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Accepter Déclin
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Par  Eric Lascelles 17 décembre 2021

Dans cette vidéo, Eric Lascelles, économiste en chef, analyse le lien entre les problèmes de la chaîne logistique et les dépenses de consommation, et donne un aperçu de l’évolution de la situation durant l’année prochaine. Il présente également ses réflexions sur le cycle économique en cours, le marché canadien du logement et les perspectives des taux d’intérêt.

Durée : 8 minutes 02 secondes |

Transcription

Les problèmes de la chaîne logistique persisteront-ils en 2022 ?

D’importants problèmes entravent encore la chaîne logistique dans le monde. Certes, l’offre a joué un rôle : les vagues de la pandémie ont perturbé les usines, les coupures d’électricité ont posé problème et les usines chinoises ont souffert d’une pénurie de travailleurs migrants. Toutefois, c’est avant tout la forte demande qui est en cause.

Les achats ont explosé, notamment du côté des biens, mais le type de biens achetés a également changé, en faveur, par exemple, des appareils électroniques. C’est assez incroyable. Les expéditions de produits de la Chine vers l’Amérique du Nord ont grimpé de 27 % et montrent bien que la demande est le facteur prédominant.

Peu importe les causes, la situation a entraîné des pénuries. L’offre est insuffisante et les chaînes logistiques ne sont pas préparées à faire face à ce genre de problèmes. Elles ont peu de capacités excédentaires et peuvent difficilement rattraper les retards. Leur redondance est limitée. Par conséquent, quand une usine ferme, c’est fini pour le produit en question.

Cela a beaucoup freiné l’activité économique, en plus de provoquer une hausse des coûts, parfois substantielle comme pour les voitures neuves ou d’occasion.

Nous pensons que les problèmes de la chaîne logistique approchent de leur point culminant. Comme c’est à Noël et au Nouvel An chinois que la demande est la plus forte, en théorie, les conditions devraient commencer à s’assouplir après ces fêtes. En fait, les dépenses de consommation se tassent généralement au premier trimestre de l’année et les chaînes logistiques peuvent alors reprendre leur souffle ou rattraper un peu leur retard.

De façon empirique, nous constatons aussi quelques petits signes d’amélioration. Par exemple, les coûts d’expédition des marchandises à l’échelle mondiale ont légèrement diminué. L’inquiétude des fabricants s’est un peu dissipée. Toutefois, les problèmes ne sont pas tous résolus. Nous prévoyons que certains d’entre eux persisteront en 2022. Ainsi, la demande structurelle de puces électroniques restera élevée et devra être prise en compte pendant encore un certain temps. Les problèmes de la chaîne logistique devraient cependant commencer à se résorber et devenir beaucoup moins prononcés d’ici la fin de l’année.


À quel stade le cycle économique actuel se trouve-t-il et combien de temps durera-t-il ?

Notre feuille de pointage du cycle économique indique que nous sommes passés du stade initial au milieu du cycle. Or, le milieu du cycle est une période favorable caractérisée par une croissance économique solide. Selon toute vraisemblance, la fin du cycle économique ne surviendra pas avant quelques années. Les conditions sont donc bonnes. Par contre, ce cycle a évolué à une vitesse vertigineuse : nous sommes passés en très peu de temps de la récession au début du cycle, puis au stade initial et, maintenant, au milieu du cycle.

Cela s’explique par le fait que ce sont des contraintes artificielles, imposées par les gouvernements, qui ont plongé l’économie en récession. La plupart de ces restrictions ont été levées. L’économie a rebondi avec une rapidité que nous ne verrions pas lors d’une récession naturelle. Néanmoins, le cycle actuel pourrait se révéler plus court et plus rapide que d’habitude.

À notre avis, la phase d’expansion pourrait durer environ cinq ans seulement, au lieu de dix. Pour le moment, il est inutile de s’en préoccuper, car une phase d’expansion de cinq ans nous mènerait encore jusqu’en 2024 ou 2025. Néanmoins, comparativement aux phases d’expansion de dix ans observées durant les derniers cycles, celle-ci serait assez courte et il faudra commencer à y réfléchir au cours des prochaines années.

