Bilan des élections américaines
La campagne électorale a été l’une des plus inhabituelles de l’histoire, ayant été marquée par des tentatives d’assassinat, un changement en cours de route du candidat démocrate et des marchés de paris qui ont oscillé entre les deux candidats. L’élection s’est finalement conclue par une victoire du candidat républicain et ancien président Donald Trump.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un choc compte tenu des résultats des marchés de paris, il s’agit néanmoins d’une victoire retentissante :
Trump a remporté les sept États clés.
Il a aussi remporté le vote populaire (qui échappe fréquemment aux gagnants républicains).
Les résultats ont été clairs dans les heures qui ont suivi la fin des élections.
Le parti républicain a réalisé un balayage du Congrès dans le sillage de la victoire de président élu.
Erreur des sondages
L’analyse des sondages qui ont influencé l’élection révèle que les sondeurs ont sous-estimé Trump pour une troisième course à la présidence d’affilée. Cela n’a pas été rendu inévitable du fait que les électeurs républicains soient apparemment plus réticents à révéler leurs intentions de vote ; les sondeurs rajustent leurs conclusions pour tenir compte des biais anticipés. Et pourtant, ces ajustements se sont à nouveau révélés insuffisants. Peut-être les instituts de sondage ont-ils fait preuve de complaisance du fait que le parti républicain a obtenu des résultats inférieurs aux attentes lors des élections de mi-mandat en 2022.
Les marchés de paris, en revanche, ont généralement vu juste, et ont souligné l’important avantage de Trump au cours des semaines précédant les élections. Chose étonnante, il semble que les paris importants réalisés par le marché de PolyMarket aient été faits en grande partie par quelqu’un qui a remarqué (et qui a ensuite commandé un sondage privé pour le confirmer) que la proportion de personnes qui disaient que leurs voisins votaient pour Trump était nettement plus élevée que celle des personnes disant qu’elles-mêmes voteraient pour lui. Il semble que les gens soient plus enclins à « dénoncer » les intentions de leurs voisins que les leurs. Il sera important de surveiller cette forme d’interrogation indirecte au cours des cycles électoraux futurs.
Principales préoccupations des électeurs
En rétrospective et du point de vue macroéconomique, il semble que les électeurs aient exprimé leur mécontentement à l’égard de l’économie, de l’inflation, de l’immigration et de la criminalité.
L’économie se porte très bien, comme le montrent le taux de chômage peu élevé et la croissance stable, mais les perceptions sont différentes : environ 60 % des Américains sont d’avis que l’économie est actuellement en récession.
L’inflation a fait d’importants progrès en ce qui concerne son retour à sa cible, mais les électeurs sont convaincus que les prix demeurent bien plus élevés qu’il y a quatre ans.
L’immigration clandestine a explosé ces dernières années, et bien qu’elle soit quatre fois moins élevée que l’an dernier, elle reste considérable et les préoccupations persistent.
Enfin, les craintes à l’égard de la criminalité sont encore élevées, même si le taux de criminalité a commencé à diminuer ces dernières années.
Ce qui n’est pas acquis
La campagne de Donald Trump a fait un nombre assez élevé de promesses. En raison d’une combinaison de contraintes juridiques, politiques et pratiques, nous ne nous attendons pas à ce qu’elles se réalisent toutes.
Résidents sans papiers
Il est peu probable que 20 millions de résidents américains sans papiers soient expulsés. En partie parce que le nombre réel de ces personnes est probablement plus proche de 11 à 15 millions, mais surtout parce que leur expulsion causerait d’importants dommages à l’économie et serait très difficile à organiser du point de vue logistique.
L’administration Trump est fondée en grande partie sur l’état de l’économie et sur la question à savoir si le marché boursier progresse. Dans les deux cas, le retrait d’environ 4 % de la population serait problématique pour la croissance économique, les salaires, la demande de logements, pour les secteurs de l’agriculture et de la construction, entre autres.
Du point de vue logistique, il est raisonnable de prévoir un nombre appréciable d’expulsions, mais pas de l’ordre de plusieurs millions par année. Les États-Unis expulsent déjà quelque 400 000 personnes par année. On pourrait s’attendre à ce que ce nombre grimpe à 750 000 ou à un million par année.
