Webémission
Notre plus récente webémission sur l’économie, intitulée « Poursuite du resserrement monétaire », est maintenant accessible.
La faiblesse économique persiste en Chine
Les données économiques de la Chine demeurent inférieures aux attentes (voir le graphique suivant).
L’essor consécutif à la réouverture en Chine a été de courte durée
En date du 14 juillet 2023. Sources : Citigroup, Bloomberg, RBC GMA
Au deuxième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) chinois n’a augmenté que de 0,8 % comparativement au trimestre précédent (environ +3 % sur une base annualisée). De plus, la production industrielle et les ventes au détail n’ont progressé que de 4 % et 3 %, respectivement, par rapport à l’an dernier. Manifestement, bon nombre d’indicateurs économiques chinois sont à la baisse ou au ralenti (voir le graphique suivant).
En Chine, les indicateurs économiques mensuels affichent une tendance à la baisse
En date de mai 2023. Moyenne de 2019, indexée à 100. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Dans ce contexte, nous continuons d’anticiper de nouvelles mesures de relance de la part de la Chine. Cette dernière est loin d’être dans une situation économique enviable. Cela dit, elle a au moins l’avantage de faire face à une cohérence entre la faiblesse de l’économie et l’inflation basse, deux facteurs plaidant en faveur d’une même solution politique.
Il est peu probable que l’intervention soit aussi spectaculaire qu’aux États-Unis. Il devrait plutôt s’agir de mesures ciblées qui s’orientent davantage vers des changements de règles que vers des dépenses monétaires. Par exemple :
- les promoteurs immobiliers en difficulté se sont récemment vu accorder une année supplémentaire pour rembourser leurs prêts ;
- le processus d’introduction en bourse a été légèrement simplifié pour les entreprises ;
- d’autres baisses de taux sont tout à fait envisageables et on s’attend également à de nouvelles mesures de soutien pour le marché immobilier.
Par ailleurs, alors que l’optimisme à l’égard de la Chine était excessif au début de 2023, le pays fait maintenant sans doute l’objet de trop de pessimisme.
La grève dans les ports de la Colombie-Britannique perturbe le commerce
Les débardeurs de 30 ports de la Colombie-Britannique ont récemment mené une grève qui a duré 13 jours. En conséquence, pas moins de 63 000 conteneurs sont restés coincés sur des navires et les échanges commerciaux ont été perturbés à hauteur de 10 milliards de dollars canadiens. De toute évidence, cette grève ravivera temporairement les problèmes de chaîne logistique au Canada. Il sera plus difficile de se procurer certains produits, l’économie ralentira légèrement et l’inflation risque de monter un peu.
Cependant, les effets seront temporaires et le coût économique, bien inférieur à 10 milliards de dollars canadiens. En fait, ce montant représente la valeur des marchandises qui n’ont pas pu transiter par les ports, mais elles finiront par se rendre à destination. En outre, la valeur ajoutée normalement fournie par les ports pour ces marchandises est loin d’atteindre 10 milliards de dollars canadiens. L’expédition d’une pièce d’équipement d’un million de dollars par l’intermédiaire d’un port n’ajoute pas un million de dollars au PIB. C’est la production de cette pièce qui génère la majeure partie de cette somme, la valeur ajoutée liée à l’expédition étant relativement modeste.
Bien sûr, dans la mesure où les entreprises comptaient sur la réception de leurs marchandises retardées, il y a aussi une perte temporaire découlant de l’entrave à leur capacité de fonctionner normalement.
Des recherches universitaires estiment que les dommages à la production économique annuelle du Canada sont de l’ordre de -0,02 % – ce qui est minime. Ils pourraient toutefois se refléter dans les données économiques mensuelles, soustrayant temporairement 0,2 % de la production d’un mois en particulier avant que cette perte ne soit récupérée au cours des mois suivants. La production économique mensuelle de la Colombie-Britannique pourrait reculer d’un point de pourcentage ou plus, mais encore une fois, il s’agirait seulement d’un effet provisoire. L’incidence sur l’inflation est plus difficile à prévoir, mais on peut présager qu’elle n’augmentera pas plus que de quelques dixièmes de point de pourcentage, et ce, passagèrement.
