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Accepter Déclin
Par  S.Cheah, MBA, CFA, J.Lee, CFA 19 juillet 2024

Les taux des obligations d’État mondiales ont augmenté depuis la publication de la dernière édition de Regard sur les placements mondiaux, les investisseurs ayant modéré leurs attentes concernant la réduction des taux directeurs. Aux États-Unis, l’inflation a été plus tenace que prévu, tandis que la croissance économique au premier semestre de 2024 a été supérieure aux prévisions. Vu la hausse des taux obligataires, les obligations d’État de tous les principaux marchés ont fléchi depuis le début de l’année (figure 1).

Figure 1 : Les obligations d’État mondiales ont mal commencé l’année 2024

Rendements cumulatifs annuels de certains marchés d’obligations d’État
Figure 1 : Les obligations d’État mondiales ont mal commencé l’année 2024 <h5>Rendements cumulatifs annuels de certains marchés d’obligations d’État</h5>

Nota : Au 31 mai 2024. Tous les rendements sont indiqués en dollars canadiens, avec couverture de change. Source : FTSE Russell

Cela laisse-t-il présager une autre année de rendements globaux négatifs pour les obligations ? Nous ne le pensons pas. On peut attribuer les piètres rendements de cette année en partie au fait que les taux obligataires ont chuté brusquement juste avant le début de l’année, pour ensuite remonter. Depuis que les taux obligataires ont atteint des sommets pluriannuels, en octobre dernier, les obligations ont inscrit des rendements positifs, car les taux sont maintenant plus bas. Des taux obligataires plus élevés et plus volatils signifient simplement que les rendements des obligations sont plus variables que ceux que les investisseurs ont eu l’habitude de voir depuis la crise financière. Or, la hausse des taux obligataires est également synonyme de potentiel de rendement plus élevé pour les investisseurs. Le rendement à l’échéance actuel d’une obligation est un bon indicateur du rendement futur à long terme (figure 2), de sorte que les investisseurs peuvent s’attendre à environ 4,50 % par année pour les obligations d’État américaines à 10 ans, si le titre est détenu jusqu’à échéance. Selon nous, les rendements des obligations seront probablement encore meilleurs au cours des 12 prochains mois, car nous nous attendons à ce que la plupart des banques centrales réduisent les taux d’intérêt.

Figure 2 : Obligation du Trésor américain à 10 ans et rendements

Figure 2 : Obligation du Trésor américain à 10 ans et rendements

Nota : Au 31 mai 2024. Sources : Deutsche Bank, Macrobond, RBC GMA.

Les banques centrales de l’Europe et du Canada ont abaissé les taux d’intérêt pour la première fois dans le cycle actuel, tandis que celle du Royaume-Uni devrait suivre leur exemple avant la fin de l’été. La Réserve fédérale des États-Unis (Fed) commencera probablement à réduire les taux un peu plus tard, probablement à l’automne. Comme l’inflation a diminué, les décideurs peuvent maintenant se concentrer à soutenir la croissance et le marché du travail, qui se sont affaiblis partout. Il faut donc s’attendre à des baisses de taux.

Les décideurs ont admis avec hésitation que les taux d’intérêt ont probablement culminé, mais ne sont pas prêts à confirmer qu’un assouplissement monétaire considérable est en préparation, ce qui serait une bonne chose pour les rendements des obligations. Pour leur part, les investisseurs s’attendent à ce que les banques centrales abaissent les taux de 75 à 125 points de base au cours de la prochaine année au Canada, en Europe, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ces baisses semblent dérisoires par rapport aux hausses de plusieurs centaines de points de base effectuées dans les dernières années. Les taux directeurs pris en compte dans les marchés à terme d’ici deux ou trois ans sont encore passablement supérieurs à ceux qui prévalaient avant la pandémie. Si on les compare aux estimations des taux qualifiés de neutres (taux d’intérêt qui ne stimulent ni ne restreignent la croissance), il semble que les investisseurs s’attendent à ce que la politique monétaire demeure restrictive pour la prochaine décennie.

