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Par  Eric Lascelles 13 juin 2023

Contenu de cet article :

Technologie et économie

Nous sommes optimistes quant aux perspectives de croissance de la productivité depuis quelque temps déjà. Cette confiance s’explique en partie par le fait qu’il sera facile de surpasser les piètres gains de la dernière décennie et en partie par la quantité impressionnante de projets de recherche et de développement en cours. De plus, la Chine vient d’atteindre la frontière technologique, de sorte que 1,4 milliard de personnes peuvent maintenant contribuer à l’avancée des connaissances.

Cependant, ce sont surtout les technologies prometteuses actuellement mises au point qui appuient nos attentes en matière de productivité. L’intelligence artificielle (IA) est sans doute le domaine le plus porteur et plus particulièrement l’IA générative. Cette technologie produit du texte, des images et d’autres médias à l’aide de modèles décelés dans les données abondantes qui circulent sur Internet (ou ailleurs).

L’enthousiasme soulevé par l’IA générative est suffisamment vif pour avoir une incidence visible sur les investissements . . . Nous doutons toutefois que l’augmentation des investissements soit suffisante pour neutraliser les forces récessionnistes à court terme.

L’IA générative représente à tout le moins la prochaine étape d’amélioration des recherches sur Internet. Les moteurs de recherche actuels fournissent à l’utilisateur une liste de sites Web à consulter pour le sujet demandé. L’IA générative peut résumer tous ces sites en un seul rapport (généralement) cohérent. La technologie est encore imparfaite ; par exemple, elle crée des articles de toutes pièces, elle peut être influencée par la manière dont les questions sont posées et elle ne sait pas bien distinguer les sources de grande de celles de mauvaise qualité. Il s’agit néanmoins d’un progrès considérable dans l’indexation d’Internet (bien qu’on puisse se demander qui se donnera la peine de produire du contenu pour les sites Web, si l’IA générative est de plus en plus utilisée).

De manière tout aussi prometteuse, lorsqu’elle est entraînée à l’aide de données pertinentes (sachant que la qualité des données sortantes dépend de celle des données entrantes), l’IA générative semble capable d’effectuer des tâches comme programmer, mener des recherches juridiques approfondies, passer en revue des articles universitaires, fournir du service à la clientèle et bien d’autres choses. Cette technologie est également utile pour rédiger des textes simples et standardisés, comme une offre d’emploi. Ses applications se multiplieront probablement à l’avenir.

L’IA évolue aussi rapidement dans le domaine de la détection. Ainsi, la reconnaissance vocale progresse à pas de géant ; la technologie de la vision s’améliore au point que les voitures autonomes sont de plus en plus envisageables (même si elles arrivent dix ans plus tard qu’on l’avait imaginé) ; et la manipulation d’objets par les robots gagne en précision.

Outre l’IA, de nouvelles technologies révolutionnent le secteur de la santé, comme les vaccins à ARNm, dont le potentiel est énorme, et l’édition génomique à l’aide du système CRISPR (courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées) aux possibilités apparemment infinies.

Les technologies vertes ne sont pas en reste, de même que l’Internet des objets et l’informatique quantique. Et on espère toujours que la fusion nucléaire finira par être maîtrisée. De nouvelles applications pourraient aussi être trouvées pour la réalité virtuelle, les registres distribués et l’impression 3D.

Nous doutons toutefois que l’augmentation des investissements soit suffisante pour neutraliser les forces récessionnistes à court terme.

À court terme, l’enthousiasme soulevé par l’IA générative est suffisamment vif pour avoir une incidence visible sur les investissements. Certains fabricants spécialisés de puces informatiques enregistrent déjà une hausse substantielle de leurs profits, alors que les entreprises se démènent pour tirer parti de la nouvelle technologie ou, au moins, éviter d’être dépassées.