Comme je l’ai dit, la croissance économique a tendance à être robuste à ce stade. En aucun cas, le risque de récession ne s’envole soudainement pour la seule raison que nous nous trouvons dans cette phase du cycle. Du point de vue des marchés financiers, les actifs à risque comme les actions génèrent habituellement encore des rendements positifs à ce stade.

Le début de cycle est généralement plus propice au marché boursier. Les rendements sont souvent les meilleurs au tout début de la phase d’expansion et restent encore intéressants durant le stade initial. En milieu de cycle, nous pouvons nous attendre à des rendements plus modérés, mais toujours positifs, et même au stade avancé, ils sont normalement modestes, mais positifs.


Qu’entrevoyez-vous relativement aux dépenses de consommation pour l’année à venir ?

L’année 2022 s’annonce prometteuse pour la consommation dans les pays développés, et ce, pour plusieurs raisons. L’emploi a fortement progressé au cours de la dernière année et nous pensons que cette vague d’embauche pourrait se prolonger. C’est bon signe, étant donné que le fait d’avoir un emploi constitue le principal moteur des dépenses.

D’autres facteurs influent favorablement et fortement sur les dépenses. Ainsi, dans la plupart des pays développés, les ménages ont accumulé une épargne colossale ces dernières années. Cette épargne excédentaire se chiffre en milliers de milliards de dollars aux États-Unis et en centaines de milliards au Canada. Elle est en grande partie détenue dans des comptes chèques et des comptes d’épargne, et théoriquement prête à être dépensée.

Par ailleurs, vu que les taux d’intérêt sont très bas, les ratios d’obligations financières et les coûts du service de la dette sont également faibles à l’heure actuelle, ce qui devrait aussi favoriser les dépenses. Quand les problèmes de la chaîne logistique commenceront à disparaître, les consommateurs devraient logiquement dépenser à la hauteur de la demande. En conclusion, nous attendons des dépenses de consommation élevées.

Par contre, il y a quelques risques : en particulier, si cette nouvelle vague de COVID-19 gagnait en importance, les dépenses pourraient ralentir pendant un certain temps et être repoussées au second semestre de l’année.

La confiance des consommateurs a un peu baissé récemment, probablement à cause de la forte inflation, mais cela pourrait légèrement freiner les dépenses. Et n’oublions pas que les gouvernements mettent fin à leur soutien, que les banques centrales songent à relever leurs taux et que la relance budgétaire sera moins généreuse.

Nous ne sommes donc pas convaincus que les consommateurs dépenseront tout leur surplus d’épargne ni même qu’ils dépenseront les sommes auxquelles nous pourrions nous attendre compte tenu des milliers de milliards de dollars dont les ménages disposent à l’échelle mondiale. Néanmoins, les conditions devraient favoriser les dépenses de consommation.


Les taux d’intérêt monteront-ils en 2022 ?

Le marché obligataire a été extrêmement volatil. Les taux se sont envolés à la fin de l’été et au début de l’automne dernier, lorsque les banques centrales ont raffermi leur position. Elles ont durci le ton notamment parce que l’accélération de l’inflation les a forcées à repenser leurs politiques. Plus récemment, les taux obligataires se sont repliés. Ce recul s’explique largement par les craintes suscitées par la COVID-19 et le fait que si cette vague était particulièrement grave, l’économie pourrait se trouver dans une mauvaise passe.

Nous croyions que la précédente hausse des taux était exagérée. Nous pensons que le récent repli l’est tout autant. Pendant les deux épisodes, nous avons adopté une position plus modérée. En ce qui concerne l’année à venir, nous nous attendons à ce que les taux augmentent, mais de manière progressive et plutôt modestement, et à ce que le taux des obligations américaines et canadiennes à 10 ans s’établisse autour de 1,75 %, ou monte jusqu’à 2 %.