Les données économiques s’affaiblissent légèrement
Bien que les données économiques restent loin d’être mauvaises, les principales publiées en juin ont un peu fléchi. L’indice ISM du secteur des services a continué d’évoluer de façon horizontale et assez volatile. Celui du secteur manufacturier demeure faible et s’oriente même légèrement à la baisse. Ces résultats correspondent déjà à une contraction du secteur manufacturier et se rapprochent du seuil à partir duquel l’économie dans son ensemble est habituellement touchée (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, les secteurs de la fabrication et des services ont perdu de la vigueur
En date de juin 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Institute for Supply Management, Haver Analytics, RBC GMA
Les données sur l’emploi aux États-Unis ont aussi été faibles pour le mois de juin. En termes absolus, les 209 000 emplois créés renvoient un signal plutôt positif ; c’est tout à fait suffisant pour soutenir la progression de l’économie. En revanche, la plupart des autres aspects du rapport ont donné lieu à une interprétation moins favorable. Ce nombre est inférieur aux prévisions générales et représente une baisse de 100 000 emplois comparativement au mois précédent (voir le graphique suivant). Il s’agit en fait du résultat le plus faible en deux ans et demi. En outre, les données des deux mois antérieurs ont été revues à la baisse (-110 000).
La croissance de l’emploi aux États-Unis persiste, mais ralentit
En date de juin 2023. Sources : Bureau of Labour Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
De surcroît, les emplois créés en juin étaient concentrés dans l’administration publique, les soins de santé et l’assistance sociale. Certes, il s’agit de très bons emplois, mais pas du genre qui indique un regain de confiance des dirigeants d’entreprise envers l’avenir. Dans les autres secteurs, nous continuons de suivre la détérioration graduelle concernant les inscriptions au chômage et les offres d’emploi.
Au Canada, 60 000 emplois (ajout de 110 000 postes à temps plein et perte de 50 000 postes à temps partiel) ont été créés en juin, un résultat impressionnant. Néanmoins, l’enthousiasme suscité par ce nombre doit être tempéré par le fait que 17 000 emplois ont été perdus le mois précédent et qu’avec l’arrivée d’environ un million de personnes par année au pays, il faudrait créer plus de 50 000 emplois par mois juste pour suivre le rythme. Dans cet ordre d’idée, le taux de chômage est passé de 5,2 % à 5,4 % en juin, une nouvelle hausse par rapport au creux de 5,0 % enregistré en avril. Comme aux États-Unis, la création d’emplois a aussi été concentrée dans des secteurs qui en disent peu sur la confiance des entreprises : la santé, l’éducation et l’administration publique.
D’autre part, alors que la croissance du PIB du Canada s’est établie à 0,0 % en avril, les indicateurs préliminaires laissaient entrevoir une hausse importante de 0,4 % en mai. À l’inverse, l’Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada était beaucoup moins optimiste :
- nouvel affaiblissement de l’indicateur global ;
- détérioration des conditions d’affaires ;
- attentes modestes en matière de ventes ;
- diminution des intentions d’investissement ;
- intensification des inquiétudes au sujet de la croissance de la demande des consommateurs parallèlement à l’atténuation de celles concernant la pénurie de main-d’œuvre et les chaînes logistiques.
Les tendances relatives aux dépenses de consommation sont contrastées
Les dépenses de consommation corrigées de l’inflation continuent d’augmenter progressivement (voir le graphique suivant).
La consommation demeure robuste aux États-Unis
Consommation des particuliers en avril 2023, ventes au détail en mai 2023. Sources : U.S. Bureau of Economic Analysis, U.S. Bureau of Labor Statistics, U.S. Census Bureau, Macrobond, RBC GMA
En théorie, cela ne se produira pas : les consommateurs s’apprêtent probablement à serrer la vis. Les aides à la consommation ont en grande partie disparu. L’inflation a érodé le pouvoir d’achat des consommateurs. De même, les taux d’intérêt élevés ont dévoré leur revenu disponible, ce qui a contrebalancé la forte création d’emploi des dernières années. Aux États-Unis, le taux d’épargne des particuliers est anormalement bas et les emprunts par carte de crédit ont bondi de plus de 15 % d’une année à l’autre.
