~Avec des contributions de Vivien Lee, Aaron Ma et Sheena Khan
Webémission de décembre sur l’économie
Notre plus récente webémission mensuelle sur l’économie, celle du mois de décembre, est maintenant disponible : Amélioration des perspectives de croissance.
Données économiques obtenues au compte-gouttes
Les employés du gouvernement américain sont de retour au travail, et les organismes statistiques compilent maintenant les données économiques qui avaient été retardées en raison de la paralysie du gouvernement américain. Il s’agit toutefois d’un processus désespérément lent. Mis à part un rapport sur l’emploi qui était pratiquement prêt à être publié avant la paralysie, bon nombre d’indicateurs clés ne seront publiés que dans la seconde moitié de décembre, et certains ne le seront carrément pas.
Les données sur l’emploi de septembre ont été mitigées. Le nombre des nouveaux emplois salariés – 119 000, soit le gain le plus important en cinq mois (voir le graphique) – dépassait largement les attentes et le niveau de croissance nécessaire pour maintenir le taux de chômage à un niveau stable. Toutefois, d’autres indicateurs plus opportuns donnent à penser qu’une partie de ces gains a depuis été effacée. Selon le nouveau rapport hebdomadaire d’ADP sur l’emploi, l’économie a perdu 54 000 postes dans le secteur privé au cours de la période de quatre semaines terminée le 7 novembre.
La croissance de l’emploi aux États-Unis ralentit dans l’ensemble
En date de septembre 2025. Sources : Bureau of Labor Statistics (BLS) des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Malgré le solide gain d’emplois en septembre, le taux de chômage a grimpé à un sommet cyclique de 4,4 %, étant donné que le nombre d’Américains en quête d’emploi a augmenté. Nous avons mentionné que le faible taux de roulement sur le marché du travail – compte tenu d’une combinaison inhabituelle de faibles taux d’embauche et de licenciement – a rendu les conditions particulièrement difficiles pour les nouveaux arrivants. Près des deux tiers de l’augmentation nette du taux de chômage depuis le début de l’année sont attribuables aux nouveaux arrivants et aux personnes qui réintègrent le marché du travail (voir le graphique suivant).
Les nouveaux arrivants et les personnes qui réintègrent le marché du travail représentent les deux tiers de l’augmentation du taux de chômage depuis le début de l’année
En date de septembre 2025. Sources : BLS, RBC GMA
Le rapport sur l’emploi de septembre est quelque peu dépassé, mais il contient les seules données officielles sur l’emploi que la Fed obtiendra avant sa décision sur les taux, le 10 décembre. Les chiffres d’octobre sur l’emploi seront combinés à ceux de novembre et publiés le 16 décembre. L’enquête auprès des ménages de novembre, qui sert à estimer le taux de chômage, sera aussi publiée à ce moment-là. En revanche, la publication des résultats d’octobre a été annulée, étant donné que les données ne peuvent être obtenues rétroactivement.
Ce rapport aurait fait ressortir une hausse du taux de chômage, puisque les employés de l’État en chômage technique sont considérés comme chômeurs, mais le rapport de novembre ne devrait pas être affecté, étant donné que ces travailleurs ont réintégré leur poste au cours de la semaine visée par l’enquête. Les employés en chômage technique seront considérés comme occupant un emploi dans l’enquête sur la main-d’œuvre d’octobre.
La publication de l’indice des prix à la consommation (IPC) d’octobre a aussi été annulée. Le Bureau of Labor Statistics (BLS) américain a rappelé les travailleurs en chômage technique afin de compiler les données de septembre sur l’inflation, nécessaires pour l’indexation des prestations de sécurité sociale. Or, il ne l’a pas fait pour les données d’octobre, et les responsables de la collecte de données ne peuvent effectuer un suivi rétroactif de nombreux prix. La publication des données sur l’IPC de novembre a été reportée au 18 décembre, et nous devrons simplement interpoler les hausses pour octobre (le BLS indique que certaines données sur les prix d’octobre seront publiées en même temps que l’IPC de novembre).
Les données sur le produit intérieur brut (PIB) du troisième trimestre ne seront pas publiées avant le 23 décembre. Les dernières prévisions de la Fed d’Atlanta laissent entrevoir une hausse annualisée de 3,9 %, mais ce chiffre est fondé sur des renseignements incomplets et pourrait faire l’objet d’une révision à mesure que de nouvelles sources de données sur le PIB deviendront disponibles.
Somme toute, la Réserve fédérale n’a pas beaucoup de données à se mettre sous la dent avant sa réunion de décembre. Son président, Jerome Powell, a indiqué que cette situation pourrait inciter le comité à faire preuve de prudence quant à ses prochaines interventions, comparant l’approche de la Fed à celle d’un conducteur qui ralentit lorsqu’il y a du brouillard. La nouvelle de retards dans la publication des données a amené le marché à terme à exclure une baisse des taux en décembre.
Par la suite, les commentaires conciliants du vice-président du Comité fédéral de l’open market (FOMC), interprétés comme une tentative des dirigeants de la Fed d’orienter le marché, ont relancé les anticipations d’une baisse des taux. En l’absence de données officielles, d’autres indicateurs signalant un ralentissement du marché du travail pourraient servir à justifier une autre « baisse fondée sur la gestion du risque » en décembre.
Nous avons globalement l’impression que l’économie américaine a probablement ralenti dans une certaine mesure ces derniers mois. Cela dit, certains membres votants pourraient s’opposer à une telle baisse, et M. Powell pourrait adopter un ton ferme lors de sa conférence de presse pour apaiser ceux qui auraient préféré le statu quo.
- JN
La direction des entreprises prend moins en compte les droits de douane
Étant donné que plus de 90 % des sociétés du S&P 500 ont publié leurs résultats pour le troisième trimestre, il est temps de revenir sur les principaux sujets abordés lors des téléconférences sur les bénéfices et sur les progrès des discussions avec les équipes de direction. Le graphique ci-dessous montre l’évolution des mentions de divers mots-clés d’un trimestre et d’une année sur l’autre.