Dans le même ordre d’idée, le tsar des frontières proposé par Donald Trump affirmait récemment que ceux qui sont considérés comme des menaces à la sécurité nationale ou publique seront une priorité. Ces propos sont conformes à un mandat restreint.
Du point de vue logistique, il est raisonnable de prévoir un nombre appréciable d’expulsions, mais pas de l’ordre de plusieurs millions par année.
Du point de vue de l’immigration, les nouveaux immigrants illégaux seront probablement beaucoup moins nombreux. Toutefois, comme nous l’avons déjà mentionné, le nombre d’arrivées à la frontière sud est déjà quatre fois moins important qu’à la fin de 2023, et le niveau actuel n’est que légèrement supérieur à la tendance prépandémique. La diminution de l’immigration clandestine déjà en cours peut aussi détourner l’attention portée au sujet, ce qui se traduira par des mesures politiques moins extrêmes.
Politique tarifaire
Les tarifs douaniers sont susceptibles de grimper sous l’administration Trump, mais nous ne nous attendons pas à ce que la menace de tarifs généralisés de 10 % sur le monde et de 60 % sur la Chine soit mise à exécution. En partie parce que les dommages économiques et inflationnistes qui en découleraient seraient inacceptables pour l’administration Trump et ses nombreux conseillers issus de la haute direction, et en partie parce que ces menaces tarifaires ne sont en fait qu’une première proposition dans le cadre d’un échange de nature transactionnelle avec d’autres pays.
Si les autres pays se conforment aux exigences des États-Unis – ouvrir leurs propres marchés, augmenter leurs dépenses militaires, mieux contrôler leurs frontières, etc. –, les tarifs douaniers réellement appliqués devraient être considérablement moindres et mieux ciblés. On pourrait imaginer que les tarifs moyens imputés à la Chine puissent passer de 19 % aux environs de 30 %, mais pas à 60 % (et encore moins à 79 % si le tarif maximal était ajouté au taux existant).
Les tarifs entre les États-Unis et la Chine ont augmenté sous la première administration Trump
Au 1er avril 2023. Sources : Peterson Institute for International Economics (PIIE), RBC GMA
Fonctionnaires
De même, nous ne nous attendons pas à ce que la fonction publique et la Réserve fédérale soient aussi fortement restreintes que certaines propositions de campagne l’ont laissé entendre. Rappelons que M. Trump a également entamé son premier mandat en promettant d’« assainir les institutions », pourtant l’effectif fédéral a augmenté pendant son premier mandat.
Le projet d’augmenter le nombre de postes gouvernementaux considérés comme des postes « politiques » au sein de la fonction publique, de quelque 4 000 à 50 000, serait lourd de conséquences, mais pourrait être difficile à réaliser logistiquement parlant. Même le nombre total ne représenterait que 1,7 % des quelque 3 millions d’employés fédéraux.
Les préoccupations quant à la capacité de la Réserve fédérale des États-Unis à demeurer indépendante sont valides, mais probablement exagérées. D’une part, les pressions exercées sur la Fed devraient diminuer naturellement maintenant qu’elle est en mode de réduction des taux et que le taux des fonds fédéraux diminue. Rappelons que le président de la Fed, M. Powell, est un républicain et qu’il a été nommé par Donald Trump au cours de son premier mandat. Bien que le mandat de M. Powell à la présidence prenne fin en mai 2026, le Sénat doit approuver la personne nommée par M. Trump, ce qui devrait tempérer le type de candidat choisi.
Le projet d’augmenter le nombre de postes gouvernementaux considérés comme des postes « politiques » au sein de la fonction publique, de quelque 4 000 à 50 000, serait lourd de conséquences, mais pourrait être difficile à réaliser logistiquement parlant.
Par ailleurs, les décisions de la Fed sont prises par voie de vote simple, le président recevant une seule voix sur douze, comme tous les autres membres votants. Le mandat d’un seul autre gouverneur expire au cours des quatre prochaines années, ce qui signifie que M. Trump peut nommer deux des sept gouverneurs de la Fed. Cinq autres voix viennent d’un sous-groupe tournant des douze Réserves fédérales de district, et ces présidents régionaux sont nommés par des comités locaux de leaders d’entreprise et de citoyens plutôt que par le président. En bref, Donald Trump pourrait sans doute contrôler deux douzièmes des membres votants, mais pas beaucoup plus.
