Webémission mensuelle sur l’économie
Notre dernière webémission mensuelle sur l’économie, intitulée « Sonder la résilience économique », est maintenant disponible.
Le point sur le cycle économique
Nous avons effectué la mise à jour trimestrielle de notre feuille de pointage du cycle économique (voir le graphique suivant). Selon l’interprétation la plus simple, l’économie américaine serait à un stade avancé du cycle, la meilleure estimation unique produite par la feuille de pointage allant en ce sens. Cela voudrait dire que le cycle a légèrement reculé, puisqu’au trimestre précédent, les signaux pointaient vers une fin de cycle.
D’après la feuille de pointage du cycle de l’économie américaine, celui-ci a légèrement reculé
Au 2 février 2024. Calcul effectué à l’aide de la technique de la feuille de pointage par RBC GMA. Source : RBC GMA
Toutefois, cette interprétation ne tient pas compte de deux points plus importants.
De nombreux indicateurs couvrent toujours la portion regroupant le stade avancé du cycle, la fin de cycle et la récession. La majorité des variables d’entrée continuent d’indiquer que le cycle économique est passablement avancé – ce qui souligne le risque élevé d’un ralentissement –, même si elles se contredisent quant à l’emplacement précis dans cette portion.
Une tendance hésitante que nous avons relevée il y a quelques trimestres s’est soudainement amplifiée. Si les indicateurs dénotant un début de cycle augmentent discrètement depuis un certain temps, ils ont enregistré un bond considérable au dernier trimestre. Cela plaide en faveur du commencement d’un nouveau cycle et voudrait dire que la récession aurait été évitée. Soyons clairs : la répartition des indicateurs sur la feuille de pointage laisse tout de même entendre qu’il est nettement moins probable qu’on assiste au commencement d’un nouveau cycle (19,6 %) qu’à l’achèvement du cycle précédent (65,9 %). Néanmoins, si l’on en croit notre feuille de pointage, la probabilité d’un atterrissage en douceur est deux fois supérieure à ce qu’elle était au dernier trimestre.
La probabilité d’un atterrissage en douceur s’accroît
Dans le #MacroMémo du 9 janvier, nous faisions remarquer que les chances d’un atterrissage en douceur avaient augmenté et qu’à l’inverse, celles d’un atterrissage brutal avaient diminué. Il était alors davantage probable qu’une récession (atterrissage brutal) survienne en 2024, mais il ne s’agissait plus d’une perspective inévitable. Depuis, les risques de récession ont continué de s’amenuiser au profit d’un atterrissage en douceur. Les deux sont encore tout à fait concevables, mais – conformément à notre analyse du cycle économique dans la section précédente – la possibilité d’un atterrissage en douceur est en train de prendre les devants.
Voici quelques bonnes nouvelles récentes :
Les données économiques américaines ont surpris par la persistance de leur robustesse. En janvier, 353 000 emplois ont été créés, soit près du double du résultat sur lequel tablaient les prévisions générales.
L’indice ISM (Institute for Supply Management) du secteur manufacturier demeure faible, avec une valeur de moins de 50. Cependant, il s’améliore. Il est passé de 47,1 à 49,1 en janvier, un sommet en 15 mois (voir le graphique suivant).
La sous-composante des nouvelles commandes a continué à se redresser, dépassant le seuil de 50 pour s’établir à 52,5, son point culminant en 17 mois. En théorie, il s’agit d’un indicateur avancé pour l’indice global.
Le secteur manufacturier américain reprend de l’élan
En date de janvier 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : Institute for Supply Management, Haver Analytics, RBC GMA
Aux États-Unis, le marché du logement s’apprête également à une reprise timide. Or, comme il s’agit d’un secteur sensible aux taux, cela pourrait être révélateur à un moment où les taux d’intérêt élevés sont censés être le principal antagoniste de l’économie.
Certains indicateurs économiques qui signalaient une récession se sont récemment inversés. C’est le cas de l’intention des Américains d’acheter des biens durables (en hausse, voir le premier graphique), des ventes de véhicules récréatifs (aussi en hausse, voir le deuxième graphique), des stocks (en baisse, voir le troisième graphique) et des marges bénéficiaires (en train de se stabiliser, voir le quatrième graphique).
Les conditions d’achat de biens ménagers durables de grande taille se redressent
En date de décembre 2023. Sources : Université du Michigan, Macrobond, RBC GMA
Les expéditions de véhicules récréatifs aux États-Unis connaissent également un regain de vie
En date de décembre 2023. Données annuelles avant 2017. La zone ombrée représente une récession. Sources : RV Industry Association, Macrobond, RBC GMA
Aux États-Unis, le ratio stocks-ventes des secteurs manufacturiers et commerciaux diminue
En date de novembre 2023. Ratio stocks-ventes réel de l’ensemble des secteurs manufacturiers et commerciaux. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis, Haver Analytics, RBC GMA
Les marges bénéficiaires au sein du S&P 500 sont-elles sur le point de repartir à la hausse ?
En date de janvier 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : RBC Marchés des Capitaux, Bloomberg, RBC GMA
Les actifs à risque ont continué sur leur lancée ces dernières semaines, accentuant l’effet positif sur la richesse et la confiance.
Les principales données économiques dans une poignée d’autres pays développés ont également pris un tour pour le mieux :
Avec une croissance de 0,2 % d’un mois sur l’autre en novembre, le produit intérieur brut (PIB) du Canada a surpris à la hausse, dépassant les prévisions générales de 0,1 %. Pour décembre, les résultats préliminaires sont de 0,3 % d’un mois sur l’autre. Cela équivaut à un taux de croissance annualisé de 1,2 % pour le quatrième trimestre, soit un résultat bien supérieur à celui qu’on anticipait (à défaut d’être exceptionnel en termes absolus). Une fois de plus, le Canada semble avoir réussi à éviter deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.
