Dagmara Fijalkowski, cheffe, Titres mondiaux à revenu fixe et devises, parle de ses prévisions pour les taux obligataires et les marchés des titres à revenu fixe pour 2024. En plus, Dan Mitchell, premier gestionnaire de portefeuille, analyse les perspectives actuelles pour le dollar américain et d’autres devises mondiales pour 2024.
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Transcription
Quelles sont vos perspectives concernant les marchés des titres à revenu fixe pour 2024 ?
Les rendements en revenu ayant augmenté au cours du dernier trimestre, on me demande souvent s’il est temps d’investir dans les obligations. Pour répondre à cette question, il suffit d’examiner la valorisation et de se demander si l’on reçoit une prime pour le risque pris. Le cadre d’évaluation des obligations du Trésor américain à dix ans, qui constituent la pierre angulaire de la fixation des cours sur les marchés de capitaux, est relativement simple.
Les rendements en revenu devraient rémunérer les investisseurs en fonction des taux réels, des anticipations inflationnistes et de la prime de terme. Entre juillet et octobre, les rendements en revenu des obligations du Trésor à dix ans ont bondi de plus de 100 points de base. Nous croyons que les principaux catalyseurs ont été la prime de terme et les taux réels. Les taux réels ont monté en réaction à une croissance beaucoup plus forte au troisième trimestre qu’au premier semestre de l’année,
et à la résilience de l’économie à des hausses de taux de 525 points de base. Il y a eu beaucoup de rumeurs sur la possibilité d’une hausse du taux d’intérêt naturel par rapport aux estimations historiques d’environ 0,5 %. Les estimations à long terme se situent entre 0,5 % et 1 %. L’augmentation de la prime de terme reflète la détérioration de la situation budgétaire aux États-Unis, ce qui est d’autant plus inquiétant, car le déficit budgétaire estimé pour 2023 est deux fois plus important que celui de 2022, et ce, sans qu’une récession ait eu lieu.
Les investisseurs s’attendent donc à un accroissement de l’émission de titres de créance. L’autre facteur qui explique l’augmentation de la prime de terme est le recul de la demande de titres du Trésor américain de la part des étrangers. Cette diminution est due au fait que les taux locaux offerts aux étrangers en Europe et au Japon ont été relevés et qu’ils sont, sur le plan relatif, légèrement plus intéressants que par le passé. Les Chinois sont intervenus sur le marché des changes (2:17) en vendant leurs titres du Trésor américain.
Bien entendu, tous les détenteurs de réserves de change ont pris note du gel des réserves russes après l’invasion de l’Ukraine. Autrement dit, l’utilité marginale des réserves a chuté pour les détenteurs, qui ont vendu des obligations du Trésor américain. Ainsi, en raison du retrait des étrangers, l’acheteur marginal des titres de créance est désormais un investisseur privé, et il exige des rendements en revenu supérieurs pour compenser le risque.
On peut dire que les justiciers du marché obligataire sont de retour. Si nous additionnons une estimation de la croissance réelle du taux d’intérêt naturel de 0,5 %, une compensation de l’inflation de 2 % et des primes de terme de 0,5 %, la juste valeur des obligations du Trésor américain à dix ans est de 3 %. Disons 3 % ou 3,5 %. À la fin d’octobre, les rendements en revenu ont atteint 5 %, ce qui a attiré une foule d’acheteurs (2:25).
Les obligations ont connu une reprise éclatante en novembre. La croissance a quelque peu ralenti, il n’y a pas eu d’autres surprises budgétaires négatives et l’inflation a baissé. À l’approche de la fin de l’année, nous prévoyons pour 2024 un ralentissement de la croissance, davantage de contraintes relatives aux dépenses budgétaires et une chute des tensions inflationnistes. Tous ces facteurs devraient faire baisser les taux obligataires.
Quelles sont vos perspectives concernant le dollar US pour 2024 ?
Nos perspectives pour le dollar américain sont négatives depuis un certain temps. La monnaie a certes reculé d’environ 8 % depuis les sommets pondérés en fonction des échanges de l’année dernière, mais pas autant que nous l’avions prévu. La raison en est principalement que les taux d’intérêt aux États-Unis ont augmenté davantage que dans d’autres régions, et que les taux supérieurs soutiennent en quelque sorte le billet vert.
Cependant, à l’approche de 2024, nous constatons des problèmes croissants pour le dollar américain. Les États-Unis risquent davantage de connaître une récession l’année prochaine, les baisses de la Réserve fédérale devraient réduire le soutien apporté par les taux obligataires et les marchés se concentrent de plus en plus sur les déficits budgétaires insoutenables. Nous avons déjà vu certaines des principales devises des marchés développés reprendre pied. Par exemple, l’euro, le yen et le renminbi ont tous progressé de 3 % en novembre.
La vigueur récente de l’or, de l’argent et des cryptomonnaies est aussi en quelque sorte un argument en faveur de la thèse d’un changement d’humeur défavorable au dollar américain. Toutefois, avant qu’une baisse significative du billet vert se concrétise, il faut vraiment que les investisseurs constatent une amélioration des perspectives économiques dans le reste du monde. C’est ce qui permettra de détourner les capitaux des États-Unis et d’affaiblir la monnaie.
Jusqu’à présent, cette situation ne s’est pas produite, mais nous pensons que les marchés sont peut-être trop pessimistes à l’égard de l’Europe et de la Chine, et nous nous attendons à ce que l’économie de ces régions s’améliore en 2024. Dans l’ensemble, à notre avis, le dollar américain devrait se déprécier d’environ 10 % l’année prochaine, les principales devises des marchés développés en profiteraient le plus et les monnaies des marchés émergents les suivraient une fois que la liquidation du dollar américain aurait pris de l’ampleur.
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