Au 20 novembre 2025. Données partielles pour le dernier trimestre. Trimestres au prorata par nombre de téléconférences sur les bénéfices. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Rappelons que, depuis la publication des résultats du deuxième trimestre, les directions d’entreprise ont commencé à tourner la page sur les droits de douane qui avaient dominé le premier trimestre. Cette tendance s’est poursuivie au troisième trimestre et les droits de douane ont connu la plus forte baisse de mentions d’un trimestre sur l’autre. Le sujet a toutefois enregistré la plus forte hausse des mentions par rapport à l’an dernier.
Cette situation reflète l’incertitude entourant la politique commerciale (voir le graphique suivant), qui a culminé en avril et qui s’est établie à son niveau le plus bas depuis les élections de l’an dernier, tout en demeurant historiquement élevée.
Les mentions de « droits de douane » diminuent parallèlement à l’incertitude entourant la politique commerciale
Au 23 novembre 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Le troisième trimestre a également été marqué par une baisse notable des mentions de marges, qui sont revenues au niveau d’avant le bond observé au deuxième trimestre. Les entreprises nationales ont absorbé une part surprenante des coûts liés aux droits de douane jusqu’à présent – jusqu’à la moitié selon certaines estimations – et les marges ont été sous pression au deuxième trimestre, en particulier dans les secteurs de la consommation discrétionnaire et des matières. Toutefois, cette compression des marges semble avoir diminué au troisième trimestre (voir le graphique suivant), ce qui est conforme à la diminution des discussions à leur sujet lors des téléconférences sur les bénéfices.
Les pressions sur les marges ont généralement diminué au troisième trimestre
Au 24 novembre 2025. Sources : Bloomberg, RBC GMA
D’autres tendances ressortent :
On parle davantage de remboursement de capital aux actionnaires, et on mentionne l’augmentation des dividendes et des rachats.
Les mentions des dépenses en immobilisations ont aussi augmenté, sans doute dans la foulée des mesures d’amortissement accéléré comprises dans le projet de loi One Big Big Bill Act (OBBBA) adopté au début du trimestre.
Les mentions relatives à l’IA n’ont guère changé par rapport au trimestre précédent et sont toujours en hausse significative par rapport à l’an dernier ; à cet égard, l’IA se classe juste derrière les droits de douane.
Les cryptomonnaies sont moins souvent citées, mais les mentions sont demeurées élevées par rapport à l’an dernier.
Les mentions de facteurs négatifs ont légèrement augmenté par rapport aux facteurs favorables, et le ralentissement économique et la suppression d’emplois ont été un peu plus soulignés au troisième trimestre.
Dans l’ensemble, moins de références aux droits de douane et aux marges (et une compression moindre des marges annoncée au troisième trimestre) laisse croire qu’un important facteur négatif commence à s’atténuer pour les sociétés américaines. Pourtant, les coûts liés aux droits de douane continuent d’augmenter : les recettes publiques tirées des droits de douane en octobre ont augmenté de 11 % par rapport à la moyenne du troisième trimestre.
Quelqu’un doit payer la note, et nous avons signalé que le risque d’une répercussion sur les consommateurs s’accroît avec le temps, à mesure que les entreprises s’adaptent à des droits de douane plus élevés. C’est bon pour les entreprises, mais mauvais pour les ménages. Nous pensons qu’une hausse des prix à la consommation liée aux droits de douane et des dommages économiques modestes sont encore à prévoir dans les prochains mois.
- JN
Analyse des facteurs favorables à l’économie en 2026
La nouvelle année approche à grands pas et, sur le plan économique, une année 2025 décevante tire à sa fin. En 2026, nous entrevoyons une année de croissance un peu plus rapide du PIB, en raison de l’effet combiné de nouveaux facteurs favorables (voir le graphique suivant) et de l’atténuation de quelques facteurs négatifs.
Facteurs favorables à la croissance pour 2026
Nota : Au 1er décembre 2025. Source : RBC GMA
Politique monétaire
Les banques centrales des pays développés ont globalement réduit leurs taux au cours des deux dernières années. Les banques centrales nord-américaines (et la Banque d’Angleterre) ont repris leurs cycles d’assouplissement cet automne et devraient décréter d’autres baisses de taux en 2026. En gros, une baisse de 100 points de base (pb) des taux augmentera d’un point de pourcentage la production économique annuelle d’ici quelques années et de 0,5 % à court terme.
Politique budgétaire
La loi américaine One Big Beautiful Bill Act a stimulé la croissance économique en 2025, mais ses répercussions positives devraient davantage se faire sentir en 2026. D’importants remboursements d’impôts seront notamment versés entre février et avril, ce qui stimulera la croissance. Il est important de ne pas en surestimer l’incidence, puisqu’une bonne partie de l’effet positif présumé ne serait que l’évitement des répercussions économiques négatives qui auraient découlé de l’expiration des dispositions fiscales. Cependant, elle contribue aussi réellement à la croissance. Par conséquent, nous estimons que la croissance du PIB des États-Unis pourrait s’accélérer de 0,5 % en 2026.
Ce scénario comporte un risque de hausse, compte tenu des récentes réflexions de la Maison-Blanche concernant le versement de chèques d’aide de 2 000 $ aux Américains.
Hors États-Unis, le Canada vient d’annoncer un budget fédéral passablement stimulant, l’Allemagne entreprend actuellement sa propre expansion budgétaire et la nouvelle première ministre du Japon est aussi encline à relancer l’économie. Certes, le Royaume-Uni et la France s’orientent davantage vers des mesures d’austérité, mais ils ont dû revoir à la baisse leurs ambitions devant le mécontentement public.