Dans la zone euro, la croissance du PIB a été nulle au quatrième trimestre de 2023. Ce résultat, à peine meilleur que la baisse de 0,1 % (non annualisée) à laquelle on s’attendait, revêt une importance symbolique.
L’indice composé des directeurs d’achats du Royaume-Uni de S&P Global s’élève maintenant à 52,9. Cette quatrième hausse mensuelle d’affilée concorde avec une expansion du secteur des affaires.
Pour bien faire comprendre que nous continuons de croire qu’une récession est aussi tout à fait possible, il convient de préciser ce qui suit :
Nos travaux sur le cycle économique évoqués plus haut continuent de favoriser l’interprétation voulant que le cycle soit avancé et donc vulnérable.
L’augmentation de plus de cinq points de pourcentage des taux d’intérêt à court terme devrait théoriquement avoir un effet négatif important sur l’économie. Au minimum, il serait extrêmement bizarre que l’économie américaine continue de tourner comme si de rien n’était.
Les preuves de l’impact de la hausse des taux d’intérêt s’accumulent : les prêts à la consommation en souffrance aux États-Unis augmentent visiblement et un sous-ensemble de banques américaines éprouvent des difficultés.
L’effet favorable de certaines des mesures spéciales, qui ont donné un fier coup de pouce à l’économie américaine en 2023, devrait s’atténuer en 2024, notamment en ce qui concerne la politique budgétaire et les dépenses de consommation.
Ce ne sont pas les voyants au rouge n’ayant jamais failli à prédire une récession qui manquent en ce moment : inversion des courbes des taux, contraction du commerce mondial corrigé de l’inflation, recul de l’emploi temporaire aux États-Unis et chute de l’indice économique avancé du Conference Board des États-Unis (voir le graphique suivant).
Le principal indice économique des États-Unis a continué de fléchir
En date de décembre 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : The Conference Board, Macrobond, RBC GMA
Il est presque impossible de prévoir l’évolution de l’économie lorsque des indicateurs convaincants et qui ne se trompent pour ainsi dire jamais pointent dans des directions opposées à savoir s’il y aura un atterrissage en douceur ou un atterrissage brutal.
Une récession justifie-t-elle un état de panique ?
En période de récession, l’économie se porte généralement moins bien qu’elle ne le devrait en vertu d’une analyse stricte des vents contraires. C’est donc à dire qu’un élément psychologique peut intervenir.
À tout le moins, on peut avancer que les récessions riment d’ordinaire avec réactions excessives. L’économie ne reste jamais longtemps dans le creux de la vague ; elle rebondit assez rapidement, et souvent avec vigueur. Il n’est pas rare que les entreprises licencient plus de travailleurs et réduisent leurs investissements plus fortement que ce qui est optimal à moyen terme. Une fois la récession passée, cela les oblige à faire des pieds et des mains pour recruter du personnel et remettre leur plan d’investissements sur les rails. C’est bien connu : en règle générale, lors d’une récession, le marché boursier s’enlise bien plus profondément qu’il ne le devrait selon une analyse rationnelle de la valeur actualisée nette des bénéfices futurs. Dans le même ordre d’idées, nous avons présenté, dans un numéro antérieur, le concept de vitesse de décrochage, en dessous de laquelle l’économie bascule habituellement dans la récession – sans doute parce que les gens paniquent quand l’économie commence à montrer des signes de faiblesse, ce qui empire la situation.
On ne peut pas affirmer avec certitude que ces mouvements de panique soient irrationnels. Les réactions excessives sont probablement en partie liées au fait que les sociétés et les investisseurs souffrent de contraintes de liquidité aiguës pendant les périodes de ralentissement économique, alors que les normes de crédit deviennent plus strictes et les marchés du crédit moins réceptifs. Ils sont donc obligés de faire certains choix tout en sachant que leurs décisions ne sont pas optimales.
Dans la mesure où les comportements contraires aux intérêts des investisseurs relèvent en grande partie de décisions dictées par la peur, la question est de savoir si cette réaction émotive peut être évitée. Peut-être, à l’image de l’instinct de fuite ou de combat, une telle réaction est-elle enracinée dans le cerveau des humains. Ou peut-être que nous en avons le contrôle.
Il est à noter qu’à l’extérieur des États-Unis, les économies développées ont subi une forte contre-performance économique au cours de la dernière année, mais qu’elles n’ont pas encore succombé à une véritable récession et que les marchés financiers de ces pays n’ont pas non plus chuté. Aux États-Unis, serait-ce que la récession est annoncée depuis si longtemps que les gens n’en ont plus peur et que l’émotion n’entre plus en jeu ?
Il semble que les personnes aient un meilleur contrôle de leurs émotions cette fois-ci, et cela pourrait les aider à esquiver l’effet d’une récession. Mais il reste de réels obstacles économiques à surmonter, et nous ne savons pas dans quelle mesure les réactions économiques excessives résultent de contraintes de liquidité plutôt que de simples émotions.
Lien de causalité entre les cycles monétaires et les récessions : pas nécessairement
Historiquement, les cycles de resserrement monétaire ont une relation étroite avec les récessions. Sur les 13 derniers cycles de hausse des taux aux États-Unis, 10 (soit 77 %) ont été suivis d’une récession. L’hypothèse est que les taux plus élevés freinent l’économie au point de la pousser temporairement vers une contraction.