Nous doutons toutefois que l’augmentation des investissements soit suffisante pour neutraliser les forces récessionnistes à court terme. Les entreprises hésitent à dépenser en raison des craintes de récession. De plus, elles ne peuvent pas se procurer le matériel informatique requis ni embaucher les travailleurs possédant les compétences nécessaires pour les utiliser en raison de l’insuffisance de l’offre.

L’effet de richesse exerce également une influence positive modeste à court terme : la valeur de certaines sociétés de technologie a grimpé en flèche. La richesse additionnelle qui en résulte pourrait être en partie réinjectée dans l’économie.

Toutefois, le principal point à retenir est qu’il faut souvent beaucoup de temps, étonnamment, avant que les nouvelles technologies stimulent la productivité. Comme l’économiste Robert Solow l’a noté en 1987, l’arrivée des ordinateurs a eu des répercussions partout, sauf sur les statistiques de productivité. En fait, peaufiner les nouvelles technologies, leur trouver des applications utiles, les diffuser, enseigner leur utilisation aux travailleurs et les intégrer dans les activités des entreprises, tout cela prend du temps. Il a fallu plusieurs décennies dans le cas des ordinateurs. Certes, les technologies qui ont suivi ont été intégrées plus rapidement. Néanmoins, il vaut mieux s’attendre à ce que la productivité ne s’améliore pas beaucoup avant plusieurs années.

Les nouvelles technologies génèrent souvent des forces déflationnistes. Mais à notre avis, les moteurs d’inflation à long terme l’emporteront.

À long terme, nous croyons que la croissance de la productivité pourra s’accélérer un peu plus qu’elle le ferait sans les nouvelles technologies. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure : est-ce que la productivité augmentera de seulement 1,25 % par an ou bien de 2,50 % ou plus, comme durant les périodes de croissance la plus forte ? Le rythme de la croissance dépendra en grande partie de la capacité de l’une de ces nouvelles technologies à transformer les activités comme l’a fait l’invention d’Internet, l’IA générative étant actuellement la plus prometteuse. La hausse de la productivité se répercutera sur la croissance économique, qui sera un peu plus soutenue qu’autrement, bien que les pressions démographiques auront l’effet inverse. En fait, plutôt que de véritablement stimuler la croissance économique, le gain de productivité permettra surtout d’atténuer les répercussions de la situation démographique défavorable.

Les nouvelles technologies génèrent souvent des forces déflationnistes. Mais à notre avis, les moteurs d’inflation à long terme l’emporteront, notamment la démondialisation, les changements climatiques et l’influence croissante des travailleurs, même si le vieillissement de la population et les progrès technologiques rapides ont l’effet opposé.

Enfin, certaines de ces nouvelles technologies pourraient entraîner d’importantes suppressions d’emplois. Soulignons que cette préoccupation ne date pas d’hier. Les percées technologiques ont presque toujours mené à des changements sur le marché du travail, soulevant de grandes inquiétudes à différentes périodes passées. Cependant, il y a toujours eu autant d’emplois créés, et souvent meilleurs, que d’emplois supprimés. En fait, les nouvelles technologies finissent généralement par aider les gens à mieux travailler au lieu de les remplacer. La demande visant les services d’un travailleur peut même augmenter, si le coût par unité de production diminue grâce à l’aide apportée par l’intelligence artificielle. À preuve, les taux de chômage sont au plus bas niveau depuis plusieurs générations, malgré l’innovation technologique considérable des dernières décennies.

Depuis longtemps, les ordinateurs dépassent les aptitudes humaines pour ce qui est de la mémoire et du calcul. Ils commencent maintenant à rivaliser avec les humains pour la compréhension d’un large éventail de renseignements, sans avoir besoin de directives complexes, des textes publiés sur Internet à l’observation de la circulation dans une rue. Dans la mesure où les emplois peuvent nécessiter plusieurs de ces compétences (en plus de celles que les machines sont encore loin de maîtriser, comme diverses tâches physiques et la communication interpersonnelle), un nombre important d’entre eux seront menacés à mesure que les capacités des ordinateurs augmentent, tandis que d’autres demeureront protégés plus longtemps.