Points en faveur d’une modération
Certes, pour son prochain mandat, M. Trump est susceptible de disposer de pouvoirs étendus, les républicains ayant balayé le Congrès. Cela dit, l’orientation politique était la même au début de son premier mandat (de 2017 à 2018).
De nouvelles questions se posent. Il est notamment possible que M. Trump serre la vis cette fois-ci, compte tenu du soutien accru des électeurs et de la plus grande expérience de son équipe aux positions idéologiques convergentes. Par ailleurs, le risque de surchauffe de l’économie est plus élevé, vu le taux de chômage légèrement inférieur aujourd’hui (4,1 % contre 4,8 % au début de 2017), et la marge de manœuvre budgétaire est réduite, à cause de la hausse du déficit budgétaire et de la dette publique. Mais il ne s’agit pas d’une situation totalement inconnue.
Voici quelques-unes des raisons de s’attendre à une certaine modération de la part de M. Trump – du moins par rapport aux propositions les plus extrêmes évoquées pendant la campagne :,
Sa majorité au Sénat et à la Chambre des représentants est faible. Autrement dit, il suffirait de quelques politiciens réticents pour nuire à sa capacité à opérer en grand. L’aile modérée du Parti républicain est – par définition – moins excessive que M. Trump sur plusieurs des questions susmentionnées.
M. Trump utilise le marché boursier comme critère de référence pour sa présidence. Toute mesure perçue comme étant fortement préjudiciable à l’économie américaine ou à la capacité du gouvernement à fonctionner rondement serait interprétée de façon négative par les marchés.
Contrairement à ce qui s’est produit pendant son premier mandat, M. Trump est entouré par un nombre important d’éminents dirigeants d’entreprise qui lui conseilleront de ne pas nuire aux politiques publiques et qui, vraisemblablement, croient qu’il sera bon pour l’économie.
Habituellement, les présidents tempèrent leurs promesses électorales lorsque vient le temps de les mettre en œuvre.
De façon plus générale, il ne faut pas oublier que durant le premier mandat de M. Trump allant de 2017 à 2020, l’économie et le marché boursier ont progressé.
Conséquences économiques
L’élection est évidemment venue mettre un terme à une grande incertitude. Désormais, le débat ne porte plus sur l’opposition entre les politiques démocrates et les politiques républicaines, mais plutôt sur le degré d’application de ces dernières. La volatilité prévue des marchés financiers a donc considérablement diminué (voir le graphique suivant).
Baisse de la volatilité après le triplé républicain
Au 15 novembre 2024. Janvier 2007 = 100. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bloomberg, RBC GMA.
D’un point de vue purement économique, M. Trump est légèrement plus favorable à la croissance à court terme que M. Biden. Depuis son élection, nous estimons que le potentiel de croissance découlant de ses politiques économiques est supérieur, d’autant plus que le balayage inattendu du Congrès augmente sa marge de manœuvre. Ainsi, nous nous accordons sur une impulsion économique modérément positive à court terme sous l’administration Trump (voir le tableau suivant).
Attentes relatives aux politiques trumpistes
Estimation de l’incidence selon l’hypothèse à jour du balayage républicain au 6 novembre 2024. Les symboles +/- indiquent une incidence positive/négative sur la variable du haut de la colonne. Source : RBC GMA.
Bien sûr, il y a des forces concurrentes. L’augmentation des tarifs douaniers et la limitation de l’immigration sont deux facteurs pesant lourdement sur la croissance économique. (La croissance de la population des États-Unis pourrait être à peu près nulle comparativement à une tendance stable d’environ 0,5 %.) De même, la légère réduction des dépenses gouvernementales aura pour effet de ralentir l’économie.
En revanche, la déréglementation, l’assouplissement de la politique pétrolière, les baisses d’impôt (et peut-être surtout des taux d’imposition qui, à la fin de 2025, ne reviennent pas aux niveaux antérieurs plus élevés) et le regain d’optimisme plaident tous en faveur d’une meilleure croissance à court terme.