Le cycle de resserrement monétaire actuel n’a pas encore abouti à ce résultat, mais il est encore tôt. Selon les données historiques moyennes, une récession ne devrait pas se produire avant plusieurs mois. Néanmoins, il est intéressant d’explorer l’idée un peu plus en profondeur.
D’un point de vue théorique, il est difficile d’arriver à la simple conclusion qu’une hausse des taux d’intérêt nuit à l’activité économique. Après tout, pour chaque emprunteur qui souffre de la hausse des taux d’intérêt, un prêteur s’en réjouit. Les dommages économiques résultent davantage de considérations plus ésotériques.
Si l’on se penche sur les précédents cycles de resserrement monétaire, il serait exagéré de prétendre que les récessions subséquentes découlent de taux d’intérêt plus élevés (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, il n’y a pas toujours une corrélation entre les cycles de resserrement monétaire et les récessions
En date de janvier 2024. Les récessions sont illustrées en gris. Texte en rouge = récession subséquente ; texte en vert = aucune récession ; texte en bleu = causalité discutable. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA
Bien qu’une récession ait suivi les hausses de taux de la banque centrale à la fin des années 2010, on ne peut pas dire que la pandémie de 2020 et ses conséquences économiques soient attribuables aux taux d’intérêt.
Bien que la crise financière mondiale de 2007-2009 s’explique en partie par la hausse des taux d’intérêt qui a fait éclater une bulle immobilière aux États-Unis, cette crise a surtout émané d’une surchauffe du marché immobilier (non seulement attribuable à la faiblesse des taux d’intérêt) et de défaillances très spécifiques de la part des autorités réglementaires, des institutions financières et des marchés de produits titrisés.
Auparavant, en 2021, il semble que la récession ait moins résulté de taux d’intérêt élevés (bien que comme toujours, apparemment, les taux étaient en pleine ascension au début de la récession) que de l’éclatement de la bulle internet puis des effets secondaires des attentats du 11 septembre.
La dernière récession « traditionnelle », c’est-à-dire attribuable à la politique monétaire, où une économie en surchauffe pousse l’inflation à la hausse et oblige les banques centrales à relever les taux au prix d’une récession serait survenue au début des années 1990. Et encore, les causes de cette récession sont discutables. Certains l’attribuent à la crise dans le Golfe persique, d’autres au lent effondrement des institutions d’épargne et de crédit et à l’austérité budgétaire. En conséquence, il faudrait remonter au début des années 1980 et aux années 1970 pour trouver des récessions liées à la politique monétaire.
Ce récapitulatif montre essentiellement que les récessions peuvent se produire pour des raisons indépendantes de la politique monétaire. Cela dit, nous remarquons que trois voire quatre décennies se sont écoulées depuis la dernière période où la hausse des taux d’intérêt a été le principal facteur de récession.
Bien que les conditions actuelles s’inscrivent parfaitement dans ce modèle historique, nous ne pouvons pas prédire avec précision quel sera l’impact économique des hausses de taux, compte tenu des importants changements structurels survenus dans l’économie au cours des dernières décennies. Ce n’est pas qu’une récession induite par les taux d’intérêt soit moins probable de se produire à l’ère moderne (elle pourrait même être plus probable), mais plutôt que l’impact global est moins clair, ce qui ajoute à l’incertitude entourant les prévisions.
En outre, le nombre de fois où une récession a fait suite à une hausse des taux d’intérêt – même si les taux n’en étaient pas la cause première – est inquiétant. Il est difficile de croire à une simple coïncidence. La hausse des taux d’intérêt est peut-être la goutte qui a fait déborder le vase, après une accumulation de facteurs négatifs plus graves. La confluence de ces événements n’est peut-être pas une coïncidence, dans la mesure où les taux d’intérêt sont généralement relevés au moment où une économie est en surchauffe et où d’autres excès (et donc d’autres problèmes) ont plus de chances de se faire jour. Ainsi, la hausse des taux d’intérêt pourrait aussi bien être un signal qu’un catalyseur.
Les données sur l’emploi aux États-Unis envoient des signaux contrastés
Les dernières données sur l’emploi ont une fois de plus été robustes, deux fois plus élevées que prévu, avec la création de 353 000 nouveaux emplois nets en janvier. En outre, la revue à la hausse des données (+126 000) des deux mois antérieurs a eu pour effet de faire bondir les données d’embauches de décembre à un chiffre impressionnant de +333 000. Le taux de chômage est demeuré le même, se maintenant à 3,7 %. La croissance des salaires a bondi à +0,6 % d’un mois sur l’autre.
La conclusion provisoire de tout cela est que l’économie américaine se porte très bien, ce qui minimise le risque d’une récession imminente. Si l’on voulait critiquer les données globales, l’on remettrait en question la durabilité d’une croissance aussi effrénée, puisqu’il n’est pas certain que l’inflation continuera de se normaliser dans un contexte aussi solide.
Plusieurs éléments importants de la publication des données sur l’emploi brossent cependant un portrait fort différent qui rend perplexe. Une autre composante de la même enquête auprès des entreprises révèle que les Américains ont été beaucoup plus nombreux à travailler en janvier, mais que le total des heures de travail accumulées a diminué de 0,3 %, représentant la troisième baisse mensuelle au cours des quatre derniers mois. L’industrie américaine fait actuellement appel à moins de main-d’œuvre, ajustée en fonction des heures, qu’en août dernier.
