L’économie mondiale a fait preuve de résilience et divers problèmes découlant de la pandémie se sont atténués. Mais l’incidence différée du resserrement monétaire agressif est, à notre avis, toujours susceptible de pousser l’économie en récession et, dans un contexte d’augmentation de l’incertitude macroéconomique, la patience est essentielle et il n’est pas justifié de prendre des risques importants.
Pour l’instant, la croissance demeure positive, mais il est probable que les difficultés dominent
Jusqu’à présent, cette année, la plupart des grandes économies ont poursuivi leur expansion et certains des risques clés relatifs à la croissance ont diminué. Après avoir atteint un niveau extrême, l’inflation a diminué, les tensions touchant le système bancaire local américain se sont atténuées, les actifs à risque se sont redressés et le marché du logement nord-américain a rebondi ce printemps. Le fait que les difficultés les plus critiques se sont intensifiées contrebalance toutefois cette longue liste de points positifs. Le rebond économique qu’a connu la Chine à la fin de l’année dernière s’essouffle, et malgré les tentatives des décideurs politiques pour stimuler la croissance, la deuxième économie mondiale est en difficulté. En outre, dans les pays développés, les taux d’intérêt à court terme ont encore plus augmenté que prévu et se situent maintenant à des niveaux résolument restrictifs qui n’ont pas été observés depuis plus de deux décennies. Le plein effet du resserrement des conditions monétaires se traduit généralement par un ralentissement économique avec un retard important, ce qui signifie qu’il est envisageable que la possibilité de récession commence à peine à poindre. Nous prévoyons donc toujours que la plupart des pays développés connaîtront une récession l’année prochaine, même s’il est probable que celle-ci soit modérée et de courte durée. Nous avons revu la plupart de nos prévisions de croissance du PIB à la hausse pour 2023 et à la baisse pour 2024, car les données économiques ont été meilleures que prévu au cours de l’été et que le début de la récession anticipée a été reporté du troisième au quatrième trimestre de 2023. Nos prévisions de croissance pour 2024 demeurent inférieures à la moyenne.
La tendance de l’inflation demeure favorable
Aux États-Unis, l’inflation des prix à la consommation a atteint un sommet de 9 % au milieu de 2022 et a depuis diminué pour passer à 3 %, car les quatre principaux facteurs qui la faisaient augmenter se sont tous inversés. La flambée des prix des marchandises qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie s’est inversée, la plupart des problèmes de la chaîne d’approvisionnement ont été réglés, la politique monétaire est passée d’un assouplissement extrême à une position restrictive et la politique budgétaire est devenue beaucoup moins stimulante. Bien que l’inflation ait diminué relativement rapidement l’année dernière, il sera plus difficile d’obtenir d’autres améliorations importantes à court terme pour atteindre l’objectif de 2,0 %, car les prix de l’essence ont rebondi ces derniers mois et les effets de base seront moins favorables. Nous demeurons néanmoins optimistes quant aux perspectives d’inflation à moyen terme et nous croyons que, notamment en raison de conditions économiques plus faibles, l’inflation pourrait chuter plus rapidement que ce à quoi l’on s’attend généralement pour atteindre un peu plus de 2,0 % d’ici l’an prochain.
Détour du dollar : de quelle façon les facteurs à court terme ont interrompu le déclin cyclique
La tendance à la baisse du dollar américain demeure inchangée et nous prévoyons toujours que sa valeur sera très faible au cours des prochaines années. Le déclin cyclique à long terme inscrit dans nos perspectives s’est toutefois heurté à certains obstacles à court terme, ce qui a ralenti sa progression par rapport à nos prévisions. Bien que la valeur du dollar se situe à peu près à 7 % en dessous de son pic de septembre 2022, elle est demeurée identique depuis le début de 2023. En 2023, sa chute a été interrompue par l’augmentation des taux d’intérêt américains et le fait que la croissance économique a été décevante à l’étranger. Dans l’ensemble, les devises des marchés émergents se sont néanmoins comportées de façon impressionnante. Certaines d’entre elles ont même réalisé des rendements de plus de 10 % cette année, et l’euro, le dollar canadien et la livre sterling ont aussi surpassé le dollar américain. Nous demeurons optimistes à l’égard de la plupart des devises des marchés émergents et développés au cours des 12 prochains mois, car nous prévoyons un déclin global du dollar américain.
Le cycle de hausse des taux touche à sa fin et des baisses sont prévues l’année prochaine
Les banques centrales sont maintenant parvenues à la fin de leur parcours de resserrement monétaire, ou en approchent. Les banques centrales des marchés émergents ont ouvert la voie en augmentant les taux avant les pays développés durant ce cycle, et certaines d’entre elles ont commencé à réduire les taux. Il n’est pas déraisonnable de penser que les banques centrales des pays développés pourraient faire de même l’année prochaine. Selon notre modèle, le niveau « neutre » pour le taux des fonds fédéraux américains est actuellement de 3,4 %, mais si, conformément à nos prévisions, l’inflation continue de diminuer, il chutera pour atteindre environ 2 % en 12 mois. En tenant compte de nos prévisions de récession, il semble donc peu probable que le taux des fonds fédéraux demeure longtemps à son niveau élevé de 5,5 %. Ce point de vue est conforme aux prix sur le marché à terme, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’une nouvelle hausse de 25 points de base d’ici la fin de l’année, suivie par le début d’un cycle de réduction des taux d’intérêt au début de 2024.