En fin de compte, les forces positives l’emportent de justesse sur les forces négatives. Cela nous donne un tiers de point de pourcentage de croissance économique de plus en 2025, et potentiellement un résultat semblable en 2026. L’effet aurait pu être plus important, mais la marge de réduction des taux a diminué en raison de la croissance supplémentaire et de l’inflation, qui tempèrent les perspectives.
Il convient de noter qu’une croissance plus forte n’est pas nécessairement une « bonne chose », et une croissance moindre, une « mauvaise chose ». On suppose qu’une partie de la croissance supplémentaire sous l’administration Trump découlera d’un déficit budgétaire plus important, qui devra ensuite être payé plus tard.
Croissance dans le reste du monde
Dans le reste du monde, on s’attend à ce que la croissance soit légèrement plus lente en 2025 et, potentiellement, en 2026. La hausse des tarifs douaniers sera un élément défavorable et les baisses d’impôt aux États-Unis rendront les autres pays relativement moins concurrentiels. De plus, l’incertitude géopolitique risque de grandir (certains pays étant contraints de réaffecter des fonds publics à leurs dépenses militaires).
À titre d’exemple, pour 2025, nous prévoyons une croissance inférieure de 0,35 % au Mexique, de 0,15 % au Canada et de 0,10 % au Royaume-Uni, dans la zone euro et au Japon.
Il est tentant de croire que la Chine risque d’être durement touchée par les tarifs douaniers américains. Effectivement, elle est sans doute la cible principale, mais quelques éléments devraient limiter les dégâts.
Fait important : seulement 2 % de la production chinoise est exportée directement aux États-Unis (voir le graphique suivant). Si cela semble peu, rappelons que les grands pays sont toujours très orientés vers leur marché intérieur. La Chine fait aussi beaucoup d’échanges commerciaux avec le reste de l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Australasie et l’Europe. Il faut reconnaître que ce pourcentage ne tient pas compte des exportations indirectes qui transitent notamment par le Mexique et le Vietnam. Quoi qu’il en soit, la Chine est moins dépendante de la demande américaine qu’on ne l’imagine généralement.
Les exportations de certains pays vers les États-Unis sont considérables
Sources : Fonds monétaire international (FMI), Macrobond, RBC GMA.
On soupçonne de plus en plus la Chine d’attendre que les États-Unis imposent des tarifs douaniers ou d’autres mesures. À ce stade, un accroissement de l’aide gouvernementale sera probable. Ce faisant, la Chine protégera sa croissance.
Par conséquent, pour 2025, nous avons abaissé nos perspectives concernant la Chine de seulement 0,20 %, malgré la menace réelle que représente l’administration Trump. Il est vrai que tant qu’on ne connaît pas avec précision l’ampleur des tarifs douaniers, les prévisions restent un peu floues.
Conséquences sur l’inflation
La victoire de Donald Trump devrait avoir des répercussions inflationnistes modérées. Une augmentation des droits de douane constitue une taxe qui augmente les prix et se répercute de ce fait partiellement sur les consommateurs. La perspective d’une croissance économique plus rapide que celle prévue autrement concourt également à renforcer l’inflation petit à petit. À l’inverse, un assouplissement de la politique pétrolière est déflationniste en théorie. Le prix du pétrole pourrait devenir de 3 à 4 $ le baril moins cher qu’ailleurs, à mesure que les forages américains augmentent.
Dans l’ensemble, nous prévoyons une légère reprise de l’inflation et avons revu nos perspectives d’inflation aux États-Unis pour 2025 à la hausse d’environ un tiers de point de pourcentage. L’effet aurait été plus important sans l’atténuation partielle fournie par la Fed, qui a maintenant été en mesure de procéder à une légère baisse des taux. Quoi qu’il en soit, l’inflation reste légèrement supérieure, et non inférieure, à 2,5 %. Bien que l’écart ne soit pas important, il serait plus facile d’affirmer que l’inflation est retournée à la normale pour l’essentiel si son niveau était plus proche de 2 %. Au-delà de 2,5 %, il faut encore faire quelques efforts supplémentaires.