D’autres données d’enquêtes ont, entre-temps, fait état d’un nombre d’embauches nettement moindre. L’enquête d’ADP a, quant à elle, révélé l’ajout de seulement 107 000 nouveaux travailleurs en janvier, soit moins d’un tiers de l’enquête auprès des entreprises. L’enquête auprès des ménages, certes volatile, a, elle, révélé que les États-Unis ont en fait perdu 31 000 travailleurs en janvier. Ces données pourraient facilement être ignorées, mais dénotent la troisième baisse enregistrée au cours des quatre derniers mois.
En bref, les États-Unis embauchent à un rythme exceptionnellement rapide (et gaspillent les potentielles heures de production additionnelles de ces travailleurs ?) ou licencient à un rythme inquiétant (en dépit du fait que les demandes initiales de prestation d’assurance-emploi restent assez faibles, selon une autre enquête). Des prévisions économiques cohérentes peuvent difficilement être établies sur la base de ces éléments douteux.
Retour du chiffre deux en matière d’inflation
Après plusieurs années où l’inflation a été élevée, s’établissant même à plus de 9 % d’une année sur l’autre, c’est tout un soulagement de voir des mesures d’inflation renouer avec le chiffre familier de deux. Il s’agit là d’une très belle évolution si l’on tient compte de la cible de +2 % établie par la plupart des banques centrales mondiales développées.
Cela ne signifie pas pour autant que les problèmes d’inflation sont complètement résolus. Les mesures standard de l’inflation, comme l’indice des prix à la consommation (IPC) global des États-Unis et l’IPC de base (à +3,4 % d’une année sur l’autre et à +3,9 % d’une année sur l’autre, respectivement) se situent encore dans la fourchette des 3 %. Même celles qui sont descendues dans la fourchette des 2 % se situent généralement dans le niveau supérieur de la fourchette. Mais c’est un progrès.
La publication du coefficient de déflation des dépenses personnelles de consommation (DPC) et du déflateur de base des dépenses personnelles de consommation (DPC) de décembre a retenu l’attention ces dernières semaines. Ces indicateurs ont longtemps été décrits comme la mesure d’inflation « préférée » de la Fed et se situent désormais en dessous du seuil de +3 %. Le coefficient de déflation des DPC général se situe à +2,6 % d’une année sur l’autre, et le déflateur de base des DPC vient de chuter à +2,9 % d’une année sur l’autre.
Les estimations de l’inflation varient encore énormément (voir le tableau suivant), allant de +5,1 % d’une année sur l’autre pour l’IPC médian à seulement +0,9 % d’une année sur l’autre pour l’ indice des prix d’achat (IPP) global, et les données sectorielles varient encore plus (de +6,2 % d’une année sur l’autre pour les frais de logement à -1,9 % d’une année sur l’autre pour l’essence).
Les estimations de l’inflation varient considérablement
Données en décembre 2023. Sources : U.S. Bureau of Economic Analysis, Federal Reserve Bank de Cleveland, Federal Reserve Bank de Dallas, Macrobond, RBC GMA
Les nouvelles sont un peu plus prometteuses lorsqu’on passe du taux de variation sur 12 mois au taux de variation sur 3 mois. L’on obtient ainsi plus d’information, mais aussi des données plus fraîches. Le coefficient de déflation des DPC a augmenté de seulement 0,5 % en rythme annualisé au cours de la période, alors que le déflateur des DPC de base n’a progressé que de 1,5 %. Les mesures médianes et moyennes ajustées de l’inflation ont également chuté dans la zone du deux au cours des derniers mois.
L’inflation progressera probablement plus irrégulièrement et plus lentement qu’au cours des 18 derniers mois, mais peut encore s’améliorer. Aux États-Unis, plus de la moitié de la dernière hausse mensuelle de l’IPC découlait directement des coûts du logement. Ceux-ci devraient continuer à diminuer en accusant un certain décalage. Les mesures de l’inflation en temps réel ont également commencé à diminuer timidement après plusieurs mois, ce qui laisse penser que l’IPC peut encore baisser (voir le graphique suivant).
L’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats continue de reculer
Indice de l’inflation PriceStats au 28 janvier 2024, IPC en date de décembre 2023. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA
Nous attribuons le prix du graphique le moins conventionnel à cette mesure des prix en ligne d’Adobe, qui montre que la tendance à une déflation modérée, qui prévalait avant la pandémie, s’est rétablie pour les biens achetés en ligne (voir le graphique suivant). D’ailleurs, le taux du recul actuel est un peu plus rapide que la moyenne d’avant la pandémie.
Les prix en ligne aux États-Unis sont déjà en déflation
Données en décembre 2023. L’indice des prix de l’économie numérique Adobe mesure les prix payés par les consommateurs pour 18 catégories de biens achetés en ligne. Sources : Adobe, Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Il n’est pas surprenant que les prix en ligne aient progressé à un rythme exceptionnellement rapide au début de la pandémie, lorsque de nombreux commerces étaient fermés et que les consommateurs évitaient les secteurs caractérisés par des contacts rapprochés. À la mi-2022, l’écart par rapport à la hausse de l’IPC global de base des biens est revenu à son niveau habituel.
Inflation et géopolitique
Certains des risques les plus évidents de hausse de l’inflation sont imputables à l’agitation au Moyen-Orient. Les prix du pétrole ont fluctué au cours des dernières semaines, ce qui témoigne du rôle central des pays du Moyen-Orient dans l’approvisionnement mondial de cette ressource. Les tensions se sont accrues après le bombardement d’une base militaire américaine en Jordanie par des mandataires iraniens, ce qui a poussé les États-Unis à réagir.