Il est encore beaucoup trop tôt pour dire si le chômage structurel augmentera sous l’effet de la nouvelle génération de technologies. Le risque semble plus élevé que d’habitude, compte tenu de la rapidité des progrès et de l’étendue des secteurs touchés. Si le risque se concrétisait, les gouvernements pourraient adopter des solutions politiques, soit en accroissant l’aide financière aux personnes touchées par le chômage structurel, soit en protégeant les emplois contre certains aspects des avancées technologiques.

Notes sur le plafond de la dette

Le problème du plafond de la dette a été résolu il y a près de deux semaines, comme nous l’avions prédit dans le dernier numéro du #MacroMémo. Celui-ci a été levé pour une période de deux ans, ce qui élimine une source d’incertitude et un risque économique majeur pour l’avenir immédiat.

Il y a néanmoins trois autres aspects liés au plafond de la dette qui méritent d’être approfondis.

  1. D’un point de vue politique, il est très encourageant que l’accord ait été conclu aussi proprement. Aux États-Unis, la polarisation est extrême, mais certains enjeux importants peuvent apparemment encore être réglés. Les chances d’obtenir un soutien bipartisan la prochaine fois qu’un choc brutal frappera le pays sont donc meilleures, que ce soit sur le plan politique, économique, géopolitique ou autre.
  1. Le nouvel accord sur le plafond de la dette prévoit une certaine austérité budgétaire. Selon le Congressional Budget Office, celle-ci s’élèverait à 70 milliards de dollars en 2024 et à 111 milliards de dollars en 2025. D’après nos calculs, cela ferait en sorte de retrancher de 0,2 à 0,3 point de pourcentage à la croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2024 et de 0,1 à 0,2 point de pourcentage en 2025. Bien que ce soit mauvais pour la croissance, c’est bon pour rétablir, au moins en partie, l’énorme déficit américain.
  1. L’économie des États-Unis connaîtra dans les mois à venir une fuite de liquidités importante, mais brève. Le département du Trésor a dû réduire le solde du compte général du Trésor bien en deçà de son niveau habituel pour faire face aux diverses dépenses du gouvernement au cours des quatre premiers mois de l’année, alors que l’émission d’obligations était impossible. Ce solde doit maintenant augmenter pour assurer une protection confortable entre les rentrées irrégulières de recettes publiques et les sorties de dépenses. On estime à 850 milliards de dollars américains l’émission nette de bons du Trésor dans les quatre prochains mois.

Normalement, quand les gouvernements empruntent de l’argent, ils le dépensent de façon à ce qu’il n’y ait pas de réduction nette des liquidités dans l’ensemble de l’économie. Dans ce cas-ci, toutefois, le gouvernement empruntera l’argent et ne le dépensera pas – il s’agit d’une fuite de liquidités. Nous croyons que cela devrait faire augmenter le taux des obligations américaines à 10 ans de 11 à 18 points de base, toutes choses étant égales par ailleurs.

Bien sûr, les marchés le savent et l’ont probablement déjà pris en compte. De plus, cette fuite des liquidités n’est que le retour d’ascenseur de l’afflux de liquidités durant les quatre mois précédents, où le compte général du Trésor a été ponctionné en l’absence d’émission d’obligations et de recettes fiscales proportionnelles.

Programmes de liquidités de la Fed

Bien qu’il y ait encore une poignée de banques régionales fragiles aux États-Unis, il n’y a heureusement pas eu de nouveaux développements défavorables récemment. Dans le contexte de cette accalmie, il convient d’essayer de mieux comprendre les divers programmes de liquidités de la Réserve fédérale américaine et d’interpréter l’utilisation variable de chacun d’entre eux (voir le graphique suivant).

