Le resserrement rigoureux et fortement synchronisé des conditions monétaires mondiales au cours des 20 derniers mois commence à faire sentir ses effets et plus les taux d’intérêt resteront élevés longtemps, plus les difficultés économiques qu’ils risquent d’infliger seront importantes. Les indicateurs avancés laissent entrevoir un ralentissement, voire une contraction de la croissance dans de nombreuses grandes régions du monde (figure 1). Le Canada, le Royaume-Uni et plusieurs pays de la zone euro sont déjà en récession technique ou sont très près de l’être. Les États-Unis, toutefois, ont jusqu’à présent tenu le coup et les consommateurs américains pourraient être moins sensibles à la hausse des taux après avoir contracté des prêts hypothécaires à long terme à des taux fixes extrêmement bas pendant la pandémie. Cependant, les coûts d’emprunt plus élevés freinent la propension marginale des entreprises et des consommateurs à dépenser et à investir ; par exemple, l’activité sur le marché du logement a chuté à ses plus bas niveaux depuis la crise financière mondiale. En outre, la reprise difficile en Chine à la suite de la pandémie, l’intensification des tensions géopolitiques ainsi que le niveau élevé et croissant des déficits budgétaires risquent d’assombrir les perspectives. Qui plus est, étant donné le décalage habituel entre le début du durcissement monétaire et les contractions de l’économie, la possibilité d’un ralentissement important ou d’une récession commence à peine à poindre. Nous prévoyons une légère récession dans les pays développés au cours des prochains trimestres et nos prévisions de croissance sont inférieures à la moyenne.
Figure 1 : Indices mondiaux des directeurs d’achats
Nota : Données au 30 novembre 2023. Sources : Macrobond, RBC GMA
Les progrès sur le plan de l’inflation se poursuivent ; les attentes demeurent bien ancrées
Un aspect positif du resserrement des conditions financières et du ralentissement de l’activité économique est que l’inflation continue de s’éloigner des niveaux extrêmes précédents. Aux États-Unis, l’inflation selon l’IPC global est passée d’un sommet de 9,1 % en juin 2022 à 3,2 %, tandis que l’IPC de base est passé d’un sommet de 6,6 % en septembre 2022 à 4,0 %. Bien que ces chiffres ne soient pas encore idéaux, la tendance est favorable et, surtout, les anticipations inflationnistes du marché demeurent bien ancrées près du niveau de 2 % visé par la plupart des banques centrales (figure 2). Nous prévoyons que l’inflation continuera de ralentir pour s’établir juste au-dessus de 2 % d’ici la fin de l’année prochaine.
Figure 2 : Prime d’inflation implicite à long terme
Point d’équilibre du taux d’inflation : taux nominal par rapport aux obligations à rendement réel de 10 ans
Nota : En date de décembre 2023. L’inflation de la zone euro est le point d’équilibre du taux d’inflation, pondéré en fonction du PIB, de l’Allemagne, de la France et de l’Italie. Sources : Bloomberg, RBC MC, RBC GMA
Les taux d’intérêt à court terme ont peut-être atteint leur sommet
Dans ce contexte, il devient de plus en plus évident que les banques centrales ont peut-être déjà opéré un durcissement monétaire suffisant pour atteindre leurs objectifs d’inflation. Selon nos modèles, les taux à court terme s’établissent maintenant en territoire résolument restrictif et, si l’inflation continue de fléchir comme prévu, les banques centrales pourraient commencer à réduire les taux d’intérêt plus tôt que ne l’indiquent actuellement les prévisions générales. En fait, le marché des contrats à terme n’envisage plus de nouvelle hausse des taux. Il prévoit une première baisse des taux aux États-Unis d’ici le printemps et un recul de jusqu’à 100 points de base du taux des fonds fédéraux d’ici la fin de l’année prochaine (figure 3).
Figure 3 : Taux implicite des fonds fédéraux
Contrats à terme sur 12 mois au 1er décembre 2023
Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GM4
Les taux obligataires pourraient encore décliner
La conjoncture actuelle des marchés des capitaux est intéressante, selon nous, pour les investisseurs en titres à revenu fixe. Comme les taux des obligations d’État ont atteint leur plus haut niveau en 15 ans au cours du dernier trimestre, notre composite des taux des obligations d’État pondéré en fonction du PIB est passé au-dessus du point d’équilibre estimé par notre modèle pour la première fois depuis la crise financière, à l’exception d’une courte période en 2023. En particulier, le taux des obligations américaines à dix ans a atteint un sommet de 5,02 %, dépassant nettement notre valeur d’équilibre modélisée de 3,16 % (figure 4). Même si la récession est notre scénario de base, elle n’est pas une condition préalable à un repli des taux. Il suffirait que l’inflation revienne à la cible et que les taux d’intérêt réels se maintiennent près de 1 %, soit un niveau compatible avec une population vieillissante et un potentiel de croissance économique moindre, pour qu’un taux des obligations du Trésor américain à dix ans s’établissant entre 3,5 % et 4,0 % devienne envisageable. Même une légère baisse des taux par rapport aux niveaux élevés actuels pourrait se traduire par des rendements proches de 10 % pour les obligations du Trésor américain à dix ans au cours de la prochaine année. Voilà pourquoi nous croyons que les obligations d’État présentent un potentiel de rendement attrayant s’accompagnant d’un risque d’évaluation minime.