En ce qui a trait aux chaînes d’approvisionnement, la situation en mer Rouge demeure précaire, car les rebelles houthis soutenus par l’Iran au Yémen tentent de détruire les navires civils qui traversent le canal de Suez. Les coûts du transport ont été affectés (voir le graphique suivant), non seulement entre l’Asie et l’Europe, mais aussi à l’échelle mondiale, puisque les navires empruntent d’autres itinéraires en raison des 10 jours de voyage supplémentaires dans chaque direction.
Les coûts de transport augmentent sous l’effet des tensions en mer Rouge
En date de la semaine terminée le 1er février 2024. Sources : Drewry Shipping Consultants Ltd, Macrobond, RBC GMA
Bien qu’ils aient triplé, les coûts de transport supplémentaires sont loin d’être comparables à ceux de la crise des chaînes d’approvisionnement de 2021 et 2022. Des signes préliminaires montrent que les coûts recommencent à baisser, probablement en raison de la protection offerte par les navires militaires américains et britanniques. De plus, contrairement à la dernière fois, la demande et l’offre sous-jacentes n’ont pas pâti des distorsions liées à la pandémie. Il n’y a pas d’embouteillages dans les ports et la capacité mondiale des porte-conteneurs devrait être supérieure de 25 % à la fin de l’année par rapport à 2021. Il est encore possible que l’inflation augmente en Europe, mais pas de façon prononcée ni prolongée.
Baisses de taux en vue par les banques centrales ?
Réserve fédérale américaine
Le 31 janvier, la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) a décidé de maintenir le taux directeur et s’est montrée réticente à réduire les taux à court terme. En fait, elle ne prévoit pas le faire tant qu’elle ne sera pas davantage convaincue que l’inflation se rapproche des 2 %. Nous répétons depuis un certain temps que, en l’absence de récession, il est peu probable qu’elle baisse les taux en mars, et notre hypothèse semble en effet se confirmer de plus en plus.
Le marché évalue toujours à 57 % la probabilité d’une baisse de taux de 25 points de base pour le 1er mai. Ce scénario est tout à fait envisageable, mais cette date pourrait aussi être trop hâtive si l’économie ou l’inflation ne s’orientent pas nettement à la baisse au cours des prochains mois.
Les élections américaines de 2024 modifieront-elles les décisions de la Fed ?
De plus en plus de personnes se demandent si les élections présidentielles de novembre auront un effet sur les décisions de la Réserve fédérale américaine. En effet, les banques centrales semblent adopter une attitude plus prudente à l’approche des élections pour ne pas influer sur les résultats (ou être accusées de le faire).
Cette affirmation n’est pas complètement fausse, mais nous pensons que les élections auront peu de poids sur les décisions de la Fed en 2024, et ce, pour plusieurs raisons :
Comme la Fed est théoriquement indépendante, elle n’est pas censée tenir compte des questions politiques au-delà de l’incidence économique des politiques fiscales et réglementaires des politiciens.
Il est probable que la Fed procède à plusieurs baisses de taux avant les élections : il est moins controversé de continuer dans la même direction pendant des élections que de changer de cap.
Il est sans doute moins problématique d’abaisser les taux d’intérêt avant une élection que de les relever, car le candidat sortant sera heureux et son rival pourrait hésiter à critiquer une décision populaire auprès des électeurs. La Fed est plus susceptible d’abaisser que de relever les taux d’intérêt en 2024.
La Fed a décrété deux baisses de taux considérables au cours du mois précédant l’élection présidentielle de 2008, l’une moins d’une semaine avant le vote, l’autre étant une baisse de taux imprévue et synchronisée à l’échelle mondiale. Lorsque la situation l’exige, la Fed fait tout ce qui est nécessaire, sans égard au calendrier politique.
Si, pour une raison ou une autre, la Fed n’a pas amorcé l’abaissement des taux avant l’automne, et si elle se trouve sur le fil du rasoir pour déterminer si le 17 septembre ou le 8 novembre est le point de départ idéal sur le plan purement économique, alors l’élection du 5 novembre pourrait bien être le facteur déterminant qui repousserait cette décision jusqu’au 8 novembre.
Par ailleurs, si la Fed réduisait les taux de 25 points de base à toutes les deux réunions, on pourrait imaginer qu’elle préférerait réduire les taux immédiatement après les élections plutôt qu’immédiatement avant. Il s’agit toutefois de scénarios assez spécialisés, et des perturbations aussi modestes n’auront pas une incidence marquée à moyen terme.
Banque du Canada
La Banque du Canada conserve une approche plus prudente que la Fed pour passer du relèvement des taux à leur abaissement. Alors que la banque centrale américaine discute déjà de réductions des taux, le changement effectué par la Banque du Canada à sa dernière réunion a été d’abandonner la déclaration antérieure selon laquelle elle reste prête à augmenter de nouveau le taux directeur si nécessaire. On a donc estimé qu’un véritable abaissement des taux d’intérêt n’était pas pour demain.
Nous restons perplexes en raison des approches plutôt différentes de la Fed et de la Banque du Canada. Pour des raisons purement économiques, on pourrait croire que la Banque du Canada se montrerait la plus conciliante des deux, plutôt que l’inverse, étant donné la faiblesse relative de l’économie canadienne et sa plus grande sensibilité aux taux d’intérêt (la trajectoire baissière moins certaine de l’IPC du logement au Canada vient contrebalancer légèrement cette situation). Nous persistons à croire que la stratégie de communication représente la principale différence entre les deux banques centrales. Elles devraient en fin de compte suivre une trajectoire baissière à peu près similaire.