Les programmes de liquidités de la Fed visent à éliminer les tensions provoquées par les banques régionaless

Nota : Au 7 juin 2023. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA

L’escompte officiel de la Fed, qui est mentionné dans le haut du graphique, est un programme de longue date destiné aux banques ayant des besoins de liquidités à court terme. Compte tenu de l’atteinte potentielle à la réputation des banques qui utilisent ce mécanisme, elles n’y ont recours de manière importante qu’en période de fortes tensions bancaires. Ainsi, l’utilisation hebdomadaire est passée d’un montant nominal à 153 milliards de dollars au cours de la récente période de tensions bancaires aux États-Unis. Depuis, elle est presque revenue à la normale. Il semble que le gros de l’utilisation provienne des banques qui ont connu le plus de difficultés, puisqu’elle a chuté immédiatement après l’acquisition de la First Republic Bank par J.P. Morgan.

Cela dit, le nouveau programme de financement bancaire à terme de la Fed (voir la ligne du milieu de notre graphique), créé spécifiquement pour la récente vague de tensions bancaires et assorti de conditions de garantie généreuses, demeure en forte demande. Des difficultés subsistent donc aux États-Unis, les banques profitant du prêt d’un an pour pallier la diminution de leurs dépôts.

Enfin, la dernière ligne de notre graphique montre que le montant total des prêts consentis par la Fed n’a pas baissé de façon considérable. Comment cela est-il possible si l’utilisation de l’escompte officiel s’est aussi fortement estompée ? C’est parce qu’il y a une troisième catégorie omise, soit les prêts spéciaux accordés par la Fed pour la résolution du problème des deux banques en faillite, ainsi qu’un prêt à J.P. Morgan pour l’acquisition de la troisième banque. Il s’agit de prêts stratégiques qui reflètent des tensions bancaires déjà atténuées, plutôt qu’existantes.

Le bilan de la Fed révèle un mélange déroutant de baisse, de stabilité et de hausse de la demande de prêts, en fonction du programme examiné.

En conclusion, le bilan de la Fed révèle un mélange déroutant de baisse, de stabilité et de hausse de la demande de prêts, en fonction du programme examiné. Nous sommes enclins à mettre de côté les prêts stratégiques accordés aux banques en faillite, qui reflètent des tensions passées et non pas actuelles. Au lieu de cela, nous pensons que l’utilisation moindre de l’escompte officiel témoigne d’une réduction de la forme la plus extrême de tension mettant les banques en danger. Cependant, le recours constant au programme de financement bancaire à terme montre que certaines banques sont toujours sous pression. La situation globale est de meilleur augure qu’il y a quelques mois, mais elle est loin d’être entièrement réglée.

Opinion à contre-courant sur la Chine

La relance économique de la Chine piétine ces derniers temps :

  • L’indice PMI officiel des directeurs d’achats du secteur manufacturier chinois est récemment tombé sous le seuil critique de 50, qui marque la limite entre croissance et contraction.
  • Les exportations de la Chine ont diminué de 7,5 % d’une année sur l’autre et ses importations, de 4,5 %.
  • L’indice des prix à la production de la Chine indique maintenant une déflation importante, s’établissant à -4,6 % d’une année sur l’autre.
  • Les ventes intérieures de meubles, d’appareils électroménagers et d’autres biens ont été faibles en Chine, ce qui s’explique vraisemblablement par l’atonie du marché de l’habitation.
  • Le taux de chômage des jeunes en Chine est supérieur à 20 %.
  • La population de la Chine n’est pas seulement en déclin ; le pays a symboliquement cédé son avance à l’Inde à la fin du mois d’avril, après avoir passé au moins 72 ans en tête du peloton.

