de récession que nous utilisons.
Il indique que le risque de récession était bien réel il y a un ou deux trimestres. À un moment donné, le risque était aussi élevé que 60 % lorsque les tarifs douaniers ont été initialement mis en place. Il a heureusement diminué. Il indique maintenant un risque de récession de 29 % pour l'année prochaine ce qui n’est pas loin de la vérité.
Difficile à dire si c’est 25 %, 35 % ou 30 %, mais quelque chose dans cet ordre, ce qui n'est pas un risque nul quand on a ces tarifs douaniers qui tourbillonnent et toutes sortes de changements politiques inhabituels qui se produisent en même temps. Mais quoi qu'il en soit, notre meilleure estimation est qu'il n'y aura pas de récession.
Cela signifierait que le risque a effectivement diminué dans une certaine mesure, sans pour autant disparaître complètement. Très bien.
Politisation progressive du champ économique américain. J'ai déjà mentionné brièvement cette notion de politisation progressive dans le domaine économique, faute d'un meilleur terme. Examinons quelques-uns de ces éléments. L'un d'entre eux est qu'il existe actuellement de réels défis pour l'indépendance de la Fed (la Réserve fédérale).
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Je fais référence au fait que la Maison Blanche prétend que le taux des fonds fédéraux devrait être inférieur de deux ou trois points de pourcentage à son niveau actuel. Cette idée a fait l'objet de nombreux plaidoyers, ce qui est inhabituel. Normalement, la politique monétaire suit son cours et les politiciens n’interviennent pas de manière abusive.
Nous avons déjà vu la Maison Blanche et le président Trump nommer deux membres votants au Federal Open Market Committee, soit deux sur douze. À noter que Trump est sur le point d'en nommer un troisième, et qu'il pourrait en nommer un quatrième ou un cinquième, selon que le président de la Fed, Jerome Powell, dont le mandat expire en mai, démissionnera comme le veut la tradition ou restera en fonction jusqu'à la fin de son mandat. Il est probable qu'il démissionne. Et cela représenterait un quatrième poste disponible.
Vous savez peut-être qu'il y a des tentatives pour licencier un autre gouverneur de la Réserve fédérale. Il n'est pas certain que cela se produise, mais il semble assez raisonnable de dire que d'ici le printemps prochain, le président Trump aura probablement nommé quatre ou cinq des douze votants.
Notez qu'il y a à la Fed sept gouverneurs et cinq présidents de district qui ont droit de vote. Le président n'a une influence directe que sur les sept gouverneurs. On peut imaginer qu'il en aura quatre ou cinq sur les sept en sa faveur. C'est important, car dans un scénario où la majorité des gouverneurs de la Fed seraient nommés par Trump, les membres qui reflètent et répondent aux besoins des différents districts du pays pourraient se voir muselés.
On pourrait imaginer un scénario dans lequel la majorité absolue des douze électeurs serait influencée par la Maison Blanche. Nous verrons bien comment cela évoluera.
Cela dit, à l'heure actuelle, notre opinion est que la politique monétaire ne semble pas aller dans une direction trop différente de ce que l'économie exige, mais elle pourrait devenir plus accommodante que prévu, avec une baisse des taux plus importante que prévu.
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La question est de savoir jusqu’à quel point cette politique monétaire peut être accommodante par rapport à ce qu'exigent les conditions économiques actuelles. Il y a toujours une part d'incertitude. Quel est le niveau idéal des taux d'intérêt en ce moment ? Le taux actuel des fonds fédéraux est peut-être même un peu plus élevé que ce que l'on pourrait normalement penser. Il pourrait s'orienter vers le bas de la fourchette appropriée, compte tenu de la combinaison d'une économie qui pourrait s'affaiblir légèrement et d'une inflation un peu plus élevée que prévu.
Donc, au final, peut-être un peu plus de baisses de taux et des taux à court terme légèrement plus bas, mais aussi un peu d'inquiétude quant à la crédibilité de la Fed. Et cela pourrait être une préoccupation à plus long terme.
En ce qui concerne la qualité des données, j'ai deux réflexions là-dessus. La première est que la qualité des données économiques officielles a probablement baissé ces dernières années, et ce, pour plusieurs raisons.