Nous voyons maintenant les sociétés s’étonner de la perte d’enthousiasme des consommateurs. Il n’y a pourtant rien de nouveau : depuis plus d’un an, les détaillants de produits à bas prix grignotent des parts de marché au détriment des détaillants de produits de qualité intermédiaire. Cependant, le dernier Amazon Prime Day s’est accompagné de promotions plus importantes que d’habitude, ce qui représente une aubaine pour les clients, mais aussi un signal que les consommateurs sont plus hésitants. Parmi les autres signes, citons les suivants :
- le public des parcs d’attractions de Disney est nettement plus mince cet été qu’au cours des dernières années ;
- les restaurants haut de gamme constatent une baisse des dépenses fastueuses ;
- plusieurs aéroports signalent que leurs volumes ont atteint un plafond ;
- les dépenses de rénovation domiciliaire se concentrent sur des projets plus modestes.
Dans un avenir proche, 45 millions d’Américains subiront une brusque augmentation de leurs dépenses estimée à 400 $ par mois (en moyenne), avec la reprise des remboursements des prêts étudiants à la suite de la pause prolongée durant la pandémie. La reprise de ces versements de 70 milliards de dollars par an entraînera une coupe de 0,6 % environ dans les revenus personnels et de 0,2 % environ dans les dépenses personnelles.
La Cour suprême vient de réduire à néant les efforts déployés par l’administration Biden pour annuler une partie de la dette des étudiants.
Une question en suspens est de savoir dans quelle mesure l’essor des dépenses de consommation des dernières années est simplement lié aux mesures de stimulation et aux achats de rattrapage, ou au fait que les consommateurs ont fait le bilan de leur vie après le traumatisme de la pandémie et réalisé qu’ils ne s’étaient pas suffisamment fait plaisir auparavant. Si tel est le cas, cela pourrait justifier une augmentation structurelle des dépenses de consommation consacrées aux passe-temps et autres biens et services personnels, peut-être au détriment des dépenses plus tard à la retraite.
Les réflexions sur la récession entraînent des changements dans nos prévisions
La récession annoncée depuis si longtemps tarde à se manifester dans la plupart des pays. Il y a un an, cette révélation aurait été surprenante compte tenu des nombreux obstacles attendus au cours des 12 mois à venir. L’économie américaine se maintient juste au-dessus de sa vitesse de décrochage théorique (voir le graphique suivant).
L’économie américaine n’est pas encore au-dessous de sa « vitesse de décrochage »
En date du premier trimestre de 2023. La vitesse de décrochage est égale à une fonction lissée du taux de croissance tendancielle du produit intérieur brut moins 1,6 point. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Malgré tout, nous pensons que la récession reste plus probable qu’improbable. Nous pourrions cependant abaisser cette probabilité de 80 % à 70 %. Ce changement reflète l’observation que l’économie se maintient depuis déjà un certain temps, et que certaines difficultés telles que l’inflation et le choc énergétique se sont résorbées au cours des derniers trimestres.
La prévision de récession repose sur trois facteurs :
- La forte et rapide hausse des taux d’intérêt survenue ces 18 derniers mois pourrait se traduire par une récession, selon notre modèle économétrique le plus sophistiqué. De fait, plusieurs banques centrales ont récemment resserré leurs politiques un peu plus que prévu, ou envisagent de le faire.
- Notre feuille de pointage de la récession continue de montrer une forte probabilité de récession, d’après des facteurs tels que l’inversion de la courbe de rendement.
- Notre recherche sur le cycle économique suggère que nous sommes probablement en « fin de cycle », ou au moins à un stade avancé du cycle économique.
Nous observons aussi des signes de récession plus modestes :
- Le gonflement des stocks est un signe que le risque de ralentissement est plus élevé que la normale (voir le graphique suivant).