Nous étions sceptiques quant à la capacité de la Chine à maintenir une reprise vigoureuse quand le pays a rouvert son économie à la fin de l’année dernière. Aujourd’hui, nous soupçonnons que les perspectives pour l’économie chinoise font l’objet d’un trop grand pessimisme. Certes, l’indice PMI officiel du secteur manufacturier signale une contraction, mais pas les trois autres indices PMI nationaux. Le marché de l’habitation n’est peut-être pas en plein essor, mais il n’est pas non plus effondré. Sur Baidu (l’équivalent de Google en Chine), les recherches du mot « hôtel » ont grimpé en flèche, ce qui dénote un appétit pour les dépenses dans le secteur des services maintenant que les restrictions ont été levées.

Nous tablons toujours sur une reprise modérée de l’économie, et sur une croissance d’au moins 5 % de l’économie chinoise en 2023. Cette progression représentera un contrepoids bienvenu, bien qu’incomplet à la faiblesse prévue de l’économie dans le reste du monde cette année.

Qui plus est, la Chine est mieux placée qu’à peu près tous les autres pays pour mettre en œuvre des mesures de relance monétaire ou budgétaire. La plupart des pays se demandent s’ils doivent s’attaquer à l’inflation galopante ou à la croissance insuffisante, chacun défendant la solution politique opposée. La Chine, quant à elle, affiche une croissance et une inflation faibles, deux facteurs qui appellent à plus de stimulation économique.

Bien entendu, elle cherche à éviter les excès qui ont fait mal à d’autres pays dans leur reprise postpandémique et devrait, par conséquent, agir avec parcimonie si elle le fait. En outre, elle hésitera à relancer énergiquement le marché de l’habitation (sa tactique habituelle), parce que la trop grande effervescence a créé des problèmes importants qui ne sont pas encore complètement résolus (constructeurs sous-capitalisés, pertes substantielles pour les autorités locales, piètre accessibilité à la propriété). Cependant, Beijing peut certainement se permettre de réduire légèrement les taux d’intérêt ou de mettre en place des mesures de relance budgétaire visant à encourager les dépenses de consommation ou les investissements des entreprises.

Bref, nous tablons toujours sur une reprise modérée de l’économie, et sur une croissance d’au moins 5 % de l’économie chinoise en 2023. Cette progression représentera un contrepoids bienvenu, bien qu’incomplet à la faiblesse prévue de l’économie dans le reste du monde cette année.

Détérioration des données économiques

Malgré la constance apparente des solides données sur la masse salariale aux États-Unis – 339 000 emplois ont été créés en mai, soit plus que les 195 000 attendus – on trouve des signes de faiblesse de l’économie. Ainsi, le taux de chômage est passé de 3,4 % à 3,7 %. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure d’une hausse de 0,3 %, mais historiquement, toute augmentation de 0,5 % ou plus a mené à une récession. Nous n’en sommes pas encore là, mais nous n’en sommes pas très loin non plus.

Comment le taux de chômage a-t-il pu augmenter autant, alors que l’embauche a été si élevée ? Le taux de chômage est tiré de l’enquête auprès des ménages plutôt que de l’enquête auprès des entreprises, et la première a fait ressortir la perte de 310 000 emplois. Il convient de souligner que l’enquête auprès des ménages est de loin celle dont les résultats fluctuent le plus, et qu’il n’est vraiment pas certain que la création d’emplois soit devenue négative. Toutefois, ce rapport contient des renseignements précieux, de sorte que l’embauche n’a peut-être pas été aussi élevée que le laisse supposer la création de 339 000 postes.

Par ailleurs, les inscriptions au chômage ont bondi pour atteindre 261 000 au cours de la semaine du 3 juin (voir le graphique suivant). Il s’agit de leur nombre le plus élevé depuis octobre 2021. Le temps nous dira cette augmentation se poursuivra, car elle a pu avoir été faussée par le Jour du Souvenir. En fait, ces chiffres ont fait l’objet à plusieurs reprises d’importantes révisions au cours des derniers mois.