N’oublions pas que le niveau dit « neutre » des taux d’intérêt neutres est beaucoup plus bas qu’avant la pandémie et qu’avant la crise financière mondiale. Par conséquent, les taux n’atteindront pas 4 % ou 5 %, mais compte tenu de leur niveau actuel, ils resteront inférieurs à 3 %.

Maintenant, venons-en aux banques centrales. Elles envisagent encore de relever leurs taux. Elles n’ont assurément pas laissé cette idée de côté. Elles réduisent actuellement leurs achats d’obligations, qui devraient cesser pour de bon d’ici le milieu de l’année prochaine. Et puis elles songent à relever les taux. Au vu de la situation actuelle, il nous semble plus probable que cela se produira au cours du second semestre 2022, plutôt qu’au premier semestre.

Nous soupçonnons le marché de surestimer le resserrement à venir, d’autant plus que le nouveau variant de COVID-19 pourrait nuire à la croissance. Ainsi, il anticipe environ trois hausses de taux aux États-Unis en 2022. D’après nous, il y en aura un peu moins. Le marché en prévoit aussi près de cinq au Canada. Nous pensons également qu’il y en aura un peu moins. Il faut donc s’attendre à un certain resserrement. Les conditions seront moins avantageuses pour les emprunteurs, mais les hausses devraient se faire progressivement.


Quelles sont vos perspectives pour le marché canadien du logement ?

Le marché canadien du logement a connu une évolution remarquable au cours de la pandémie, affichant une forte effervescence pendant la première année en raison des taux d’intérêt très bas et aussi, peut-être, du fait que les gens ont réévalué leur milieu de vie. Plus récemment, nous avons encore assisté à un mini boom. Comme les taux d’intérêt ont augmenté, les gens se sont précipités pour profiter des taux hypothécaires plus avantageux qu’ils avaient déjà négociés.

Cela ne nous surprend pas. En fait, nous prévoyons que le marché du logement se calmera un peu l’année prochaine et par la suite. Plusieurs facteurs confortent cette opinion. Premièrement, il est réaliste de penser que les taux hypothécaires monteront l’année prochaine, puisque les banques centrales commenceront à resserrer leurs politiques et que les taux obligataires augmenteront. C’est probablement l’élément le plus important, car les faibles taux ont sans doute été le principal moteur du boom immobilier de ces dernières années.

À l’heure actuelle, l’accessibilité est passable aux États-Unis et médiocre au Canada ; elle représente donc un frein de plus et dicte jusqu’où le logement peut aller. Mais je dois souligner que nous n’envisageons pas un éclatement de la bulle. Nous ne pensons pas que les prix des maisons retomberont à leur niveau d’il y a deux ans ni qu’ils dégringoleront. À notre avis, le marché du logement se calmera un peu. De plus, nous ne voyons pas de difficultés financières susceptibles de déclencher une véritable correction dans le secteur du logement.

N’oublions pas que depuis une dizaine d’années ou plus, les gouvernements ont resserré les règles d’admissibilité aux hypothèques, notamment aux prêts hypothécaires assurés. Ainsi, toute personne qui a une hypothèque à ratio élevé a déjà été soumise à un test de résistance fondé sur un taux hypothécaire supérieur de plusieurs points de pourcentage à celui qu’ils ont obtenu. Ces personnes devraient donc s’en sortir.

De même, parmi les personnes qui sont propriétaires depuis un certain temps, beaucoup renouvelleront leur prêt hypothécaire à un taux inférieur à celui qu’elles avaient obtenu il y a environ cinq ans. Par conséquent, la situation ne nous inquiète pas outre mesure.

En outre, l’immigration repart au Canada. Le facteur qui influe le plus sur la demande de logements est peut-être le nombre d’habitants. À cet égard, le Canada se prépare à accueillir 50 % d’immigrants en plus par rapport au niveau habituel. Nous croyons donc que le marché du logement ralentira au cours des deux prochaines années, mais sans qu’il y ait de correction ou de renversement de tendance.



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Date de publication : (3 dècembre 2021)