Les sociétés américaines ont entièrement (voire plus qu’entièrement) reconstitué leurs stocks
En date de mars 2023. Ratio stocks-ventes réel de l’ensemble des secteurs manufacturiers et commerciaux. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis, Haver Analytics, RBC GMA
- Le personnel de la Réserve fédérale américaine continue de prévoir une récession.
- Les taux des fonds fédéraux corrigés de l’inflation continuent de monter en flèche à mesure que l’inflation recule. En fait, le resserrement monétaire se poursuit, que les banques centrales augmentent le taux d’intérêt nominal ou non (voir le graphique suivant).
Les taux réels des fonds fédéraux américains montent en flèche à mesure que la Fed augmente ses taux
Au 17 juillet 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA
- Quelques pays ou régions ont déjà sombré dans la récession, dont l’Allemagne, la zone euro et maintenant la Nouvelle-Zélande. Certes, chacune de ces régions a été victime d’une combinaison de facteurs particuliers, d’une incidence limitée dans les autres parties du monde. Par exemple, le choc énergétique a nui à l’Allemagne et à la zone euro, tandis que des intempéries conjuguées à des mouvements de grève ont fait des dégâts en Nouvelle-Zélande. Cela dit, la faiblesse est indéniablement à l’ordre du jour. On pourrait même dire que la Chine souffre de quelque chose qui ressemble à une récession. Dans les marchés émergents, une croissance de moins de 3 % par an est parfois considérée comme l’équivalent d’une récession. Or, la Chine a glissé sous ce seuil l’année dernière, et à nouveau au deuxième trimestre de cette année.
Cependant, la question à examiner au plus près est le moment auquel se produira la récession. Nous avions prévu une récession aux troisième et quatrième trimestres de 2023, notamment parce que l’impact de la hausse des taux d’intérêt devait particulièrement se faire sentir à ce moment-là. Nous y sommes. La période a commencé il y a plusieurs semaines, pourtant aucune récession n’apparaît.
Il est vrai que les données économiques sont publiées avec un certain décalage et qu’il faudra des semaines, voire des mois avant d’avoir une image complète de juillet, sans parler des mois d’août et de septembre. Et sans aucun doute, les récessions peuvent éclater à la vitesse de l’éclair. Cependant, si nous restons réalistes, la probabilité que cela se produise dans les deux prochains mois n’est pas élevée. Par conséquent, nous modifions notre scénario de base pour reporter la récession au dernier trimestre de 2023 et au premier trimestre de 2024, tout en reconnaissant qu’il est encore possible qu’elle survienne plus tôt.
L’inflation a ralenti en juin
Heureusement, l’inflation continue de fléchir dans la plupart des pays. Le mois de juin a connu un important repli de l’inflation aux États-Unis, où le taux a d’un seul coup chuté de 4,0 % à 3,0 % en variation annuelle. En toute justice, la majeure partie de cet apaisement est attribuable à la base de comparaison favorable, étant donné que la gigantesque hausse des prix survenue depuis juin 2022 n’a pas été prise en compte dans cette variation annuelle. Néanmoins, les dernières statistiques de juin ont confirmé une modération, reflétant une hausse d’à peine 0,18 % d’un mois sur l’autre.
Plus important encore, l’inflation de base, qui a eu beaucoup plus de mal à ralentir au cours de la dernière année, a progressé de seulement 0,16 % en variation mensuelle. Étant donné que les trois mois précédents avaient enregistré des augmentations importantes de 0,4 %, une telle décélération de l’indice des prix à la consommation (IPC) est significative. Ce taux est le plus modeste jamais vu depuis plusieurs années (voir le graphique suivant).
L’indice des prix à la consommation américain affiche un notable recul
En date de juin 2023. Sources : Bureau of Labour Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Autres tendances importantes :
- les prix des véhicules se sont remis à baisser ;
- les coûts d’habitation entament le ralentissement attendu depuis longtemps, dont le début est annoncé pour la mi-2023 ;
- l’inflation des biens continue de baisser fortement ;
- l’inflation des services hors habitation a maintenant tendance à se tasser nettement ;
- l’inflation de l’habitation amorce une correction (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, l’inflation des biens et des services est en baisse, et celle de l’habitation, en passe de fléchir
En date de juin 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
Aux États-Unis, l’indice des prix à la production frôle la déflation, avec un taux d’augmentation de 0,1 % seulement d’une année sur l’autre (voir le graphique suivant).