Effet de richesse des marchés boursiers
Le marché boursier américain enregistre des gains extraordinaires depuis plusieurs années, et les marchés internationaux lui ont emboîté le pas au cours de la dernière année. Par conséquent, les investisseurs boursiers ont accumulé beaucoup de richesse supplémentaire.
Seule une infime partie de cette richesse marginale est normalement convertie en dépenses à court terme, mais un gain relativement négligeable de 3 % sur des milliers de milliards de dollars constitue une somme considérable. D’après une simple analyse, le PIB des États-Unis pourrait croître de 0,75 % plus rapidement qu’autrement prévu à court terme.
Baisse des prix du pétrole
Les prix du pétrole ont continué de baisser au cours de la dernière année et se situent maintenant à des niveaux assez bas par rapport aux normes récentes. Cette diminution permet de freiner l’inflation mondiale et, par conséquent, d’augmenter le pouvoir d’achat – ce qui stimule l’économie.
Faiblesse du dollar américain
La faiblesse du dollar américain n’aide pas les autres pays, mais elle aide les États-Unis qui profitent d’une compétitivité accrue. Depuis le début de l’année, la devise s’est dépréciée d’environ 8 % après pondération en fonction des échanges commerciaux. Cela gonfle peut-être l’essor économique, puisque la devise était anormalement forte au début de l’année, mais on peut à tout le moins observer qu’en regard d’un scénario contrefactuel dans lequel le dollar serait resté aussi fort en 2025, l’économie devrait théoriquement avoir progressé de 0,25 % à 0,75 % de plus d’ici la fin de 2026.
Coup de pouce de l’IA
L’intelligence artificielle donne aussi un coup de pouce théorique, en contribuant à la croissance du PIB à hauteur de 0,25 % environ en 2026, en raison de la hausse des dépenses en immobilisations qu’elle attire, ainsi que des gains de productivité qu’elle permet de générer, mais dont l’apport est incertain. Les grandes sociétés de technologie semblent convaincues qu’elles peuvent augmenter leur production sans augmenter leur effectif (voire, dans bien des cas, en le réduisant), ce qui laisse croire que ces gains de productivité sont imminents.
Autres considérations
Les États-Unis et le Canada pourraient aussi bénéficier de légères retombées générées par le tourisme lié à la Coupe du monde ; les États-Unis pourraient profiter de celles découlant des célébrations de son 250e anniversaire.
Parallèlement, certains vents contraires qui ont dominé les manchettes en 2025 s’estompent. La paralysie du gouvernement américain est maintenant terminée (bien qu’une autre risque de survenir le 1er février). En outre, les dommages causés par les droits de douane sont de plus en plus absorbés, de sorte qu’ils devraient moins freiner la croissance en 2026.
Cela dit, l’incertitude politique demeure, les ménages à faible revenu éprouvent des difficultés et la croissance démographique devrait rester négligeable en Amérique du Nord. Le tableau n’est donc pas parfait. Cependant, les chances que la croissance soit plus forte en 2026 qu’en 2025 sont bonnes.
La force relative de chaque facteur positif varie d’un pays à l’autre. Dans l’ensemble, toutefois, une grande partie du monde développé devrait avoir le vent en poupe :
Par conséquent, nous prévoyons une accélération de la croissance en 2026.
Nous maintenons des prévisions de PIB supérieures à la moyenne pour les États-Unis, la zone euro et le Japon.
La croissance du PIB des États-Unis devrait se raffermir, pour passer de 1,7 % au quatrième trimestre de 2025 à 2,3 % au quatrième trimestre de 2026.
La croissance devrait monter de 0,3 % à 1,7 % au Canada, de 1,1 % à 1,6 % dans la zone euro et de 0,6 % à 0,9 % au Japon.
Le Royaume-Uni fait exception ; on prévoit un taux de croissance stable de 1,2 % pour les deux années.
– EL
Cycles de réduction des taux sans récession
On s’attend à ce que la Réserve fédérale américaine (Fed) décrète une troisième baisse consécutive des taux de 25 points de base (pb) en décembre. Cela porterait à 175 pb l’ampleur totale des baisses pour le cycle actuel, qui a été amorcé en septembre 2024. La Fed n’a pas aussi fortement réduit les taux en 40 ans, à l’exception des périodes de récession. Et trente ans se sont écoulés depuis le dernier cycle d’assouplissement avec un atterrissage en douceur.
Les cycles de réduction des taux sans récession sont rares. Il n’y en a eu que six au cours des 70 dernières années (et seulement une poignée d’entre eux peuvent vraiment être qualifiés d’atterrissages en douceur, à notre avis) contre dix cycles d’assouplissement avec récession (voir le graphique suivant).
Les cycles d’assouplissement sans récession sont relativement rares
Au 27 novembre 2025. Taux effectif des fonds fédéraux avant 1971. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Nous nous attendons à ce que le cycle actuel s’accompagne aussi d’un atterrissage en douceur. L’économie américaine s’est montrée étonnamment résistante aux droits de douane. De plus, la probabilité prévue d’une récession durant la prochaine année est passée de 40 % il y a six mois à 30 %.
Selon nos estimations subjectives, la probabilité d’un repli au cours de la prochaine année est légèrement plus faible et, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, nous entrevoyons un certain nombre de facteurs favorables à un raffermissement de la croissance en 2026. Il est donc utile de revenir sur les précédents épisodes sans récession pour trouver des indices – et des mises en garde – sur l’évolution possible du cycle actuel.
1966-1967 : Le risque d’une baisse de taux trop hâtive
La Fed a réduit son taux directeur de 200 pb à la fin de 1966 et au début de 1967 pour remédier au resserrement du crédit provoqué par un durcissement et des modifications de la réglementation bancaire survenus. Le recul de l’inflation globale a contribué à justifier le renversement des hausses de taux, mais l’inflation de base est restée tenace malgré la stimulation budgétaire. À la fin de 1967, la Fed a recommencé à relever les taux. L’inflation a toutefois continué de grimper jusqu’à ce qu’un resserrement des politiques budgétaire et monétaire provoque la récession de 1969-1970.