Figure 4 : Taux des obligations du Trésor américain à 10 ans
Fourchette d’équilibre
Nota : Données au 30 novembre 2023. Source : RBC GMA
Les actions rebondissent à la suite de la correction de l’été et de l’automne
Les actions mondiales ont subi une correction d’un peu plus de 10 % au début du trimestre, sous l’effet de la hausse des taux, de l’intensification des tensions géopolitiques et des préoccupations grandissantes des investisseurs au sujet de l’économie. La reprise qui a suivi en novembre a toutefois effacé la plus grande partie de ces pertes, étant donné que les taux ont reculé par rapport à leurs récents sommets et que les perspectives d’un atterrissage en douceur de l’économie se sont améliorées. Cela dit, la plupart des gains enregistrés par les actions mondiales jusqu’à présent cette année sont liés à une poignée d’actions seulement. L’indice S&P 500 pondéré en fonction de la capitalisation boursière a progressé de 18 % depuis le début de l’année, principalement grâce aux « sept magnifiques », qui ont dégagé un rendement de 76 %. L’indice équipondéré, qui représente le rendement de l’action moyenne, n’a gagné que 4 %. Par conséquent, même si le S&P 500 se situe légèrement au-dessus de notre estimation modélisée de la juste valeur, si l’on exclut les sept magnifiques de l’indice américain, ou si l’on met l’accent non pas sur les grandes capitalisations américaines mais sur les petites ou moyennes capitalisations ou sur les actions internationales, les valorisations des actions sont généralement inférieures à leur juste valeur et, dans certains cas, particulièrement attrayantes (figure 5).
Figure 5 : Indice composite des marchés boursiers mondiaux
Indices des marchés boursiers par rapport au point d’équilibre
Nota : Données au 30 novembre 2023. Source : RBC GMA
Les prévisions de bénéfices sont très optimistes
Nous croyons que ce sont les bénéfices plutôt que les valorisations qui représentent le principal risque pesant sur les marchés boursiers. Jusqu’à présent cette année, la croissance des bénéfices du S&P 500 a été relativement faible, et d’après les estimations pour le reste de l’année, elle devrait s’établir à seulement 2 % en 2023 par rapport à 2022. Cependant, les estimations pour l’an prochain sont beaucoup plus optimistes et prévoient que le bénéfice par action du S&P 500 augmentera de 11 % pour s’établir à 245 $ d’ici la fin de 2024 (figure 6). À notre avis, ces estimations reflètent une évolution plutôt favorable de l’économie, incluant la persistance d’une croissance robuste et de marges bénéficiaires élevées. Si une récession ou un ralentissement marqué de l’activité devait se concrétiser comme nous l’anticipons, les estimations risqueraient d’être revues en baisse, ce qui limiterait probablement l’appréciation des actions.
Figure 6 : Indice S&P 500
Bénéfice par action des sociétés au cours des 12 derniers mois
Nota : Au 20 octobre 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
La composition de l’actif dénote une position prudente avec une légère surpondération des titres à revenu fixe
Bien que la conjoncture macroéconomique demeure très incertaine, nous reconnaissons qu’il existe des trajectoires menant à des résultats favorables. Dans notre scénario de base, les économies entreront en récession au cours des prochains trimestres et l’inflation continuera de ralentir. Dans ce contexte, les banques centrales devraient commencer à réduire les taux d’intérêt et les taux obligataires diminueront, car les investisseurs chercheront des valeurs refuges à rendement plus élevé. C’est généralement à ce moment-là du cycle que les titres à revenu fixe à longue duration ont tendance à dégager des rendements supérieurs. De plus, compte tenu de l’augmentation des taux, les obligations offrent une meilleure protection contre la volatilité des marchés boursiers dans un portefeuille équilibré comparativement aux dernières années. Nous croyons toujours que les actions offrent un potentiel de rendement supérieur à celui des obligations à long terme. Néanmoins, notre composition de l’actif vise à établir un équilibre entre le potentiel de rendement à long terme et les risques à court terme, et nous reconnaissons que la prime de risque sur actions est maintenant à son niveau le plus bas depuis le moment précédant immédiatement la crise financière mondiale. Avant de surpondérer les actions, nous préférons attendre un agrandissement de l’ampleur du marché boursier, un assouplissement des conditions financières ou un redressement des indicateurs économiques avancés. Par conséquent, pendant le trimestre, nous avons accru de 0,5 % notre pondération des titres à revenu fixe en puisant dans les liquidités, puisque le taux des obligations américaines à dix ans s’est approché de 5 %. En raison de ce changement, nous surpondérons les obligations pour la première fois de l’histoire du Comité des stratégies de placement RBC GMA, qui a été créé il y a 20 ans. Nos recommandations actuelles de répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont les suivantes : 60,0 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 60 %), 38,5 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 38 %) et 1,5 % en liquidités (figure 7). La répartition de l’actif des fonds ou des portefeuilles de clients peut différer en fonction de la politique de placement de ces fonds.
Figure 7 : Composition d’actifs recommandée
Comité des stratégies de placement RBC GMA
Nota : Au 30 novembre 2023. Source : RBC GMA
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