L’inflation ralentit aux États-Unis
En date de juin 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labour Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Un fait important : l’ampleur de l’inflation continue aussi de s’atténuer. Alors que 33 % du panier des consommateurs aux États-Unis augmentait de plus de 10 % par année en septembre dernier, ce taux était seulement de 8 % récemment (voir le graphique suivant).
L’inflation élevée est de moins en moins généralisée aux États-Unis
En date de juin 2023. Part des composantes de l’indice des prix à la consommation dont la baisse en pourcentage d’une année sur l’autre correspond aux fourchettes indiquées. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Force est de constater que les chiffres de l’inflation en temps réel semblent s’améliorer un peu moins vite au début de juillet par rapport aux quelques mois précédents. Cela dit, ils sont toujours en baisse (voir les deux prochains graphiques).
L’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats s’améliore lentement
Indice de l’inflation de PriceStats au 10 juillet 2023, indice des prix à la consommation en date de juin 2023. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA
L’indice quotidien de l’inflation au Canada de PriceStats s’améliore aussi lentement
Indice de l’inflation de PriceStats au 10 juillet 2023, indice des prix à la consommation en date de mai 2023. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA
En revanche, l’inflation au Royaume-Uni se porte beaucoup moins bien. L’envolée des salaires pourrait compromettre la maîtrise de l’inflation sans resserrement drastique de la politique monétaire (voir le graphique suivant).
Au Royaume-Uni, la rémunération hebdomadaire moyenne augmente fortement
En date d’avril 2023. Sources : Office of National Statistics du Royaume-Uni, Macrobond, RBC GMA
Risque de regain de l’inflation
L’inflation globale s’est beaucoup améliorée, quoique l’amélioration soit sans doute exagérée. Les prix de l’essence qui ont fortement chuté au cours de la dernière année y sont pour beaucoup. Il est toutefois peu probable que cette tendance baissière se poursuive indéfiniment. Alors que l’inflation globale aux États-Unis n’est que de 3,0 % d’une année sur l’autre, l’inflation hors carburants reste de 5,3 % d’une année sur l’autre (voir le graphique suivant). L’inflation, sans l’aide artificielle de la déflation de l’essence, dépasse encore de trois points de pourcentage le taux normal. Elle a encore beaucoup de chemin à parcourir.
Aux États-Unis, l’inflation de l’essence a diminué beaucoup plus rapidement que celle des autres biens et services
En date de juin 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
Il est probable que l’inflation ne restera pas bloquée à 10 %, mais le risque existe qu’elle reste coincée dans une fourchette élevée de 4 à 5 %. (Pour rappel, notre scénario de base prévoit que l’inflation reviendra à un taux gravitant autour de 2,5 %.)
Risque de baisse de l’inflation
À l’extrême opposé, il appert assez improbable que la déflation représente un risque sérieux. Malgré tout, il reste utile de reconnaître qu’il existe bel et bien un scénario réel dans lequel l’inflation s’établit nettement en deçà des attentes générales. La politique monétaire est passée d’une stimulation extrême à un resserrement important, les prix des marchandises ont chuté de façon marquée, les problèmes de chaîne logistique sont pour la plupart résolus et une récession pourrait être imminente.
Les prix de certains produits ont trop augmenté pour diverses raisons : les matières premières ont temporairement été plus chères, il y a eu des pénuries et les conditions de marché ont permis aux marges bénéficiaires de progresser. Certains de ces facteurs peuvent s’inverser au lieu de simplement disparaître. Certaines sociétés comme Whole Foods et Walmart exercent des pressions sur leurs fournisseurs, ce qui pourrait favoriser une déflation. Les prix des voitures chutent à nouveau après d’importantes hausses. Les prix des puces informatiques continuent de baisser après avoir augmenté (voir le graphique suivant).