1971 : Inflation rigide et pressions politiques
À la suite de la récession de 1969-1970, la Fed a dû composer avec une situation épineuse combinant une inflation rigide et un taux de chômage encore élevé. Elle a relevé son taux directeur de 200 pb au cours du premier semestre de 1971, mais l’a abaissé d’autant durant le reste de l’année, en raison des pressions politiques intenses exercées par le gouvernement Nixon (comme discuté dans un précédent numéro de #MacroMémo).
L’économie a repris de la vigueur et la Fed a fait volte-face une fois de plus en augmentant les taux en 1972, mais le taux de chômage a continué de chuter. Le retrait du contrôle des salaires et des prix conjugué à la hausse des prix du pétrole a aggravé l’inflation, qui a fini par dépasser 10 %. Le taux directeur de la Fed a fait de même et une récession a suivi en 1973-1975.
1984-1986 : Une crédibilité durement gagnée qui porte ses fruits
La forte reprise qui a suivi les récessions successives du début des années 1980 a nécessité une autre période de taux directeurs supérieurs à 10 %. Un ralentissement du secteur manufacturier s’est ensuivi, mais l’économie a évité une récession. La Fed a été en mesure de réduire les taux de moitié environ (bien qu’ils soient restés élevés, à 6 %) entre 1984 et 1986, tandis que l’inflation et le chômage se sont stabilisés. La crédibilité que la banque centrale venait d’acquérir en luttant contre l’inflation, l’endettement limité à la veille du cycle de baisse des taux et la remontée de la productivité ont contribué à maintenir l’atterrissage en douceur.
1995-1996 : Ajustements en vue d’un atterrissage en douceur
Au début de 1995, la Fed a porté son taux directeur à 6 %, contre 3 % un an plus tôt, afin d’éviter une surchauffe de l’économie. L’inflation a ainsi pu être maîtrisée, mais la croissance a ralenti et le taux de chômage a commencé à grimper. La Fed a recalibré sa politique monétaire en abaissant les taux de 75 pb entre 1995 et 1996. Cet assouplissement, conjugué aux gains de productivité générés par la technologie, a contribué à relancer l’économie. L’inflation est restée contenue, en partie grâce au raffermissement du dollar américain et à la consolidation budgétaire.
1998 : Baisses de taux préventives dans un contexte de boom économique
L’essor de la productivité a continué à stimuler l’économie américaine au cours de la deuxième moitié des années 1990, tandis que la vigueur du dollar américain et la baisse des prix du pétrole ont ramené l’inflation à son plus bas niveau depuis plusieurs décennies. Cette situation a permis à la Réserve fédérale d’abaisser de façon préventive ses taux de 75 pb au second semestre de 1998 afin de se prémunir contre une série de crises financières à l’étranger (Asie en 1997 et Russie en 1998) et faire face à l’effondrement de Long-term Capital Management aux États-Unis.
La Fed est revenue à une politique de resserrement moins d’un an plus tard et a relevé ses taux de 175 pb jusqu’au milieu de l’an 2000. Toutefois, c’est à cette période que la bulle technologique a atteint son point culminant et son éclatement a entraîné la récession de 2001.
2019 : Ajustement de milieu de cycle bouleversé par la COVID
En 2019, la Fed a de nouveau diminué ses taux de 75 pb, à titre d’ajustement de milieu de cycle, dans un contexte d’inflation faible, de ralentissement de la croissance mondiale et de déclin de l’activité manufacturière au pays, une situation accentuée par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Le taux de chômage demeurait à son niveau le plus bas depuis plusieurs décennies et la croissance commençait tout juste à se redresser, mais la pandémie de COVID-19 a bouleversé ce qui aurait pu être un autre atterrissage en douceur.
Mise en contexte du cycle actuel
La moitié de ces cycles d’assouplissement sans récession ont connu des baisses d’ampleur plutôt limitée, puisque la Fed a réduit son taux directeur de 75 pb seulement. Dans le cycle actuel, les baisses de taux totalisent déjà le double de ce chiffre. Les six cycles ont tous eu lieu en dehors d’une période de récession, mais quatre d’entre eux ont été suivis d’une période de repli dans les trois années suivant la première baisse de taux.
Les cycles d’assouplissement du milieu des années 1980 et du milieu des années 1990 sont sans doute ceux qui ont produit les meilleurs résultats, l’économie ayant connu par la suite plusieurs années de croissance robuste. Dans ces deux cas, les cycles d’endettement en étaient à leurs débuts et l’augmentation de la productivité a contribué à soutenir la croissance (voir le graphique).
La situation actuelle présente des similitudes encourageantes : un endettement relativement faible du secteur privé (malgré des préoccupations dans le domaine du capital-investissement) et les possibles prémices d’une amélioration de la productivité portée par l’IA.
Un faible endettement et une forte croissance de la productivité ont favorisé des atterrissages en douceur au milieu des années 1980 et au milieu des années 1990
Au premier trimestre de 2025. L’écart du ratio crédit/PIB mesure la déviation du ratio crédit/PIB par rapport à sa tendance à long terme. Sources : Banque des Règlements Internationaux (BRI), BLS, Macrobond, RBC GMA
Au cours de ces cycles, la Fed a également tiré avantage de sa crédibilité en matière de lutte contre l’inflation, qu’elle a acquise lors de ses précédentes campagnes de resserrement monétaire. Reste à savoir si la Fed bénéficie toujours du même niveau de crédibilité aujourd’hui. Elle a pris des mesures énergiques (mais avec le recul, tardives) pour juguler l’inflation après la pandémie, sans toutefois réussir totalement à ramener l’inflation à sa cible de 2 %.