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Il semble que le Bureau of Labor Statistics (le BLS) aux États-Unis et d'autres organismes aient été sous-financés, ce qui rend la collecte de données plus difficile. Ces orgnanismes ne sont pas en mesure de collecter autant de données sur les prix, par exemple. Et il y a probablement des effets similaires dans d'autres enquêtes.
De même, le taux de réponse — c'est-à-dire le pourcentage de personnes qui répondent au téléphone pour participer à une enquête — a considérablement baissé, tout comme pour les sondages politiques. C'est donc un travail plus difficile à réaliser. La qualité des données est probablement aussi un peu moins bonne.
Pour aggraver encore les choses, vous savez peut-être que le directeur du Bureau of Labor Statistics aux États-Unis a récemment été licencié après que les derniers chiffres de l'emploi publiés se sont révélés différents de ceux espérés par la Maison Blanche. Il y a donc également des inquiétudes quant à une possible politisation.
Tout ce que je peux dire, pour l'instant, c'est que nous pensons que ces chiffres restent les meilleures estimations fournies par le BLS et d'autres institutions gouvernementales américaines. Nous allons suivre cela de près pour voir s'il y a des changements dans la manière dont les données sont collectées et qui pourraient modifier leur interprétation.
En attendant, nous trouvons un certain réconfort dans le fait qu'il existe un nombre croissant de d'indicateurs alternatifs qui, selon nous, nous permettront d'avoir une idée raisonnable de ce qui se passe en matière d'emploi ou d'inflation, ou dans certains autres chiffres officiels, même si nous devions perdre un peu confiance dans les données officielles. Mais cela vaut certainement la peine d'être surveillé également.
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Enfin, je ne sais pas si cela a à voir avec les deux points précédents, mais le gouvernement américain a récemment pris une participation de 10 % dans Intel. On parle ici d'acquérir des parts d'entreprises sans vraiment investir directement.
Cela s’est fait sous forme de subventions déjà versées dans certains cas, sans lien avec la participation au capital, ce qui n’est pas tout à fait sans précédent. D'autres pays le font parfois. Les États-Unis l'ont peut-être fait à quelques reprises au cours de leur histoire, mais pour eux c'est assez inhabituel.
Il est intéressant de noter que l'action Intel a augmenté, et non diminué, à l'annonce de cette nouvelle, malgré une dilution de 10 % pour les actionnaires existants. Cela signifie sans doute qu'ils pensent désormais bénéficier d'un avantage réglementaire. Il s'agit d'une entreprise stratégique qui pourrait bénéficier d'un traitement préférentiel de la part du gouvernement américain. Au final, je suppose qu'ils sont plutôt satisfaits. Une question demeure : cela se produira-t-il ailleurs ? Il y a eu des rumeurs selon lesquelles l'industrie militaire et des entreprises qui y sont liées pourraient connaître le même sort.
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Pour essayer de combiner ces trois éléments :
• Il s'agit dans une certaine mesure d’un début de politisation de la Fed.
• Cela pourrait être le début d'une certaine politisation des données.
• Cela pourrait entraîner une intervention plus importante de la sphère politique dans la vie et les affaires des entreprises.
Au final, on pourrait penser que ce sont là des mesures un peu dangereuses. Elles risquent d'entraîner une perte de confiance. Et elles risquent également de nuire à la fluidité des économies si elles sont mises en œuvre. Il convient de les surveiller de près, car elles évoluent, jusqu'à présent, dans une direction que nous n'avons pas vue depuis plusieurs décennies. Très bien.
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On continue d’anticiper un assouplissement modéré à court terme de la part de la Réserve fédérale. Pour poursuivre avec la Fed, la Banque centrale américaine, ce graphique montre le niveau attendu du taux des fonds fédéraux après la décision de septembre.
Cette ligne qui est demeurée de manière tenace en dessous de la ligne horizontale en pointillés, signifie que le marché anticipe depuis un certain temps déjà des baisses de taux d'ici septembre. Il s'agit en fait d'une baisse de taux un peu moins importante que ce que l'on aurait pu imaginer il y a un an. Néanmoins, le marché anticipe une baisse de taux de 25 points de base pour la fin septembre. Et c'est ce que nous pensons également.