La pénurie de puces diminue
En date de juin 2023. La puce DDR4 de densité standard utilisée est la puce DDR4 de 8 Go, 1 G x 8, 2 400/2 666 MHz. Sources : InSpectrum Tech, Bloomberg
Au niveau international, deux pays illustrent le risque de baisse de l’inflation. Le premier est l’Espagne, dont l’IPC n’a progressé que de 1,9 % d’une année sur l’autre, ce qui est légèrement inférieur à l’objectif de 2,0 % de la Banque centrale européenne (BCE). Étonnamment, c’est moins d’un tiers du taux d’inflation en Allemagne.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette remarquable faiblesse ? C’est un mélange de conditions économiques, de facteurs structuraux et de politiques gouvernementales. L’Espagne enregistre le plus haut taux de chômage de l’Union européenne (UE), limitant ainsi les pressions axées sur la capacité. Le principal facteur structurel est que le réseau espagnol de gaz naturel est moins intégré au reste de l’UE que ses pairs. Par conséquent, les coûts énergétiques du pays n’ont pas autant grimpé qu’ailleurs lorsque la Russie a cessé sa distribution.
Parmi les politiques gouvernementales utiles, mentionnons le plafonnement du prix de l’essence, une réduction de la taxe de vente sur les fruits et légumes et de nouveaux contrôles des loyers limitant les augmentations à 3 % par an. (Notons que même si ces politiques ont contribué à limiter l’inflation à court terme, elles ne sont pas nécessairement optimales sur le plan économique à long terme.)
Le deuxième pays est la Chine, dont l’IPC est de 0,0 % d’une année sur l’autre, et dont l’indice des prix à la production a chuté de 5,4 % au cours de la dernière année. La Chine se démarque nettement des autres pays. Elle n’a jamais vraiment connu de flambée initiale de l’inflation, d’abord en grande partie parce qu’elle n’a pas pris le genre de mesures de relance prises par les autres pays durant la pandémie. Ensuite, étant le point de départ de nombreuses chaînes logistiques, ses propres problèmes de chaîne logistique ont été considérablement moins dommageables que pour la plupart. Enfin, comme son économie était plus ouverte que la plupart durant la majeure partie de la pandémie, il n’y a pas eu de folles ruées à la dépense tandis que les restrictions étaient levées.
À l’inverse, on pourrait soutenir que la Chine est tout simplement à la traîne par rapport aux autres pays. Elle a rouvert son économie il y a à peine sept mois, et pourrait donc être sur le point de connaître une flambée de l’inflation en accusant le même retard d’un an après sa réouverture que les autres pays. Si cette hypothèse s’avérait, la Chine pourrait être aux prises avec une inflation considérablement plus élevée l’année prochaine. Toutefois, sans réouverture simultanée avec les autres pays et avec une économie relativement faible, l’inflation devrait rester relativement maîtrisée en Chine.
Les circonstances de l’Espagne et de la Chine sont suffisamment uniques pour ne pas offrir d’exemple particulièrement utile aux autres pays qui cherchent à échapper à l’inflation. Elles démontrent cependant que l’inflation peut être normale, voire faible dans le contexte actuel. Certains pays sont susceptibles de leur emboîter le pas, et l’inflation pourrait plus généralement être inférieure aux attentes.
Les banques centrales continuent de relever les taux
Les banques centrales sont sur le point de resserrer leur politique monétaire plus que nous le prévoyions il y a tout juste un trimestre. La Banque du Canada a déjà relevé à 5,00 % le taux du financement à un jour, dépassant le plafond de 4,50 % prévu précédemment. Il semble que la Réserve fédérale américaine décrétera encore au moins une hausse de taux, dépassant elle aussi les attentes.
En quelques mots, si le secteur économique le plus sensible aux variations des taux d’intérêt – le logement – se rétablit à un moment où l’économie est déjà en surchauffe, c’est que les taux d’intérêt ne sont tout simplement pas assez élevés pour atteindre l’objectif de normalisation de l’inflation.