Alors que les anticipations inflationnistes tendaient à diminuer à l’approche des cycles d’assouplissement du milieu des années 1980 et du milieu des années 1990, ces anticipations restent fortes aujourd’hui, compte tenu de prix toujours élevés et de l’incidence inflationniste des droits de douane sur les produits (voir le graphique suivant).
Les anticipations inflationnistes étaient faibles ou en baisse à l’approche des cycles d’assouplissement du milieu des années 1980 et du milieu des années 1990
En date de novembre 2025. Sources : Université du Michigan, Macrobond, RBC GMA
Les cycles de baisses de taux de 1967-1968 et de 1971 ont montré qu’il était dangereux d’assouplir la politique monétaire avant que l’inflation ne soit maîtrisée. Au cours de ces deux cycles, les baisses de taux ont été annulées peu de temps après, mais l’inflation n’a cessé d’augmenter. Il s’en est suivi un resserrement énergique de la politique monétaire, puis finalement une période de récession. Un parallèle inquiétant pourrait être fait entre la situation actuelle et la politique de relance budgétaire de 1967-1968 ou les pressions politiques de 1971.
L’essor actuel des dépenses d’investissement dans l’IA et la flambée des valorisations boursières ravivent le souvenir de la bulle technologique des années 1990. Toutefois, il est difficile de dire si la situation actuelle s’apparente davantage à la situation de 1995 ou à celle de 1998. La durée du cycle de l’IA pourrait très bien être le facteur qui déterminera si les baisses de taux actuelles sans récession seront suivies d’un atterrissage en douceur durable, comme au milieu des années 1980 et 1990, ou si elles permettront simplement de reporter d’un an ou deux la prochaine période de repli.
Dans un contexte où les anticipations de baisse des taux évoluent, les récentes turbulences sur les marchés boursiers montrent à quel point la politique de la Fed est importante pour entretenir l’enthousiasme des investisseurs. Si la persistance de l’inflation empêche la Fed de réduire les taux de façon substantielle ou la contraint à les augmenter de nouveau, les marchés boursiers se retrouveraient en difficulté et le scénario d’un atterrissage en douceur s’éloignerait.
À ce stade, nous pensons que l’anticipation de trois à quatre baisses de taux l’an prochain est une hypothèse plutôt raisonnable et que la politique monétaire moins restrictive permettra une poursuite de la croissance en 2026.
Jusqu’à présent, le gain de 22 % réalisé par l’indice S&P 500 depuis la première baisse de taux du cycle actuel est conforme au rendement médian observé au cours des précédents cycles d’assouplissement sans récession (voir le graphique suivant). Lors de ces précédents cycles, les actions ont continué à générer de bons rendements deux ans après la première baisse et ont enregistré un gain médian d’environ 37 %.
Sans surprise, ce rendement dépasse largement celui obtenu au cours des cycles de réduction des taux avec récession, où la valeur des actions est globalement restée stable à ce stade du processus.
Évolution de l’indice S&P 500 avant et après la première baisse de taux de la Fed
Au 28 novembre 2025. Source : RBC GMA
- JN
Craintes liées à la sécurité sociale aux États-Unis
Dans un contexte où la situation budgétaire des États-Unis soulève de larges préoccupations, la viabilité des programmes de droits aux prestations sociales, tels que la Social Security (la principale source de revenus versée par le gouvernement aux retraités), suscite des inquiétudes particulièrement vives. Plus tôt cette année, le Social Security Board of Trustees (conseil des fiduciaires de la sécurité sociale américaine) estimait que le Social Security Trust Fund (fonds fiduciaire de la sécurité sociale américaine) serait épuisé en 2033 (voir le graphique suivant).
Le Social Security Trust Fund sera épuisé d’ici le premier trimestre de 2033
Sources : 2025 Old-Age, Survivors, and Disability Insurance (OASDI) Trustees Report, Social Security Administration (SSA).gov, RBC GMA
Voyons en quoi consiste ce programme.
À titre informatif, Social Security est un programme important. Au cours de l’année civile 2024, les prestations versées par ce programme ont atteint 1,47 billion de dollars américains et ont concerné pas moins de 68 millions de bénéficiaires, soit près de 20 % de la population (tout en bénéficiant indirectement aux autres membres du ménage).
Le montant annuel moyen des prestations s’élève à 22 880 $ US, soit environ 40 % du revenu de retraite du retraité moyen. Dans le cas des bénéficiaires à faible revenu, les prestations de sécurité sociale représentent de 70 % à 90 % de leur revenu total, et pour de nombreuses personnes se situant dans le quartile inférieur, elles constituent 100 % de leur revenu.
Contrairement à de nombreux régimes de retraite, le programme Social Security n’est pas entièrement financé. Il s’agit essentiellement d’un système par répartition dans lequel les salaires des travailleurs actuels financent les prestations versées aux retraités actuels.
Ce dispositif pose un problème, car les taux de fécondité déclinent et l’espérance de vie s’allonge. À mesure que la population en âge de travailler diminue sur une base relative, le ratio de dépendance aux États-Unis augmente (voir le graphique suivant). Autrement dit, le nombre de retraités est désormais trop important par rapport au nombre de travailleurs, qui est devenu insuffisant pour financer la cotisation sociale de 12,4 % de la Federal Insurance Contributions Act (FICA) (le coût est réparti à parts égales entre les employeurs et les employés).