Banques centrales des pays émergents
Comme nous le mentionnions il y a quelques mois, un nombre croissant de banques centrales de pays émergents commencent déjà à abaisser leurs taux directeurs, avec des exemples récents comme la Hongrie, la Colombie, le Chili et le Brésil. Dans ces pays, l’inflation a diminué, ce qui a permis de réduire les taux d’intérêt.
Les banques centrales des pays émergents ne représentent pas un indicateur avancé parfait pour la Fed ou les pays développés, étant donné que chaque pays est unique. Il est néanmoins remarquable que les banques centrales des pays émergents, qui avaient été les premières à relever leurs taux, semblent maintenant les premières à les réduire. Ce n’est là qu’un petit indice de plus que l’abaissement des taux dans les pays développés est imminent.
Notre indice de diffusion des banques centrales dans le monde montre que beaucoup moins de banques centrales relèvent leurs taux aujourd’hui, qu’une part croissante d’entre elles réduit les taux et que les réductions sont désormais plus prononcées que les hausses (voir le graphique suivant).
Les banques centrales amorcent l’abaissement des taux d’intérêt
Au 25 janvier 2024. Graphique établi d’après les taux directeurs de 30 pays. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
La Chine en quatre actes
Examinons brièvement la Chine de quatre façons, selon l’état actuel de son économie, les mesures de relance mises en place par le gouvernement, ce que signifie le fait que la Chine connaît actuellement une déflation et la façon dont la situation démographique du pays pourrait évoluer au cours des prochaines décennies.
Économie chinoise
L’économie chinoise déçoit les attentes. Le produit intérieur brut (PIB) a progressé de seulement 4,1 % en rythme annualisé au quatrième trimestre de 2023, les ventes au détail restent inférieures aux prévisions et le taux de chômage est passé de 5,0 % à 5,1 %. En revanche, la production industrielle a dépassé les attentes en décembre.
Le véritable problème reste le marché du logement du pays. Il revêt à la fois une importance cruciale pour l’économie – générant jusqu’à un quart du PIB dans des circonstances normales – et provoque une grande faiblesse à l’heure actuelle. Depuis le début de l’année, les investissements immobiliers et les ventes de propriétés ont reculé de 9,6 % et de 6 %, respectivement. Un indice des prix des logements dans 70 villes de Chine a fléchi de 0,9 % par rapport à la période correspondante de l’an dernier, une nouvelle baisse après environ deux ans de recul des prix.
Le marché du logement de la Chine produit un effet disproportionné sur les dépenses de consommation, étant donné que la richesse des ménages chinois est en grande partie liée à l’immobilier. Lorsque ce marché est moins performant, les ménages ne dépensent pas.
Une grande partie de la dette du pays est aussi liée à l’immobilier, et les gouvernements locaux de la Chine éprouvent des difficultés puisqu’ils ne peuvent combler les déficits budgétaires en vendant des terrains, compte tenu de la faible demande de logements. Un tribunal de Hong Kong a ordonné la liquidation d’Evergrande, le géant de la construction résidentielle de Chine, mais son autorité est contestée. Il est clair que plusieurs constructeurs chinois sont insolvables sur le plan fonctionnel, et cette situation risque de poser problème pour les investisseurs et les banques qui ont prêté aux entreprises.
Nos prévisions économiques pour la Chine en 2024 tablent sur une croissance de 4,3 %, soit une croissance inférieure aux prévisions générales.
Stimulation en Chine
La Chine vient de baisser son taux de 50 points de base, sa plus importante mesure depuis 2021. La question est de savoir si la mesure vise à relancer l’économie ou simplement à fournir des liquidités supplémentaires pendant le Nouvel An lunaire. Il pourrait bien s’agir des deux raisons, soit de fournir des liquidités à court terme, puis de fournir un soutien économique par la suite.
Si la question est de savoir pourquoi la Chine ne réduit pas encore davantage ses taux compte tenu des difficultés économiques évidentes, la réponse est triple :
La relance du marché du logement pourrait s’avérer un jeu dangereux en raison des excès passés.
Les banques chinoises enregistrent déjà des marges nettes d’intérêts historiquement faibles et des taux plus bas risqueraient de leur nuire davantage.
La Chine est déjà préoccupée par la faiblesse de sa monnaie que les baisses de taux pourraient exacerber.
La Chine a déjà mis en œuvre quelques séries de mesures de soutien budgétaire, mais d’autres mesures sont probables. Elle pourrait émettre d’autres obligations spéciales à hauteur de 1 000 milliards de renminbis pour soutenir la croissance, puis possiblement en émettre d’autres au terme d’une importante réunion du Congrès en mars. Finalement, elle devra peut-être faire directement le ménage dans les créances immobilières irrécouvrables.
Le marché boursier du pays a aussi considérablement souffert au cours des derniers trimestres, le premier ministre Li ayant appelé à des efforts pour stabiliser le marché. Au cours des derniers jours seulement, les entités soutenues par l’État achèteraient des actions chinoises en grande quantité.
Déflation en Chine
Les prix à la production sont en chute libre en Chine depuis quelques années, reflétant la combinaison d’une économie faible et de la normalisation du prix des biens à l’échelle mondiale, après des gains explosifs (voir le graphique suivant).
Les prix à la production ont diminué en Chine et pourraient atteindre un creux
Données en décembre 2023. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : China National Bureau of Statistics (CNBS), Macrobond, RBC GMA
Aujourd’hui, les prix à la consommation sont aussi en chute libre en Chine, la mesure annuelle étant légèrement négative (voir le graphique suivant). Les prix à la consommation ont chuté d’un mois sur l’autre au cours de 7 des 12 derniers mois (voir le graphique suivant).