Répercussions sur le marché
L’« effet Trump » s’est déroulé exactement comme prévu, le marché boursier, les taux obligataires et le dollar étant tous en hausse. Sur la base des évolutions antérieures, ces tendances pourraient se poursuivre.
Actions
M. Trump est considéré comme un facteur favorable pour le marché boursier en partie à cause des chefs d’entreprise qui se sont ralliés à sa cause, notamment du fait de son propre parcours d’homme d’affaires, et en partie parce que les entreprises ont prospéré pendant son premier mandat. L’ensemble du programme politique qu’il propose – soit une forte déréglementation et des baisses d’impôt – est également favorable aux marchés boursiers.
Dans le monde des affaires, les sociétés à petite et à moyenne capitalisation semblent particulièrement en bonne posture. En effet, un grand nombre d’entre elles sont beaucoup moins exposées aux droits de douane que leurs consœurs plus grandes et elles ressentent plus fortement le poids des réglementations.
Du point de vue sectoriel, nous croyons que les grands bénéficiaires sont au nombre de trois :
Les sociétés financières américaines envisagent d’un très bon œil les possibilités d’alléger la charge réglementaire qui pèse sur elles et de procéder à de nouvelles fusions et acquisitions ainsi que la probabilité d’abandon de mise en œuvre du dernier volet des réglementations bancaires de Bâle III. Les banques mondiales en sortiraient aussi gagnantes.
Le secteur énergétique américain devrait également bénéficier de la déréglementation, même s’il s’ensuit une légère baisse des prix pétroliers qu’autrement prévu.
Les produits industriels américains devraient avoir le vent en poupe, car la concurrence devrait s’atténuer avec le reste du monde à la suite d’une augmentation des droits de douane.
Les perdants tout désignés sont les industries vertes qui ne peuvent plus compter avec une certitude absolue sur les mesures d’incitation de l’ère Biden, et peut-être les grandes entreprises technologiques (même si l’administration Biden n’a pas non plus été particulièrement bienveillante à leur égard). Si les expulsions s’avèrent plus importantes que ce qu’on s’imagine, les industries qui dépendent fortement des travailleurs sans papiers, p. ex., l’agriculture, la construction et les services alimentaires, en pâtiront.
Les taux obligataires
Les taux obligataires devraient augmenter plus fortement avec M. Trump à la suite d’une augmentation des droits de douane (et par conséquent, de l’inflation), d’une croissance économique plus rapide et de la probabilité d’une augmentation progressive de la dette publique découlant de mesures de relance budgétaire supplémentaires.
Sur un plan plus spéculatif, on pourrait aussi soutenir qu’une petite prime de risque pourrait s’ajouter aux bons du Trésor américain. Elle reflèterait les craintes quant à la diminution potentielle de la qualité et la stabilité du gouvernement américain du fait d’une politisation accrue de la fonction publique et/ou de la mainmise du pouvoir exécutif. Ce cas relève probablement plus d’un risque que d’une hypothèse de base.
En fin de compte, il est logique que les taux obligataires aient légèrement augmenté. Compte tenu de certaines des forces en présence, il se peut que la Réserve fédérale soit aussi en mesure de réduire un peu moins les taux que prévu autrement, la décision de taux de décembre faisant l’objet de plus en plus d’incertitudes. Nous envisageons toujours une diminution de taux de 25 points de base, même si les circonstances combinées – une inflation légèrement décevante en octobre, une croissance saine et les nouvelles politiques imminentes de M. Trump – font envisager une pause potentielle. Dernièrement, le président de la Fed, M. Powell, n’a pris aucun engagement.
Géopolitique
Les présidents disposent d’une certaine latitude en matière de politique étrangère. Examinons les trois sujets les plus brûlants dans le contexte de la présidence Trump.