Alourdissement du fardeau économique des travailleurs
Ratio de la population active à la population totale, défini comme la population âgée de 20 à 64 ans par rapport à la population totale. Le ratio de dépendance est le rapport entre la population âgée de 0 à 14 ans et de plus de 65 ans et la population en âge de travailler (de 15 à 65 ans). Sources : Projections démographiques mondiales 2024, RBC GMA
Qu’en est-il du fonds fiduciaire dont nous avons parlé plus tôt ? Il est vrai que le programme de sécurité sociale n’est pas complètement facturé à l’utilisation. À partir du milieu des années 1980 jusqu’à la fin des années 2000, la population était relativement jeune, et l’impôt sur la masse salariale se traduisait par des recettes fiscales plus importantes que les paiements versés aux retraités. C’est ce qui a permis la création et le développement du fonds fiduciaire susmentionné. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Le fonds est en déclin depuis 2010, et il s’épuise maintenant à un rythme plus rapide.
Que se passera-t-il lorsque le fonds fiduciaire s’éteindra en 2033 ? D’après la loi en vigueur, les prestations de sécurité sociale ne peuvent être financées que par les recettes de l’impôt sur la masse salariale et les réserves du fonds. Sans les réserves en question, les prestations de sécurité sociale seraient réduites à 77 % de leur niveau normal. D’ici la fin du siècle, les projections démographiques indiquent que le paiement diminuera à 70 % du niveau normal.
Quelles sont les options du gouvernement ?
Le gouvernement pourrait faire adopter une hausse de l’impôt sur la masse salariale. Le fait de relever cet impôt de son niveau actuel de 12,4 % à un taux de 14,8 % permettrait probablement de stabiliser la sécurité sociale.
L’âge de la retraite pourrait être repoussé. Le gouvernement a adopté une approche similaire dans le passé, en s’efforçant de minimiser les réactions négatives par le biais de modestes ajustements de l’âge de la retraite sur une longue période.
Le gouvernement pourrait assouplir sa politique d’immigration afin de relever le nombre d’adultes en âge de travailler par rapport aux retraités (il s’agirait là d’une solution à répétition, car la même astuce devrait être appliquée à plusieurs reprises pour maintenir le ratio travailleurs-retraités à un niveau élevé).
Le gouvernement pourrait simplement modifier la loi pour pouvoir allouer des recettes publiques générales au financement de la sécurité sociale. Bien entendu, le déficit augmenterait encore plus dans le cadre de cette solution.
Le gouvernement pourrait permettre la réduction des prestations de sécurité sociale. Il pourrait s’agir d’une mesure aussi simple qu’une coupe générale aux 77 % mentionnés ci-dessus, ou d’une mesure plus nuancée, comme la réduction des prestations pour les personnes aux revenus les plus élevés (au risque de réduire le soutien public au programme, qui est presque universel), en rendant les mécanismes d’indexation des salaires sur l’inflation moins généreux (ce qui serait moins visible pour les bénéficiaires).
Compte tenu du climat politique actuel, les trois premières options semblent moins réalisables que les deux dernières. Néanmoins, étant donné que le climat politique pourrait changer au cours des huit prochaines années, les cinq scénarios sont de vraies options.
Pour l’heure, nous n’entrevoyons pas de réduction marquée dans les prestations de sécurité sociale. Nous attendons plutôt des ajustements de prestations menés de façon relativement subtile, parallèlement à une décision d’autoriser la sécurité sociale à puiser dans les contributions générales du gouvernement.
– EL
La croissance des salaires revêt une grande importance
L’embauche étant limitée aux États-Unis en raison de la faible croissance démographique, la croissance des dépenses de consommation dépend de la hausse des salaires dans une mesure inhabituellement élevée. Que se passe-t-il sur ce front ?
La croissance des salaires nominaux demeure exceptionnellement robuste, avec une hausse de 3,8 % au cours de la dernière année (voir le graphique suivant). Mais ce chiffre surestime sa vigueur, car le taux de croissance ralentit progressivement tandis que les prévisions de croissance des salaires diminuent (voir le graphique subséquent) et, plus important encore, la croissance des salaires corrigée de l’inflation est à un niveau beaucoup plus faible de 0,8 % sur 12 mois.
En d’autres termes, si la croissance des salaires semble forte, c’est uniquement parce que l’inflation est élevée. Le pouvoir d’achat des travailleurs augmente beaucoup plus lentement, bien qu’il demeure à peu près conforme à la moyenne des deux dernières décennies.
La croissance des salaires ralentit aux États-Unis
En date de septembre 2025. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
Les pressions salariales se sont apaisées aux États-Unis
Indice de croissance des salaires de la Réserve fédérale d’Atlanta en date d’août 2025, prévisions relatives aux salaires en date de novembre 2025. L’indice composite des pressions salariales reflète les intentions des entreprises d’augmenter les salaires. La zone ombrée représente une récession. Sources : Macrobond, RBC GMA
Il est logique que la croissance des salaires réelle soit à peine acceptable, du fait que le taux de chômage a grimpé au cours des dernières années et ne se situe plus à un niveau anormalement bas (voir le graphique suivant). Autrement dit, le pouvoir de négociation des travailleurs n’est pas exceptionnel à l’heure actuelle. Nous supposons que le taux de chômage augmentera légèrement jusqu’au début de 2026, avant de se stabiliser et commencer à s’inverser.
Le taux de chômage augmente aux États-Unis
En date de septembre 2025. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
En parallèle, nous observons d’autres choses intéressantes. Nous nous sommes penchés sur trois questions : la mesure dans laquelle le coût des avantages sociaux dépasse celui de la rémunération, comment la croissance des salaires varie en fonction du niveau de revenu, et si le repli du nombre de travailleurs sans papiers peut faire monter les rémunérations dans les secteurs concernés.
Avantages sociaux
Selon la croyance populaire, la croissance du coût des avantages sociaux pour les employeurs a largement dépassé la croissance des salaires. Cela était vrai dans les années 2000 et pendant la première moitié des années 2010. Mais dans les faits, la croissance des salaires dépasse légèrement celle des avantages sociaux depuis une dizaine d’années (voir le graphique suivant).
Bien que cela ne diminue pas le coût de l’assurance maladie ni de la myriade de régimes sociaux en vigueur, le coût des avantages sociaux n’est pas disproportionné par rapport aux coûts de main-d’œuvre.