On peut imaginer qu'une autre baisse des taux interviendra peu de temps après. On peut dire que cela est vaguement approprié dans le contexte de l'économie américaine, mais cela peut aussi être motivé en partie par cette pression politique qui tente d'encourager des baisses de taux supplémentaires.
Très bien. Je vais terminer avec ceci.
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Bilan et perspectives du quart de siècle. Terminons avec un tableau très chargé. Mais je trouve cela intéressant et assez amusant d’y réfléchir.
Voilà où nous en sommes, c’est-à-dire dans la seconde moitié de 2025. Que le premier quart de siècle corresponde à la période 2000-2024 ou 2001-2025, selon qu'il y ait ou non eu d'année zéro, à vous de voir.
Quoi qu'il en soit, nous avons traversé le premier quart du XXIe siècle et nous sommes plus ou moins à l'aube ou au début du deuxième. Réfléchissons un peu à certains des thèmes macroéconomiques clés qui ont prévalu et pourraient prévaloir à l'avenir.
Si l'on regarde en arrière, ce qui correspond à la première colonne, l'essor de la Chine est certainement le développement le plus important. La Chine est passée d'une économie très pauvre et relativement petite à une position centrale dans le monde, devenant une puissance géopolitique et militaire.
La croissance des marchés émergents, de manière plus générale, a été assez remarquable. Nous sommes désormais dans une situation où plus de la moitié de la croissance mondiale et, selon certains indicateurs, plus de la moitié de la production économique mondiale proviennent des pays en développement.
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Ils ont connu un essor fulgurant au cours du dernier quart de siècle, jusqu'à ces dernières années, alors que la mondialisation a prévalu, comme en témoigne l'essor de la Chine. Ce fut, pour l'essentiel, un monde hégémonique. Les États-Unis ont été l'entité dominante et incontestée, même si cela commence à s'estomper depuis la seconde moitié.
Ce fut une période où l'ordre fondé sur des règles dominait l'Organisation mondiale du commerce, les Nations unies, et autres entités internationales, et où tout le monde s’entendait plutôt bien. Au début de ce quart de siècle, on a parlé de la fin de l'histoire, comme le dit Francis Fukuyama, avec l'idée d’une convergence vers la démocratie et le capitalisme dans tous les pays, et que les guerres allaient disparaître.
Il s’est passé peu de choses, ce qui était franchement agréable à bien des égards. Cela ne s’avère aujourd’hui peut-être pas tout à fait exact, mais pendant un certain temps, cette idée a dominé.
En parlant de domination, ou de domination technologique, les entreprises technologiques ont stimulé les économies. Elles ont également stimulé les marchés. Elles ont surtout changé de manière significative notre mode de vie au cours de ce quart de siècle.
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La démographie s’est détériorée. C’était vrai depuis un certain temps, mais elle a vraiment basculé en 2007 et n'a cessé de s'aggraver depuis.
Grâce à l'exceptionnalisme économique américain, les États-Unis ont dominé le monde développé. Leur économie a connu une croissance plus rapide, elle a été exceptionnelle, et le marché boursier, en particulier au cours de la seconde moitié de ce quart de siècle, a surpassé tous les autres.
Il y avait un effet de levier croissant, beaucoup d'endettement du secteur privé au cours de la première décennie, beaucoup d'endettement du secteur public ou d'emprunts gouvernementaux pendant le reste de la période. Nous avons connu un supercycle des produits de base. Leurs prix ont considérablement augmenté à partir de l'année 2000.
Et nous avons eu le grand projet européen. Il est étonnant de penser que l'euro, du moins officiellement, n'existait pas encore en 2000.
Tous les pays ont soudé ensemble les devises à la fin des années 90, mais l'euro n'a été introduit officiellement qu'au bout de quelques années dans ce quart de siècle. Et même si ce projet a été imparfait et qu'il y a eu des crises de la dette souveraine et autres, il a survécu. On a vu cette intégration, une réglementation bancaire commune, des plans de sauvetage et la mutualisation de certaines émissions de dette.
Ils se sont rapprochés les uns des autres et leur existence ne fait aucun doute à l'heure actuelle, à l’exception de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Que nous réserve le prochain quart de siècle ? À défaut d’imagination, je suis sûr qu'il y aura toutes sortes de choses que nous ne pouvons encore concevoir.