Toutefois, après la publication d’un rapport faisant ressortir un ralentissement de l’inflation aux États-Unis, la semaine dernière, les attentes du marché se sont quelque peu estompées. La Fed devrait mettre fin au relèvement des taux après sa prochaine hausse de 25 points de base (pb), et le marché suppose désormais que la Banque d’Angleterre s’arrêtera lorsque les taux tourneront autour de 6 % plutôt que de 6,5 %.
Ce dernier tour de vis se révélera-t-il particulièrement efficace ? La théorie économique soutient généralement que chaque hausse de taux de 25 pb contribue à ralentir l’économie dans une mesure à peu près équivalente. Un resserrement monétaire d’environ 50 pb de plus ne fait donc pas une grande différence. Mais malgré ce que disent les modèles économiques, on peut raisonnablement avancer que ce dernier resserrement pourrait avoir plus d’effet que d’habitude :
- Premièrement, non seulement les taux directeurs sont-ils actuellement sensiblement plus élevés que leurs sommets cycliques atteints en 2019, mais ils commencent aussi à dépasser les sommets cycliques atteints en 2007. Autrement dit, ce sont les taux directeurs les plus élevés depuis le début du millénaire. Le fait de n’avoir pas déjà connu des taux d’intérêt aussi élevés pourrait entraîner un effet démesuré sur le comportement des entreprises et des ménages.
- Deuxièmement, en effectuant un resserrement monétaire légèrement plus marqué que prévu, les banques centrales indiquent qu’elles ne renonceront pas à atteindre leurs cibles d’inflation. Si elles ne parviennent pas à maîtriser l’inflation, elles relèveront encore davantage leurs taux, ce qui pourrait refroidir les ardeurs des emprunteurs.
- Troisièmement, et ce n’est peut-être qu’un exemple plus précis du point précédent, ce resserrement supplémentaire est un appel au calme lancé aux marchés du logement. Ceux-ci ont commencé à reprendre de la vigueur lorsqu’ils ont cru que le cycle de resserrement était terminé, mais les banques centrales disent « pas si vite ». Peut-être le marché du logement y repensera-t-il à deux fois avant de se redresser aussi rapidement.
Une dernière réflexion en ce qui concerne les banques centrales : il convient de souligner le travail des banques centrales des pays émergents. Elles ont été les premières à relever leurs taux, reconnaissant bien avant les banques centrales des pays émergents qu’il fallait s’attaquer à la montée de l’inflation et amorçant un durcissement monétaire sérieux une année plus tôt. Les pays émergents sont extrêmement sensibles à l’inflation, car les anticipations inflationnistes y sont beaucoup moins arrimées, une plus grande partie de leur panier des prix est composée de marchandises dot les prix sont volatils et les banques centrales doivent aussi craindre les sorties de capitaux.
Ces mêmes banques centrales de pays émergents pourraient désormais servir d’indicateur avancé pour les banques centrales des pays développés, mais dans le sens contraire. La Chine a déjà abaissé ses taux, mais elle avance à son propre rythme. Des bruits courent selon lesquels d’autres géants asiatiques, comme l’Inde, la Corée du Sud et peut-être l’Indonésie abaisseront leurs taux d’intérêt cet automne. Le Brésil pourrait réduire son taux directeur dès le mois d’août. Les pays développés n’abaisseront probablement pas leurs taux d’intérêt avant 2024, et des avis préliminaires pourraient provenir des marchés émergents.
Une société en déclin ? Deuxième partie
On a l’impression que la société se dégrade, ce qui pourrait avoir des répercussions sur la durabilité de la croissance économique à long terme. Nous avons abordé ce sujet pour la première fois à la fin de l’année dernière, dans une section intitulée « Une société en déclin ? ».
Nos conclusions étaient moins apocalyptiques qu’on aurait pu le craindre. Selon les données américaines, certains aspects de la société montraient des problèmes croissants : ainsi, les décès causés par des surdoses augmentent de façon importante. Par contre, d’autres tendances sociales sont plus positives :
- bien que préoccupante, l’itinérance n’est pas aussi répandue qu’on l’imagine généralement ;
- le nombre de familles monoparentales s’est stabilisé ;
- le taux de divorce a remarquablement chuté ;
- le taux de criminalité, bien qu’il soit plus élevé qu’avant la pandémie, reste nettement inférieur à ce qu’il était au cours des décennies précédentes.