Les obligations d’État offrent un rendement potentiel intéressant avec un risque de valorisation minime
Les rendements des obligations gouvernementales ont atteint leur plus haut niveau depuis le moment précédant immédiatement la crise financière mondiale de 2008-2009, et ont actuellement une valeur attrayante. D’après nos modèles, la douloureuse liquidation des obligations de l’an dernier a dissipé une grande partie du risque de valorisation aigu qui nous inquiétait tant en 2020 et en 2021. Comme les rendements des obligations ont maintenant atteint un point de départ beaucoup plus élevé, que l’économie devrait ralentir et que les tensions inflationnistes pourraient diminuer davantage l’année prochaine, nous croyons que les obligations d’État présentent un risque minime de pertes en capital. Nous prévoyons que le rendement des obligations sera plus faible et donc que leurs cours seront plus élevés. Les titres d’État à revenu fixe sont donc maintenant plus attrayants que depuis de nombreuses années et nous prévoyons que les obligations d’État obtiendront des rendements de 5 % à 10 % l’année prochaine, certaines régions pouvant même obtenir des rendements légèrement supérieurs à 10 %.
Les gains des marchés boursiers proviennent surtout des sociétés américaines à très forte capitalisation boursière du secteur de la technologie
Au cours du dernier trimestre, les actions mondiales ont poursuivi leur progression, jusqu’à présent cette année, leur rendement s’est de plus en plus limité à une poignée de titres. Les « sept magnifiques », c’est-à-dire les plus grandes sociétés cotées en bourse aux États-Unis, ont grandement bénéficié des tendances émergentes en intelligence artificielle (IA), qui ont propulsé les valorisations des actions connexes à des niveaux particulièrement exigeants. Jusqu’à maintenant, cette année, ce groupe, qui représente maintenant plus d’un quart de la capitalisation boursière de l’indice S&P 500, a enregistré des gains considérables de 70 %, ce qui a contribué à près des trois quarts de la hausse de 17 % enregistrée par l’indice S&P 500 au cours de cette période. Les rendements offerts par le reste du marché sont toutefois médiocres par rapport à celui des membres de ce groupe. L’indice S&P 500 équipondéré, qui représente mieux le rendement moyen des actions, n’a augmenté que de 5,8 %. Le rendement du S&P 500 masque donc le fait que l’ampleur des marchés boursiers sous-jacents a été relativement faible, ce qui indique souvent que l’économie est en difficulté ou sur le point de s’affaiblir. Bien que les valorisations des marchés boursiers mondiaux ne soient pas déraisonnables, les bénéfices sont vulnérables à une contraction de l’activité économique, ce qui limite le potentiel de hausse des actions. Dans ce contexte de fin de cycle, nous entrevoyons des rendements de 10 % à 15 % pour les actions et des résultats plutôt inférieurs pour les actions américaines, à cause de leurs valorisations plus élevées et de l’influence des coûteuses sociétés de technologie à mégacapitalisation qui pourraient faiblir en cas de récession.
Composition de l’actif – conserver une répartition neutre
Si nous avons raison de penser que l’économie entrera en récession au cours des 12 prochains mois, les taux d’intérêt, les rendements des obligations et les cours boursiers pourraient tous se rapprocher de sommets à court terme. Bien qu’il existe des voies menant à un résultat positif pour l’économie et les marchés si l’économie atterrit en douceur, nous pensons que dans ce contexte, la récompense liée à une prise de risque importante n’est pas aussi attrayante qu’elle l’aurait été aux premiers stades du cycle. Ce point de vue est également étayé par le fait que la prime offerte sur les actions par rapport aux obligations est à son plus bas niveau depuis près de deux décennies. Par conséquent, nous avons graduellement réduit la surpondération des actions dans notre portefeuille d’actifs au cours des 18 derniers mois, en équilibrant ces risques à court terme avec le potentiel de hausse à long terme de cette catégorie de titres. Nous avons utilisé ces liquidités pour réduire notre sous-pondération antérieure en titres à revenu fixe, car la hausse des taux a augmenté l’attrait des obligations d’État, dont les taux élevés actuels devraient offrir une meilleure protection contre une éventuelle baisse du cours des actions. Au dernier trimestre, nous avons terminé le processus de fermeture complète de nos expositions au risque tactiques. Ce trimestre, nous conservons une position neutre par rapport à nos pondérations de référence. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 60 % en actions (position neutre stratégique : 60 %), 38 % en titres à revenu fixe (position neutre stratégique : 38 %) et le reste en liquidités. La répartition de l’actif des fonds ou des portefeuilles de clients peut différer en fonction des politiques de placement individuelles.
Composition d’actifs recommandée
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