En effet, selon les attentes du marché, il n’y a pas de récession à l’horizon et il ne sera pas nécessaire d’avoir une politique monétaire accommodante pendant encore dix ans. Cela semble peu probable. Certes, le risque de récession dans un avenir immédiat a diminué. RBC GMA ne s’attend plus à une récession aux États-Unis au cours de la prochaine année et, à court terme, la plupart des économies ne semblent pas avoir besoin d’être secourues par la politique monétaire. L’inflation, malgré sa chute brutale, demeure supérieure à la cible dans toutes les régions, même si l’on tient compte des différentes méthodologies (figure 3). Le taux de chômage a augmenté, mais il était probablement trop bas pour demeurer à un tel niveau sans générer encore plus d’inflation. D’ici dix ans, cependant, il est presque assuré que de nombreuses économies connaîtront au moins une récession et que les banques centrales réduiront les taux davantage qu’on le prévoit actuellement. C’est ce qui rend les obligations intéressantes, à notre avis.

Figure 3 : L’inflation reste supérieure à la cible partout dans le monde, sauf au Canada

Figure 3 : L’inflation reste supérieure à la cible partout dans le monde, sauf au Canada

Nota : En date d’avril 2024. Sources : Bureaux nationaux de statistique, calculs de RBC GMA

Si le marché prévoit des taux directeurs aussi élevés à long terme, c’est peut-être parce que les taux que les économies jugeraient restrictifs ont augmenté depuis la pandémie. Les déficits publics massifs et les investissements considérables nécessaires pour lutter contre les changements climatiques (ainsi que le coût élevé du service de la dette qui accompagne ces deux charges) peuvent ralentir la croissance plutôt que l’accélérer. Nous ne sommes pas aussi convaincus que le marché semble l’être par la hausse des taux neutres des fonds fédéraux. Ce dont nous sommes plus convaincus, c’est que le marché devrait prendre en compte une prime plus élevée pour les prêts s’échelonnant sur de longues périodes (c’est-à-dire, la prime de terme). Au fil du temps, nous nous attendons à ce que la courbe des taux s’accentue, les titres à dix ans offrant aux investisseurs des rendements en revenu supérieurs à ceux offerts par les obligations à deux ans, ce qui n’a pas été le cas depuis juillet 2022.

Nous pensons qu’étant donné que l’inflation a ralenti à son rythme le plus rapide en trois décennies et que le taux de chômage est en hausse, les banques centrales peuvent conclure que les taux directeurs actuels sont effectivement restrictifs. À mesure que l’inflation continuera à redescendre, nous croyons que la plupart des banques centrales procéderont à des baisses, ce qui fera diminuer les taux obligataires, surtout ceux des titres arrivant à échéance au cours des deux à trois prochaines années.

Le grain de sable dans l’engrenage, pour ce qui est des taux d’intérêt restrictifs, de la chute de l’inflation et des baisses de taux à venir, est que l’économie américaine résiste à des taux d’intérêt nettement plus élevés. Les politiques nationales ne sont pas élaborées en vase clos. Devant la récente persistance des pressions sur les prix et la croissance supérieure à la tendance aux États-Unis, les autres banques centrales ne sont plus aussi sûres que les pressions sur les prix dans leurs propres économies se sont atténuées plus rapidement grâce à leurs politiques, ou s’il s’agit simplement de l’effet des pénuries d’approvisionnement liées à la pandémie qui s’estompe. Qui plus est, la croissance s’est redressée en Europe (où l’activité était particulièrement léthargique), de sorte qu’il pourrait être moins nécessaire de réduire fortement les taux d’intérêt pour soutenir l’économie.

Certes, nous ne prévoyons pas un retour aux taux d’intérêt exceptionnellement bas de la période ayant précédé la COVID-19. Nous nous attendons plutôt à un retour à des conditions plus normales, même sans récession. Puisque l’inflation se rapproche de la cible des décideurs et que le taux de chômage est en hausse, on pourrait dire qu’au moins un certain degré de détente monétaire serait approprié.