Dans les mois qui ont suivi, nous avons élaboré de nouveaux baromètres sociaux qui fournissent des points de vue supplémentaires. Ils laissent aussi entrevoir des conclusions nuancées.
Commençons par les mauvaises nouvelles. La part de la population des États-Unis qui souffre d’obésité continue d’augmenter, du moins selon les données de 2019 accessibles au public (voir le graphique suivant). Cette situation a une incidence négative sur la qualité de vie et la longévité, entre autres.
La part de la population des États-Unis qui souffre d’obésité continue d’augmenter
Données en date de 2019. Sources : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Macrobond, RBC GMA
Malheureusement, le taux de suicide augmente depuis plusieurs décennies. Cependant, malgré cette tendance haussière à long terme, il est surprenant que le taux de suicide ait chuté à un niveau exceptionnellement bas en 2020 pendant l’étape la plus stressante de la pandémie. Il n’était toujours pas supérieur au niveau antérieur à la pandémie au cours de l’année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles (2021).
Hausse du nombre total de décès par suicide
En 2021. Sources : centres de contrôle et de prévention des maladies, National Vital Statistics System (NVSS), RBC GMA
La part de la population américaine en situation de handicap continue d’augmenter (voir le graphique suivant). La situation n’est toutefois pas aussi défavorable qu’il y paraît. Selon une recherche du Census Bureau, cette augmentation est beaucoup moins importante (voire inexistante) si l’on tient compte du vieillissement de l’Américain moyen.
Augmentation de la part de la population américaine souffrant d’un handicap
En 2021. Sources : National Institute on Disability, Independent Living and Rehabilitation Research, Macrobond
Fait surprenant, les troubles mentaux, dont la tendance est maintenant plus favorable, sont en baisse depuis le début du millénaire (voir le graphique suivant). Reconnaissons que ce chiffre commençait à augmenter lors de la publication des dernières données en 2019, mais pas assez pour effacer les gains antérieurs. Il est certes étonnant que les troubles mentaux aient diminué alors que le taux de suicide a grimpé au cours des années 2010.
Baisse de la part de la population souffrant de troubles mentaux depuis 2000
Données en 2019. Les troubles mentaux comprennent la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires, les troubles alimentaires et la schizophrénie. Sources : Institute for Health Metrics & Evaluation, Global Burden of Disease, Our World in Data, RBC GMA
Pour finir, le niveau de scolarisation continue de progresser à un rythme impressionnant (voir le graphique suivant). On compte beaucoup plus de diplômés d’études secondaires qu’il y a dix ans. Il en va de même pour les diplômés d’études postsecondaires. Les pessimistes souligneront que la qualité de l’enseignement s’est relativement dégradée, mais dans l’ensemble, on peut conclure que le capital humain progresse.
Hausse de la part des Américains adultes détenant au moins un diplôme d’études secondaires
En 2021. Sources : Census Bureau des É.-U., Macrobond, RBC GMA
Il n’existe aucun moyen facile de quantifier l’importance de l’obésité par rapport à l’éducation, ou du taux de suicide par rapport au taux de criminalité. Nous pouvons à tout le moins reconnaître que quelques marqueurs sociaux non économiques se détériorent sans contredit, tandis que d’autres s’améliorent. La dernière série d’indicateurs penche un peu plus vers le côté négatif, alors que les premiers indicateurs publiés en décembre étaient plutôt positifs. Presque tous les indicateurs sont nuancés.
Il est certain que des améliorations sont souhaitables et que de nombreux problèmes doivent être résolus. Toutefois, malgré la croyance populaire, l’Occident n’est pas en train de s’effondrer à tous égards.
-Avec la contribution de Vivien Lee, de Thao Le et d’Aaron Ma
Vous aimeriez connaître d’autres points de vue d’Eric Lascelles et d’autres dirigeants avisés de RBC GMA ? Vous pouvez lire leurs réflexions dès maintenant.