La croissance des salaires aux États-Unis dépasse légèrement celle des avantages sociaux
Au deuxième trimestre de 2025. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
Salaires en K
Pour faire suite à notre étude antérieure sur l’économie en K, les salaires affichent également une sorte de tendance en K. En d’autres termes, les salaires des travailleurs du quartile supérieur augmentent maintenant plus vite que ceux des travailleurs du quartile inférieur (voir le graphique suivant). Or, cela ne ressemble pas à que nous avons observé au cours des deux dernières décennies, où la croissance des salaires s’est montrée plus rapide pour les travailleurs à faible revenu que pour ceux du quartile supérieur pendant la majeure partie de la période, et largement plus rapide pendant la pandémie.
La tendance s’est inversée au cours des douze derniers mois. Cela ajoute aux difficultés des ménages à faible revenu, qui sont déjà aux prises avec les pires conséquences des droits de douane et de la loi OBBBA, qui souffrent davantage de la lenteur de l’embauche et qui ne profitent pas de la hausse des actions dans la même mesure que les groupes plus aisés.
Les salaires les plus bas augmentent moins rapidement que les salaires les plus élevés
Au 11 septembre 2025. Sources : Federal Reserve Bank d’Atlanta, RBC GMA
Travailleurs sans papiers
Les arrivées de migrants illégaux aux États-Unis semblent avoir fortement diminué au cours des deux dernières années. Par ailleurs, l’intensification des expulsions de résidents sans papiers en 2025 pourrait dissuader une partie des personnes résidant aux États-Unis de chercher du travail, comme nous l’avons indiqué dans le MacroMémo du 23 septembre.
En théorie, les salaires devraient augmenter dans les secteurs où la concentration de résidents sans papiers est généralement la plus forte, en raison d’une soudaine pénurie de main-d’œuvre. Étrangement, cela ne se reflète pas encore dans les données (voir les deux graphiques suivants).
La croissance des salaires dans les services d’hébergement et de restauration a ralenti en 2025, et elle est actuellement plus lente que la croissance globale des salaires. Dans le secteur de la construction, la croissance des salaires est plus rapide que la moyenne dans l’ensemble de l’économie, et elle s’est légèrement accélérée depuis le printemps ; cependant, elle demeure nettement inférieure au niveau normal des dernières années.
La croissance des salaires reste faible dans les secteurs à forte intensité de travailleurs sans papiers
En date de septembre 2025. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
De même, la croissance globale des salaires dans les villes comptant le plus d’habitants sans papiers n’est pas tellement plus rapide que dans celles où il y en a le moins.
La croissance des salaires est similaire dans les villes, quel que soit le nombre d’habitants sans papiers
En date d’août 2025. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
Peut-être l’effet d’une réduction du nombre de travailleurs sans papiers se fera-t-il plus voir au fil du temps. Jusqu’à présent, il est toutefois difficile de le déceler dans les données sur les salaires.
– EL
Les capitaux continuent d’affluer aux États-Unis
Alors que les discussions vont bon train au sujet des États-Unis – déclin de l’exceptionnalisme du pays, situation budgétaire préoccupante, montée de la polarisation des Américains, politisation inquiétante de la Fed, utilisation du dollar à des fins répressives, baisse de confiance à l’égard du pays sur la scène internationale et craintes liées à la valorisation des actions américaines – la question est de savoir si les acteurs économiques étrangers joignent le geste à la parole en procédant réellement à d’importantes sorties de fonds du pays.
Eh bien, dans l’ensemble du moins, la réponse directe est étonnamment « non ».
Certes, cela tient en grande partie à une réaction mécanique. Les États-Unis continuent d’afficher un important déficit du compte courant (voir le graphique suivant). En d’autres termes, le pays dépense plus qu’il ne gagne. Par conséquent, les États-Unis sont, par définition, un emprunteur net par rapport au reste du monde. Il s’ensuit que le reste du monde possède progressivement plus d’actifs américains tant que cette situation perdure.
Bien sûr, les investisseurs étrangers sont doués du libre arbitre, mais le marché s’établit aux taux d’intérêt et valorisations boursières actuels.
Le solde du compte courant des États-Unis reste considérable
Au deuxième trimestre de 2025. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis (BEA), Macrobond, RBC GMA
Examinons quelques facettes de cette situation.
Les étrangers continuent d’être des acheteurs nets de titres américains et ont même fortement accéléré leurs achats au cours des 18 derniers mois (voir le graphique suivant).
Les achats de titres américains par des étrangers demeurent élevés
En date de septembre 2025. Sources : Department of Treasury des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Bien que les acheteurs étrangers se soient montrés plutôt sélectifs à l’égard des actions américaines au fil des ans, ce sont à présent les plus enthousiastes pour cette catégorie d’actifs depuis sa création (voir le graphique suivant).
Les achats d’actions américaines par des étrangers atteignent des sommets historiques
En date de septembre 2025. Sources : Department of Treasury des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
De plus, les investissements directs étrangers aux États-Unis ont toujours un effet positif net (voir le graphique suivant). Cela est peut-être moins surprenant compte tenu des mesures incitatives découlant des droits de douane conjuguées à la pression politique exercée sur les entreprises internationales pour qu’elles étendent leurs activités aux États-Unis.
Les investissements directs étrangers aux États-Unis augmentent fortement
Au deuxième trimestre de 2025. Sources : BEA, Macrobond, RBC GMA
Enfin, les entités officielles étrangères (gestionnaires de réserves et acteurs semblables) ne se départissent pas réellement des obligations du Trésor américain. Elles ont toutefois plutôt simplement cessé d’accroître leurs avoirs au cours des 15 dernières années (voir le graphique suivant).