Les pressions déflationnistes persistent en Chine
Données en décembre 2023. Sources : CNBS, Macrobond, RBC GMA
La Chine est aux prises avec des pressions déflationnistes
Données en décembre 2023. Sources : CNBS, Macrobond, RBC GMA
La chute des prix à la consommation est un peu surprenante, pour les raisons suivantes :
L’économie chinoise – bien que décevante – se porte néanmoins mieux que lors du confinement de 2022.
La majeure partie du reste du monde est aux prises avec une inflation excessive.
La monnaie chinoise s’est dépréciée au cours des deux dernières années (une force théoriquement inflationniste par l’augmentation des prix à l’importation).
Alors pourquoi les prix à la consommation chutent-ils en Chine ? La meilleure réponse est une combinaison du vieillissement de la population, une autre similitude avec le Japon, d’une croissance économique décevante et de l’inefficacité de la Chine à mettre l’accent sur la stimulation de l’offre pour résoudre ce qui est sans doute un problème de demande inadéquate.
Nous ne sommes cependant pas convaincus que la Chine soit coincée dans la déflation. Elle subira probablement une inflation un peu moins élevée que de nombreux pays, mais inscrira possiblement des données positives modestes sur un horizon de plusieurs années.
Pourtant, dans l’intervalle, la déflation en Chine a soulevé plusieurs préoccupations. Certains se sont inquiétés de l’« effet déflationniste des exportations » de la Chine sur le reste du monde. Nous ne croyons pas qu’il s’agisse d’un réel problème à court terme, étant donné la forte inflation ailleurs dans le monde.
En outre, serait-ce si mauvais si la Chine exportait la déflation à long terme ? Elle a exporté la déflation au cours des dernières décennies sous la forme de biens de consommation toujours moins chers, ce qui a été une aubaine pour le reste du monde, permettant une hausse de la consommation et des taux d’intérêt plus bas qu’il n’aurait été possible autrement.
Le point le plus important, à notre avis, est simplement que la déflation reflète la faiblesse économique de la Chine. Cela signifie que la demande de la Chine n’aide pas autant l’économie mondiale qu’elle le pourrait autrement.
Changement démographique en Chine
Les enjeux démographiques de la Chine sont raisonnablement bien connus, mais il reste des statistiques étonnantes à faire connaître. Malgré l’abandon de la politique de l’enfant unique il y a plusieurs années, le taux de fécondité a continué de baisser, passant de 1,7 en 2017 à environ 1,0 en 2023. Comme de nombreux pays, la pandémie a fortement réduit le taux de fécondité de la Chine, sans signe de rebond. Même si le taux de fécondité se stabilise à partir de là, chaque génération chinoise représentera environ la moitié de la génération précédente. L’immigration est minime en Chine.
En Chine, le nombre de naissances est passé d’environ 16 millions en 2012 à moins de 10 millions en 2022. De même, le nombre de nouveaux mariages est passé de 13 millions en 2013 à seulement 6,8 millions en 2022.
Même si l’on se fonde sur les autres prévisions des Nations Unies concernant la fécondité moyenne pour la Chine, le nombre d’habitants du pays devrait passer de 1,4 milliard aujourd’hui à seulement 767 millions d’ici la fin du siècle. Compte tenu de l’hypothèse d’un léger accroissement démographique aux États-Unis (devant aboutir à 394 millions d’habitants), la population chinoise, aujourd’hui plus de quatre fois celle des États-Unis, représenterait moins du double de la population américaine d’ici le nouveau millénaire (voir le graphique suivant).
L’avantage démographique de la Chine s’estompe déjà
Données fondées sur les « Perspectives de la population mondiale 2022 ». Sources : Nations Unies, Macrobond, RBC GMA
Il se peut toutefois que ces projections soient faussement optimistes pour la Chine, car elles intègrent des taux de fécondité bien plus élevés que les taux actuels. Bien que la Chine puisse connaître un tournant où son taux de fécondité recommencerait à augmenter, rien ne permet de le prouver en ce moment, et l’histoire à l’échelle internationale montre que c’est rarement le cas.
Si la Chine suit plutôt les autres prévisions des Nations Unies laissant présager une faible fécondité (qui pourrait être toujours exagérée au vu des dernières évolutions !), la population chinoise passera de 1,4 milliard à seulement 488 millions d’habitants d’ici la fin du siècle. Voilà pour le moins une situation surprenante qui rendra la Chine beaucoup moins exceptionnelle sur le plan démographique (voir le graphique suivant). Une partie disproportionnée de cette population serait âgée, en fait. La population ne fait pas tout, mais reste un facteur important sur le plan de l’influence géopolitique et de la croissance économique. La Chine se heurtera à des limites si la trajectoire actuelle se poursuit.
Les projections de Nations Unies montrent une décroissance démographique en Chine
Sources : Perspectives de la population mondiale 2022, Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DAES de l’ONU), Macrobond, RBC GMA
Déclin de l’éducation aux États-Unis
Les États-Unis n’échappent pas à leurs propres défis économiques fondamentaux. Malgré les nombreux gains impressionnants de productivité qu’il a enregistrés, le pays affiche une vulnérabilité récente : la baisse de scolarisation des Américains. La proportion d’adultes américains titulaires d’un diplôme universitaire a diminué en 2022 pour la première fois depuis plusieurs dizaines d’années.
Le nombre d’étudiants inscrits dans les universités américaines a diminué régulièrement au cours des dix dernières années (voir le graphique suivant), au terme d’une augmentation constante préalable.