Les nouvelles demandes d’assurance-chômage ont augmenté aux États-Unis

Données pour la semaine se terminant le 3 juin 2023. Sources : Département américain du Travail, Macrobond, RBC GMA

Les deux indices de l’Institute for Supply Management (ISM), suivis de près, ont aussi été récemment publiés pour le mois de mai. Ils révélaient tous deux une nette faiblesse. L’indice ISM du secteur manufacturier a légèrement fléchi, passant de 47,1 à 46,9, un résultat conforme à la contraction du secteur de la fabrication. La composante des nouvelles commandes a glissé à tout juste 42,6, cédant 3 % par rapport au mois précédent.

Pendant longtemps, l’indice ISM des services a résisté à cette faiblesse, témoignant d’une solide croissance économique au début de l’année. Mais depuis, l’indice n’a cessé de reculer, et il s’établissait à seulement 50,3 en mai, tout juste en territoire expansionniste. La composante de l’emploi atteignait à peine 49,2, ce qui laisse entrevoir des pertes d’emplois dans une grande part de l’économie.

Enfin, aux États-Unis, l’encours du crédit bancaire continue de diminuer. Cette tendance confirme que le resserrement des critères d’octroi de crédit donne lieu à un ralentissement du crédit (voir le graphique suivant).

Fléchissement du crédit aux États-Unis

Données pour la semaine se terminant le 31 mai 2023. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA

Au Canada, le PIB a enregistré une croissance de 3,1 % au premier trimestre, soit un taux de croissance annualisé robuste et supérieur aux prévisions générales. Toutefois, la croissance au dernier trimestre de 2022 a été révisée à la baisse, passant de 0,0 % à -0,1 % en rythme annualisé, ce qui signifie que l’économie s’est légèrement contractée.

Les données sur l’emploi au Canada en mai ont été moins favorables qu’aux États-Unis : 17 000 emplois nets ont été perdus au cours du mois, soit le premier résultat négatif après huit gains mensuels consécutifs. Le taux de chômage a donc augmenté, passant de 5,0 % à 5,2 %. Mais les chiffres sur l’emploi au Canada fluctuent suffisamment pour qu’il soit prématuré de conclure que le marché du travail affiche un recul imputable à la récession. Cette faiblesse a été en fait limitée aux jeunes travailleurs. Puisque les emplois d’été commencent souvent en mai, cette situation fait ressortir des distorsions saisonnières après quelques années inhabituelles marquées par la pandémie. Le temps nous dira si le ralentissement de l’emploi au Canada se poursuivra.

La zone euro est en récession

Après l’annonce par l’Allemagne de deux trimestres consécutifs de recul du PIB – autrement dit, d’une récession –, la zone euro vient de réviser ses propres données économiques de telle sorte qu’elle obtient le même résultat (voir le graphique suivant). De toute évidence, cette situation résulte surtout du choc énergétique qui a frappé l’Europe et le Royaume-Uni plus durement que les autres pays. Depuis, les prix de l’énergie ont diminué, ce qui a atténué les vents contraires. Mais nous prévoyons toujours une récession liée aux taux d’intérêt au second semestre de cette année, conformément à nos perspectives pour la plupart des pays développés.

Le PIB de la zone euro a diminué pendant deux trimestres consécutifs

Au T1 de 2023. Prévisions de RBC GMA au 28 avril 2023. Sources : Eurostat, Centre for Economic Policy Research (CEPR), Macrobond, RBC GMA

Des récessions successives ?

L’un des risques pesant sur notre prévision d’une récession dans les pays développés tient au fait que certains secteurs semblent subir des corrections économiques décalées les unes par rapport aux autres. En réalité, on pourrait concevoir qu’une récession économique générale soit évitée parce que chaque secteur aura éprouvé des difficultés à un moment différent plutôt que tous en même temps. Par exemple :

  • Le secteur de la technologie a déjà enregistré d’importantes mises à pied ainsi qu’une forte baisse des valorisations boursières l’automne dernier. Les valorisations ont récemment pris du mieux et la nouvelle génération des technologies, allant de l’IA générative à la réalité virtuelle, suscite l’enthousiasme.
  • Le marché du logement américain s’est effondré en 2022, mais il a depuis amorcé un redressement.
  • Les prix des ressources ont dégringolé par rapport à leur sommet. De plus, étant donné que le secteur pétrolier avait déjà connu un effondrement il n’y a pas si longtemps, entre 2014 et 2016, la majeure partie des dégâts semble maintenant derrière nous.
  • D’un autre côté, cela fait déjà un trimestre que les banques font face à des difficultés.