Pour leur part, les investisseurs étrangers du secteur privé continuent d’acquérir cette catégorie d’actifs ; un marché considérable subsiste donc pour les titres de créance publics américains, dont les achats n’ont manifestement pas été interrompus durant les derniers mois malgré les inquiétudes grandissantes au sujet de la trajectoire budgétaire du pays.
Les investisseurs étrangers privés continuent leurs achats d’obligations du Trésor américain, tandis que les entités officielles marquent une pause
En date de septembre 2025. Sources : Department of Treasury des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
En conclusion, la soi-disant « vente de titres américains » se résume toujours plus à des gesticulations que des actions à ce stade.
– EL
L’économie canadienne est plus faible qu’il n’y paraît
Le Canada a été épargné par les données floues résultant de la paralysie de l’État fédéral aux États-Unis. Toutefois, les indicateurs économiques ont été particulièrement pollués par les bruits dernièrement. L’orientation économique a donc été difficile à déterminer.
Le PIB du troisième trimestre a été nettement plus robuste que prévu : l’économie a progressé à un rythme annualisé de 2,6 %, soit un taux bien différent de l’estimation provisoire antérieure de 0,4 % en raison de la révision à la hausse des données mensuelles sur le PIB. Le gain réalisé au troisième trimestre compense largement le déclin annualisé de 1,8 % enregistré au trimestre précédent. Cela signifie que l’économie a évité une récession technique (baisses trimestrielles consécutives).
Toutefois, un examen approfondi montre que les différentes composantes de l’activité se sont fortement appauvries au troisième trimestre. La demande intérieure finale (soit le PIB, sans les fluctuations des échanges commerciaux et des investissements en stocks) est demeurée inchangée, après un gain annualisé de 3,5 % au trimestre précédent. Les dépenses des consommateurs et les investissements des entreprises ont tous deux diminué, tandis que l’activité dans le secteur du logement a repris et que les dépenses consacrées à la défense ont augmenté. Curieusement, c’est un important recul des importations (soustraites de la croissance puisqu’elles ne reflètent pas la production intérieure) qui a stimulé le PIB global au troisième trimestre.
Le PIB du Canada a été plus robuste que prévu au troisième trimestre, mais la composition des apports signale un affaiblissement de l’économie
Au 28 novembre 2025. Sources : Statistique Canada, RBC GMA
Abstraction faite des bruits polluant les données trimestrielles, l’économie canadienne croît à un rythme annualisé moyen de 1 % depuis le début de l’année. Ce rythme est inférieur à son taux de croissance potentiel ou encore à sa vitesse à plein régime, ce qui indique un accroissement des capacités excédentaires en 2025. La demande intérieure a progressé à un rythme similaire, sous l’impulsion des dépenses de consommation qui ont bénéficié d’effets de richesse positifs et de réductions d’impôts et de taux d’intérêt.
Parallèlement, les investissements des entreprises ont été obérés par les droits de douane et l’incertitude liée à la politique commerciale. Voilà une explication logique, mais la tendance trimestrielle est contestable.
Au quatrième trimestre, la croissance restera probablement modeste, puisque l’estimation provisoire d’octobre laisse entrevoir une baisse mensuelle de 0,3 %. Bien qu’il soit encore tôt – les données mensuelles, propices aux révisions, étant à prendre avec beaucoup de précautions – cela laisse entrevoir un risque de baisse par rapport aux prévisions de la Banque du Canada qui tablent sur un gain annualisé de 1 %.
Il n’y a pas que les données sur le PIB qui déconcertent les analystes. Comme nous l’avons mentionné dans notre édition précédente du #MacroMémo, les données sur l’emploi au Canada ont indiqué une hausse surprenante de l’embauche en septembre et en octobre. Chaque mois, plus de 60 000 emplois ont été créés. Toutefois, le sondage distinct sur l’emploi remet ces statistiques en question, car 58 000 emplois auraient été perdus en septembre (puisque la publication des données est décalée, le relevé d’octobre n’est pas encore disponible). Depuis le début de l’année, le sondage auprès des ménages, plus opportun, indique une création de 165 000 emplois et une perte nette de 37 000 emplois.
Au Canada, les rapports distincts sur l’emploi décrivent deux situations différentes
Données en date d’octobre 2025. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA
La véritable réponse se situe probablement à mi-chemin entre ces deux estimations. Nous penchons néanmoins vers les chiffres moins élevés du sondage auprès des entreprises, car le nivellement de la population résultant du sondage auprès des ménages surestime probablement la création d’emplois. Le ralentissement marqué de l’immigration a réduit le point d’équilibre pour l’embauche, c’est-à-dire le nombre d’emplois qui doivent être créés pour maintenir le chômage à un niveau stable. Puisque le taux de chômage augmente depuis le début de l’année et que la croissance du PIB n’atteint pas son potentiel, il est difficile de croire à la création de dizaines de milliers d’emplois chaque mois.
Nous ne croyons pas que l’économie canadienne ait connu une croissance plus rapide dans la mesure suggérée par les données du troisième trimestre sur le PIB et sur l’emploi (sondage auprès des ménages). Quoi qu’il en soit, la récente stabilisation du taux de chômage est encourageante, et il n’est pas exagéré de dire qu’une récession a été évitée jusqu’à présent. Nous pensons que 2025 se soldera par une année de contre-performance économique. Les perspectives pour 2026 s’éclaircissent toutefois légèrement.
Tout comme la Réserve fédérale américaine (Fed) a indiqué son intention de faire preuve de prudence en raison des données floues résultant de la paralysie de l’État fédéral, les indicateurs canadiens pollués par le bruit donnent à la Banque du Canada des raisons d’adopter un statu quo dans l’immédiat, dans l’espoir de pouvoir mieux discerner la trajectoire économique grâce à de nouvelles données. Nous n’excluons toujours pas la possibilité d’une autre réduction de taux si les dernières nouvelles de reprise s’avèrent être du vent.
- JN