Guerre Ukraine-Russie
La guerre en Ukraine devient de plus en plus dangereuse. Sur le front russe, la Russie a progressé, récupérant une part significative du territoire qu’elle avait perdu au bénéfice de l’Ukraine et remportant des victoires significatives dans l’est de l’Ukraine. Les attaques de drones contre l’Ukraine s’intensifient. La guerre a pris de l’ampleur avec l’arrivée de 8 000 soldats nord-coréens qui combattent maintenant aux côtés des troupes russes, tandis que des munitions nord-coréennes sont en cours de déploiement. Des informations selon lesquelles la Russie projetterait de faire exploser des engins incendiaires au-dessus d’avions civils nord-américains laissent entrevoir une possible escalade du conflit.
Du côté ukrainien, les États-Unis ont récemment autorisé le pays à frapper le territoire russe avec des missiles américains de longue portée. Les risques augmentent.
L’effet d’une présidence Trump sur la guerre est encore flou. Le principal objectif de Trump est de parvenir à un cessez-le-feu entre les deux pays. La fin de la guerre serait une bonne nouvelle, mais elle pourrait se traduire par la cession d’une grande partie du territoire ukrainien à la Russie. La probabilité que les deux pays acceptent est plutôt faible. En outre, la Russie pourrait être tentée d’envahir un autre morceau du territoire ukrainien après avoir entériné ses avancées actuelles. Dans l’intervalle, les deux pays se battent pour avoir le meilleur positionnement possible avant que ces pourparlers ne soient engagés.
Les États-Unis pourraient en effet réduire leur soutien à l’Ukraine, ce qui signifie que l’Ukraine pourrait perdre encore plus de terrain à moins que l’Europe et les autres alliés ne parviennent à compenser le repli américain.
L’effet d’une présidence Trump sur la guerre est encore flou. Le principal objectif de Trump est de parvenir à un cessez-le-feu entre les deux pays.
Dans ce contexte, les risques pour l’économie mondiale ne sont pas clairs, mais le prix du pétrole et des produits agricoles pourrait être en jeu, de même que la fourniture de gaz naturel à l’Europe.
Conflit au Moyen-Orient
On peut s’attendre à ce que Trump continue à soutenir Israël, peut-être même dans une plus grande mesure que Biden, et à exprimer un plus grand antagonisme à l’égard de l’Iran. Le risque d’une nouvelle escalade du conflit est donc accru, avec des conséquences potentielles sur le nombre de victimes, ainsi que sur le prix du pétrole.
Frictions entre la Chine et les États-Unis
Les frictions entre la Chine et les États-Unis ont déjà été abordées sous l’angle des droits de douane.
Sur le sujet sensible de Taïwan, Trump a envoyé des signaux mitigés. Lors de son premier mandat, il était résolument favorable à Taïwan. Par exemple :
Il n’a pas hésité à briser plus de quarante ans de tradition à la Maison-Blanche pour parler directement avec le président taïwanais.
Il a remis en question la « politique d’une seule Chine ».
Il a vendu des armes à Taïwan.
Il a coordonné des missions diplomatiques de haut niveau entre les deux pays.
Au cours de ce cycle électoral, il a adopté une approche plus mercantile, indiquant que Taïwan ne peut pas s’attendre à un soutien militaire américain si le pays n’investit pas lui-même davantage dans la défense, et a manifesté son mécontentement à l’égard de la prédominance de Taïwan dans la fabrication de puces électroniques haut de gamme. Malgré cette incertitude, il est probable que les États-Unis continueront de défendre Taïwan en cas de conflit, ce qui rend un tel conflit improbable.
Les risques associés à la présidence Trump
Si nous mettons entre parenthèses notre scénario de base, la présidence Trump est assortie d’un éventail de risques.
Il existe la possibilité que le conflit géopolitique s’intensifie, comme nous venons de le voir. Mais n’oublions pas que Trump a de fortes tendances isolationnistes qui pourraient limiter l’implication des États-Unis tout en rendant ses alliés traditionnels plus vulnérables.
Il existe un risque que certaines idées insolites du programme Trump soient mises en œuvre de manière plus complète que ce que nous avons prévu dans notre scénario de base, ce qui aurait des répercussions économiques et inflationnistes plus négatives.
N’oublions pas que Trump a de fortes tendances isolationnistes qui pourraient limiter l’implication des États-Unis tout en rendant ses alliés traditionnels plus vulnérables.