S’il s’avère que ces secteurs ont effectivement touché le fond, cela nous laisse avec beaucoup moins de secteurs susceptibles de s’affaisser à l’avenir. La récession pourrait même être évitée. Il est vrai que ce scénario pourrait se produire, mais deux réflexions nous amènent à le remettre en cause.

  1. Plusieurs des secteurs mentionnés pourraient plonger encore plus. Nous ne sommes pas convaincus que les marchés immobiliers soient sortis de la dépression, d’autant plus que les taux directeurs continuent d’augmenter et que l’accessibilité à la propriété reste problématique. Le secteur bancaire américain compte toujours des institutions fragiles, et le resserrement des normes de crédit ne fait que commencer à se répercuter sur l’économie. Presque tous les secteurs vont souffrir par le biais des prêts.
  1. Les récessions ont tendance à frapper un large éventail de secteurs, non parce que plusieurs secteurs corrigent leurs excès au même moment, mais parce que les récessions partent souvent d’un problème ponctuel avant de se propager à l’ensemble de l’économie. Quelque chose – par exemple un secteur particulièrement faible ou un choc négatif particulièrement intense – provoque une brusque montée de l’aversion pour le risque, ce qui entraîne des vagues de licenciement et freine les dépenses en immobilisations dans plusieurs secteurs. Les normes de crédit bancaire se resserrent, et cela nuit à tous les secteurs d’une façon ou d’une autre. La plupart des secteurs finissent par se contracter, indépendamment du fait qu’ils aient connu un problème ou non au départ.

Surprise du côté des banques centrales

La Banque du Canada a surpris les marchés et nous-mêmes en relevant ses taux de 25 points de base à 4,75 % le 7 juin. Cet évènement a toujours été de l’ordre du possible, mais les marchés lui avaient attribué une probabilité de moins de 50 %.

L’argument justifiant cette faible probabilité était que la Banque du Canada avait stoppé son programme de resserrement trois mois plus tôt. Elle avait annoncé une pause pour se donner le temps d’évaluer l’effet à retardement de tous les resserrements monétaires déjà effectués. Compte tenu de cette prise de position, nous pensions que la Banque du Canada resterait en pause pendant tout l’été, puis soupèserait la nécessité de mettre en place de nouvelles mesures de resserrement en septembre.

Néanmoins, il semble qu’une série de données économiques ait préoccupé la Banque du Canada avant l’heure.

  • Le PIB du premier trimestre est ressorti étonnamment haut.
  • L’embauche s’est montrée dynamique (les récents chiffres négatifs ont été publiés après la décision relative aux taux).
  • L’inflation d’avril a dépassé les prévisions.
  • Le marché immobilier est en voie de rebondir.

Depuis, l’emploi s’est affaibli, nous soupçonnons que l’inflation de mai sera plus présentable, et nous ne croyons pas à une vigueur durable sur le marché immobilier. Mais cette combinaison de spéculations et d’informations ponctuelles a poussé la Banque du Canada à appuyer sur la gâchette.

À ce jour, le marché évalue à 63 % la probabilité d’une nouvelle hausse de 25 points de base le 12 juillet, et cette hausse est pleinement intégrée pour septembre. Le taux du financement à un jour pourrait ainsi atteindre 5,0 %.

Nous vivons une période d’incertitude particulièrement élevée en regard de la politique monétaire. Les scénarios pour les prochains mois pourraient facilement tenir compte de taux plus élevés, stables ou plus bas.