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En toute honnêteté, il s'agit ici de projections dans l'avenir des tendances déjà existantes, ou des points d'inflexion les plus récents. Mais faisons de notre mieux.
Nous assisterons sans doute à l'ascension de la Chine. Elle pourrait devenir encore plus importante à l'échelle mondiale, bien que de manière moins spectaculaire qu'au cours du dernier quart de siècle. Nous assisterons à l'essor de la classe moyenne mondiale à mesure que les pays en développement s'enrichissent et acquièrent la capacité de consommer et d'acheter des véhicules et ce genre de biens.
Nous assisterons peut-être à l'essor de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est, qui constitueront la prochaine grande vague de pays très peuplés passant d'un statut de pays pauvres à celui de pays à revenu intermédiaire. Nous sommes passés d'une mondialisation apparente à une mondialisation qui pourrait persister pendant un certain temps. C'est souvent le cas dans un monde multipolaire, ce qui est notre situation actuelle compte tenu de l'ascension de la Chine et peut-être aussi de l'agressivité de la Russie.
Il ne s’agit plus d’un ordre fondé sur les règles. Il semble s'agir d'un ordre fondé sur le pouvoir. Les grands pays intimident les petits, ce qui entraîne une augmentation des dépenses militaires, par exemple. C'est le grand avantage d'être un pays grand et puissant.
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Et c'est un gros inconvénient d'être un petit pays. Il s’agit là d’un changement majeur.
Le secteur technologique restera dominant. Je ne vais pas prédire le cours d'une action donnée l'année prochaine par rapport à cette année, ni en 2050 par rapport à 2025. Je parle simplement du rôle central que ce secteur joue dans nos vies et de son rôle de moteur de la productivité, avec l'intelligence artificielle comme technologie clé pour l'avenir.
Nous sommes optimistes. Nous pensons que ce quart de siècle pourrait être marqué par une croissance de la productivité plus rapide que celle que nous avons connue avant.
La démographie n’ira pas en s’améliorant. Elle s'est déjà détériorée ces dernières années. Nous prévoyons le pic démographique mondial en 2066, soit au-delà du prochain quart de siècle. Mais on s’en approche. La situation reste donc difficile à cet égard.
Nous pensons que l'économie américaine va demeurer exceptionnelle par rapport à ses homologues, mais peut-être un peu moins, avec un avantage de croissance légèrement moindre en raison d'une immigration en baisse, de certaines décisions politiques moins judicieuses, d’excès budgétaires, etc.
À propose de préoccupations budgétaires, si les pays ne doivent pas nécessairement emprunter beaucoup plus qu'ils ne le font en ce moment, certains devront prendre des mesures d'austérité et le marché obligataire se montrer un peu plus sélectif dans ses investissements, compte tenu de l'endettement important de ces pays dans un environnement où les taux d'intérêt ne sont plus aussi bas qu'auparavant.
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Je ne sais pas où iront les prix des produits de base à partir d’ici, mais dans ce contexte général, le changement climatique va devenir plus palpable, et peut-être plus déterminant pour les marchés et les économies à l'avenir. La demande de pétrole devrait atteindre son pic à la fin des années 2020 ou au début des années 2030, selon des prévisions crédibles.
Enfin, les pays développés non américains gagnent du terrain. Si beaucoup d'entre eux ont été endormis pendant des années, ils commencent à se réveiller et à réaliser qu'ils doivent augmenter leurs dépenses militaires, mettre en place des mesures de relance budgétaire, relancer leur productivité. Nous verrons dans quelle mesure ils y parviendront. Le succès n’est pas garanti, mais je pense qu'ils ont une chance de progresser dans cette voie. Nous pourrions les voir évoluer un peu plus rapidement au cours du prochain quart de siècle.
Bon, cela fait beaucoup. Si, pour une raison ou une autre, vous souhaitez en savoir plus, voici notre site web où nous publions de nombreuses analyses, notamment celles de mon équipe économique. Vous pouvez également nous retrouver sur LinkedIn ou sur X.
Comme d'habitude, je vous remercie beaucoup pour votre attention. J'espère que vous avez trouvé cette vidéo intéressante et utile, et je vous invite à revenir le mois prochain.