Nous croyons que la plupart des banques centrales assoupliront leur politique au fil de l’année. La désinflation devrait se poursuivre dans la plupart des pays, tandis qu’aux États-Unis, l’inflation a recommencé à redescendre après avoir été étonnamment élevée au début de l’année.

Orientation des taux

États-Unis

L’économie américaine a enregistré une autre période de croissance raisonnable dans les trois premiers mois de l’année. Fait inquiétant, l’inflation a augmenté beaucoup plus que prévu. Nous nous attendons à ce qu’elle redescende d’ici le reste de 2024 et en 2025, car nous croyons que la politique monétaire actuelle est restrictive. Bien que ce ne soit pas notre hypothèse de base pour les 12 prochains mois, la hausse du taux de chômage et le ralentissement de la demande augmentent la probabilité d’une récession. Dans ce contexte, nous nous attendons à ce que la Fed assouplisse sa politique par rapport au niveau actuel. Et selon notre hypothèse de base, nous prévoyons que la fourchette cible du taux des fonds fédéraux baissera à 4,50-4,75 % au cours des 12 prochains mois, contre 5,25-5,50 % en ce moment, et que les réductions commenceront au deuxième semestre de 2024. De plus, nous prévoyons que les taux des obligations du Trésor seront généralement inchangés, et que le taux des obligations à 10 ans restera près du niveau actuel de 4,50 % au cours de la prochaine année.

Zone euro

Contrairement aux États-Unis, la désinflation se poursuit dans la zone euro tandis que s’estompent les effets transitoires de la pandémie et de l’augmentation des prix du pétrole et du gaz naturel découlant de la guerre en Ukraine. La croissance économique a été faible, ce qui laisse penser que la politique monétaire est restrictive. L’inflation a maintenant ralenti davantage qu’aux États-Unis, ce qui a incité la Banque centrale européenne (BCE) à réduire le taux directeur de 25 points de base le 6 juin, soit la première baisse depuis septembre 2019.

Les arguments en faveur d’une politique monétaire plus souple sont plus convaincants en Europe, compte tenu du contexte nettement différent entourant les dépenses publiques. Contrairement aux États-Unis, les largesses budgétaires qui ont stimulé la croissance, en particulier en Italie et en Espagne, risquent de cesser brusquement cette année. Plusieurs pays sont susceptibles d’être limités par les exigences de l’UE (qui demande à ses membres de faire preuve de discipline budgétaire), ce qui pourrait se solder par des obstacles persistants pendant plusieurs années, à moins qu’il n’y ait une récession et que les restrictions sur les dépenses publiques ne soient assouplies par la suite.

La croissance des salaires sur un an en Europe reste trop élevée pour que l’inflation soit de 2 % ou moins, mais elle ralentit de façon notable. Nous pensons que l’inflation a probablement suffisamment ralenti pour permettre à la BCE d’abaisser les taux directeurs avec assurance. Les revendications salariales semblent diminuer parallèlement à l’inflation. En fin de compte, un ralentissement de l’économie et un fléchissement de l’inflation pourraient encourager la BCE à réduire ses taux davantage, et nous pensons que le taux des dépôts passera de 2,50 %, son niveau actuel, à 3,75 % dans un an. Le taux des obligations d’État allemandes à 10 ans reflète déjà une grande partie de la baisse des taux directeurs attendue, et nous prévoyons qu’il sera légèrement plus bas dans un an, soit à 2,40 %.

Japon

Les taux obligataires continuent d’augmenter au Japon, le marché tablant sur une hausse des taux directeurs. Le taux des obligations d’État à 10 ans a dépassé le seuil psychologique de 1,00 % à la fin de mai, et nous croyons que d’autres hausses sont probables au cours de la prochaine année. Le Japon est aux prises avec une forte montée de l’inflation réelle et prévue qu’il n’avait pas connue depuis les années 1990. Parmi les pays développés du G7, ce sont les travailleurs japonais qui connaissent la plus forte croissance des salaires, malgré la faiblesse relative de l’économie.