Le nombre d’étudiants inscrits à l’université diminue depuis le pic en 2010
Sources : National Centre for Educational Statistics (NCES), Digest of Educational Statistics 2022, RBC GMA
De même, la proportion d’Américains qui passent directement des études secondaires aux études universitaires a chuté assez brutalement au cours des cinq dernières années (de 70 % en 2016 à seulement 62 % en 2021) (voir le graphique suivant).
Le taux des inscriptions universitaires immédiates diminue depuis 2016
Nota : Les données représentent le pourcentage annuel d’étudiants qui obtiennent leur diplôme de l’enseignement secondaire et s’inscrivent immédiatement à un programme universitaire de deux ou quatre ans. Sources : Gallup, RBC GMA
Nous vous l’accordons : la fréquentation universitaire n’est pas le seul facteur intervenant dans le bilan du capital humain d’un pays. Parmi les autres facteurs importants, mentionnons la qualité de l’enseignement, les sujets étudiés, la question de savoir si ce sont les étudiants les plus talentueux qui décrochent un parcours universitaire, la répartition entre l’enseignement à temps plein et celui à temps partiel, la répartition entre les collèges préuniversitaires et les universités, et le fait de savoir si les étudiants acquièrent ultérieurement des diplômes professionnels ou d’études supérieures. De même, il existe de plus en plus de solutions pour acquérir des connaissances en dehors d’un établissement d’enseignement postsecondaire, notamment par la formation en cours d’emploi (formelle ou informelle), les certifications, les cours en ligne gratuits et l’Internet en général.
Pourtant, il est inquiétant de voir que moins d’Américains ont accès à l’enseignement postsecondaire. Que s’est-il passé ? Voici plusieurs explications possibles, dont certaines liées à la pandémie :
La crainte de tomber malade a conduit les gens à ne plus fréquenter l’école.
La détérioration du niveau de l’enseignement pendant la pandémie n’a pas permis à certains étudiants d’être aptes à poursuivre des études postsecondaires.
Certains ne disposaient pas de suffisamment de renseignements sur leurs options concernant les études universitaires lorsque les écoles secondaires et les conseillers en orientation opéraient en mode virtuel.
Beaucoup ne voulaient pas payer des droits de scolarité complets pour l’expérience limitée que procurent des études en ligne.
La dernière phase de la pandémie a été marquée par un marché du travail extrêmement solide qui a incité de nombreuses personnes à délaisser l’école.
Même si la pandémie n’a été que temporaire, les conséquences sur l’éducation peuvent perdurer, car reprendre les études peut être difficile après un certain temps.
Étant donné que plusieurs des tendances en matière d’éducation prévalaient avant la pandémie, d’autres explications sont possibles, dont les suivantes :
Faire des études universitaires aux États-Unis coûte maintenant très cher. En tenant compte de l’inflation, le coût global moyen est 2,8 fois plus élevé qu’en 1980. Les frais exigés par beaucoup d’établissements privés et situés en dehors des États-Unis sont beaucoup plus élevés.
Ce coût supplémentaire a deux conséquences. La première est que certaines personnes sont simplement laissées-pour-compte – elles n’ont pas les moyens de faire des études. La seconde est que le taux de retour aux études diminue. Bien que les personnes très instruites gagnent encore beaucoup plus que celles moins instruites (voir le graphique ci-dessous) et profitent d’un taux de chômage moyen moins élevé (voir le graphique suivant), le taux de rendement interne d’un enseignement universitaire est en déclin. Après avoir pris en compte les dépenses et les années de travail passées, un important sous-ensemble de disciplines génère un rendement négatif pur et simple, et d’autres sont tout simplement moins lucratifs qu’auparavant.
La rémunération augmente en fonction du niveau de scolarité
Données en date de 2022 – rémunération hebdomadaire médiane habituelle des travailleurs à temps plein de 25 ans et plus. Source : Bureau of Labor Statistics des États-Unis
Le taux de chômage diminue à mesure que le niveau de scolarité augmente
Données en date de 2022 pour les personnes de 25 ans et plus. Source : Bureau of Labor Statistics des États-Unis
Qu’il s’agisse de la baisse du taux de rendement de l’éducation postsecondaire, du mécontentement à l’égard des orientations politiques perçues ou de la crainte que les universités ne préparent pas suffisamment bien les étudiants pour le monde du travail, les sondages montrent que les Américains ont moins confiance dans la valeur des études universitaires aujourd’hui.
Quelles sont les répercussions de la diminution du niveau de scolarité aux États-Unis ? Le risque évident est que la croissance de la productivité aux États-Unis ralentit et que les revenus des Américains d’une génération à l’autre n’augmentent pas aussi rapidement que par le passé.
Il y a au moins deux contrepoids optimistes au chapitre de la productivité :
Les États-Unis ont obtenu des résultats inférieurs à ceux de nombreux autres pays avancés en ce qui concerne les tests standardisés internationaux depuis des décennies, et pourtant le pays est régulièrement en tête au chapitre de l’innovation, des entreprises de pointe et du revenu des ménages. Tant que les États-Unis continueront d’attirer la plupart des grands scientifiques, entrepreneurs et gens d’affaires du monde, les États-Unis se porteront bien, quel que soit l’état de l’éducation de l’Américain moyen.
Nous demeurons optimistes en ce qui concerne les avancées technologiques dans les années à venir. Il y a beaucoup de technologies emballantes dans le pipeline qui pourraient générer des gains de productivité rapides, que l’Américain moyen soit légèrement moins instruit ou non.
– Avec la contribution de Vivien Lee, de Vanita Maharj et d’Aaron Ma
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