Lorsque la Banque du Canada et la Banque de réserve d’Australie ont toutes deux surpris les marchés en procédant à un nouveau resserrement monétaire, les perspectives ont changé dans le reste du monde. Les marchés estiment maintenant que la Fed a une chance sur quatre de relever les taux cette semaine, le 14 juin. Ils évaluent à 57 % la probabilité d’une hausse des taux lors de la prochaine réunion du 26 juillet. La justification économique serait la même : pour le moment, l’économie poursuit sa croissance, l’inflation s’est montrée un peu trop élevée en avril, et le marché immobilier rebondit.

Nous croyons que l’inflation s’est quelque peu atténuée depuis (voir le graphique suivant), ce qui signifie qu’un resserrement est loin d’être automatique à court terme. Toutefois, une hausse des taux au milieu de l’été ne serait pas une grande surprise.

Indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats

Indice de l’inflation PriceStats au 6 juin 2023, indice des prix à la consommation (IPC) en date d’avril 2023. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA

Ailleurs, la Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre sont en voie de relever leur taux de 25 points de base lors de leur réunion de juin.

Nous vivons une période d’incertitude particulièrement élevée en regard de la politique monétaire. Les scénarios pour les prochains mois pourraient facilement tenir compte de taux plus élevés, stables ou plus bas. Le scénario le plus probable pour les années à venir est certainement celui de taux plus bas, mais l’incertitude demeure pour déterminer dans quelle mesure – retour à une fourchette de stimulation historique entre 0 et 2 % tandis que l’économie se remet d’une récession, ou passage à une fourchette théoriquement neutre oscillant entre 2 et 3 %.Sinon, la politique pourrait demeurer restrictive si l’inflation devait persister.

Jauger la puissance nationale

Il est assez facile de déterminer quel pays détient la plus grande économie – c’est la Chine sur le plan de la quantité de biens et de services produits (en fonction des taux de change selon la parité des pouvoirs d’achat). Toutefois, ce sont les États-Unis si l’on tient plutôt compte de l’argent généré par cette production (en fonction des taux de change du marché).

Mais qu’en est-il du pouvoir en général ? Dans un monde de frictions géopolitiques, il s’avère utile de garder un œil sur le pays le plus puissant non seulement sous un angle économique, mais de façon plus large au chapitre de la force militaire, de l’ordre, de l’influence des marchés financiers, de la richesse en ressources, de la dette, de l’inégalité, de la gouvernance, etc. Un certain nombre de tiers tentent d’évaluer la puissance nationale, Ray Dalio et son indice de puissance des pays en brossant sans doute le portrait le plus complet.

Il montre que les États-Unis conservent une avance importante, mais pas énorme, sur la Chine qui devance la zone euro (voir le graphique suivant). D’autres pays accusent un retard considérable, l’Allemagne devançant le Japon, la Corée du Sud, puis le Royaume-Uni. Si l’on élargissait l’analyse pour déterminer quel groupe de pays détient le plus de pouvoir, ce serait certainement les nations occidentales. Cela dit, si l’on tenait plutôt compte des pays qui gagnent le plus en puissance nationale, on pourrait imaginer que la Chine et certains États asiatiques et africains pourraient se vanter des plus fortes progressions (Dalio ne publie pas de données historiques ; il s’agit donc ici simplement d’une supposition éclairée).

L’indice de puissance des pays offre une mesure complète de la puissance des nations

En date de janvier 2023. L’indice de puissance des pays est calculé en fonction de 18 facteurs dominants tirés de l’ouvrage Principles for Dealing with the Changing World Order. Sources : Ray Dalio, RBC GMA

– Avec la contribution de Vivien Lee, de Thao Le et d’Aaron Ma

Vous aimeriez connaître d’autres points de vue d’Eric Lascelles et d’autres dirigeants avisés de RBC GMA ? Vous pouvez lire leurs réflexions dès maintenant.

Déclarations

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