La Banque du Japon (BdJ) a fait part de son intention de relever les taux d’intérêt en autorisant une augmentation des taux des obligations d’État. Le taux directeur de la BdJ devrait s’élever au-dessus de zéro pour la première fois depuis 2016. Nous prévoyons que le taux de référence sera de 0,20 % d’ici un an. De plus, nous attendons une augmentation des taux obligataires, et pensons que le taux des obligations d’État japonaises à 10 ans s’élèvera à 1,25 % au cours de l’année à venir.

Canada

Le 5 juin, la Banque du Canada (BdC) a abaissé son taux directeur pour la première fois depuis la pandémie. Elle l’a réduit de 25 points de base, à 4,75 %. Cette décision est le reflet d’une plus grande confiance dans le fait que l’inflation de base s’essouffle. En effet, l’inflation des prix à la consommation a ralenti pendant quatre mois consécutifs. L’inflation annuelle a touché un creux inégalé en trois ans de 2,7 % en avril, et les mesures de l’inflation de base annualisée sur trois mois utilisées par la BdC (l’IPC-méd. et l’IPC-tronq.) ont chuté à 1,5 % et à 1,8 %, respectivement, soit en deçà de l’objectif de 2 %. Ces mesures portent à croire que les taux baisseront à compter de cet été. La BdC a l’intention de continuer à réduire son bilan – un processus appelé « resserrement quantitatif » – en 2025 (alors qu’elle prévoyait le faire vers la fin de 2024 ou le début de 2025).

Nous nous attendons à ce que les taux directeurs diminuent plus rapidement au Canada qu’aux États-Unis, où la croissance et l’inflation sont plus fortes. L’écart entre les deux banques centrales a parfois été de 100 points de base depuis 2000, tandis qu’il est actuellement d’environ 60 points de base. 

Le passage à un assouplissement monétaire par la BdC serait probablement graduel, pour éviter de déclencher un autre épisode d’inflation supérieure à la cible. Nous prévoyons que le taux directeur de la BdC diminuera à 4,00 % au cours des 12 prochains mois, et que le taux des obligations d’État canadiennes à 10 ans sera de 3,50 %, contre 3,63 % à l’heure actuelle.

Royaume-Uni

Le marché du travail britannique continue de montrer des signes de faiblesse. Le nombre de postes à pourvoir baisse rapidement, et on s’attend à ce que la croissance des salaires ralentisse par rapport au niveau actuellement élevé. Le ralentissement de la croissance des salaires, en particulier dans le secteur des services, devrait aider à apaiser l’inflation, ce qui soulagera ce segment où le taux d’inflation est demeuré au-dessus de la cible de la Banque d’Angleterre (BdA). Le comité de la BdA chargé d’établir les taux a récemment signalé que des taux plus bas sont à venir lorsqu’il a revu à la baisse ses prévisions d’inflation à moyen terme et a indiqué que le risque que l’inflation persiste est en train de diminuer. À l’approche de la première réduction de taux, ce sont la rapidité et l’ampleur des réductions qui seront au cœur du débat, ce qui exercera une pression baissière sur les taux des obligations d’État. Toutefois, alors que les Britanniques se rendront aux urnes en juillet, le prochain gouvernement aura un défi à relever par rapport à sa situation budgétaire – ce qui finira par susciter des questions concernant la viabilité de la dette du pays. Un manque de discipline budgétaire pourrait inciter les investisseurs à exiger des rendements en revenu plus élevés pour compenser des facteurs comme le ralentissement de la croissance, la détérioration des services publics et du niveau de vie, le coût élevé du service de la dette, et le maigre bilan en matière de contrôle de l’inflation. Nous nous attendons à ce que la BdA procède à quatre baisses au cours des 12 prochains mois pour faire passer le taux de 5,25 % à 4,25 %, et nous prévoyons que les obligations à 10 ans se négocieront autour des fourchettes observées dans les derniers mois, soit environ 4,10 %.

Recommandations régionales

Nous n’avons pas de recommandations régionales ce trimestre-ci. L’augmentation des taux d’intérêt et les possibles baisses de taux directeurs à l’échelle mondiale ont accru l’attrait des obligations. Nous recommandons de surpondérer les titres à revenu fixe.

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