À l’inverse, il y a des chances que le programme Trump réussisse à générer plus de croissance que ce qui est inclus dans notre scénario de base, ce qui se traduirait par une surchauffe économique, un peu plus d’inflation et une Fed qui ne pourrait plus réduire les taux ou qui serait contrainte de les relever.
Les probabilités de tels scénarios ne sont pas élevées, mais elles existent.
Perspectives à la suite de l’élection
La volatilité anticipée a diminué. Toutefois, elle devrait demeurer supérieure à la moyenne au cours des prochains mois, car les analystes et les marchés s’interrogent sur les politiques de Trump qui seront mises en œuvre et sur le moment de leur déploiement. Trump entrera en fonction le 20 janvier et une frénésie d’initiatives est attendue dès cette date, surtout dans les domaines qui n’exigent pas de nouvelles lois comme les droits de douane, l’immigration et la politique étrangère.
Bien que tout cela soit important, n’oublions pas que les marchés financiers ont tendance à générer des rendements positifs indépendamment du parti qui occupe la Maison-Blanche. En outre, un simple cycle politique n’est pas vraiment significatif pour les investisseurs à long terme. D’autres questions sont essentielles aux yeux des investisseurs, par exemple :
Parviendrons-nous à un atterrissage en douceur ?
L’inflation continuera-t-elle à refluer ?
À quel point les banques centrales peuvent-elles encore abaisser les taux ?
Comment se porte le reste du monde ?
Dans quelle mesure les entreprises individuelles peuvent-elles continuer à innover ?
Tendances économiques favorables
Les données relatives à l’économie américaine demeurent plutôt bonnes. En octobre, les ventes au détail ont enregistré une hausse supérieure aux attentes. En outre, les chiffres du mois dernier ont été nettement révisés à la hausse, ce qui confirme cette interprétation. Les consommateurs ont semblé vouloir dépenser en septembre et en octobre.
Les petites entreprises commencent aussi à afficher davantage d’optimisme. Une fois que les données postélectorales seront disponibles (voir le graphique suivant), nous sommes fermement convaincus que l’indice de confiance des petites entreprises de la National Federation of Independent Business (NFIB) indiquera à nouveau une amélioration. La confiance des consommateurs revient également.
Les consommateurs et les entreprises se montrent davantage optimistes
En date d’octobre 2024. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : National Federation of Independent Business, Conference Board, Macrobond, RBC GMA.
De façon plus générale, les attentes des entreprises sont en hausse. Cette évolution est confirmée par la nette augmentation et la valeur actuellement élevée de l’indice du secteur des services de l’Institute for Supply Management (ISM), parmi les autres données qui composent notre indice agrégé (voir le graphique suivant). Le niveau d’optimisme demeure globalement peu élevé, mais il augmente progressivement.
Les attentes des entreprises américaines augmentent progressivement
En date d’octobre 2024. Analyse des composantes principales fondée sur l’indice d’optimisme de la NFIB et les perspectives du monde des affaires. Nouvelles commandes selon les indices ISM du secteur manufacturier et du secteur des services, et les attentes des chefs de la direction de The Conference Board (TCB) à l’égard de l’économie. Sources : TCB, ISM, NFIB, Macrobond, RBC GMA.
Il ne fait aucun doute que ce regain d’optimisme s’explique non seulement par la baisse du coût d’emprunt au cours de la dernière année, mais aussi par l’assouplissement des conditions de crédit (voir le graphique suivant, mis à jour avec de nouvelles données trimestrielles).
Inversion bienvenue des conditions de crédit aux entreprises aux États-Unis
Sondage sur les pratiques de crédit bancaire auprès des premiers agents des prêts, octobre 2024. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Réserve fédérale américaine, Macrobond, RBC GMA.
Enfin, les surprises économiques demeurent en terrain nettement positif, aux États-Unis ainsi qu’à l’échelle mondiale (voir le graphique suivant). Le contexte économique est actuellement favorable.
Les surprises économiques se multiplient
Au 14 novembre 2024. Sources : Citigroup, Bloomberg, RBC GMA.
L’économie ne se réduit pas au marché boursier
Cette section a pour but de rappeler que l’économie ne se réduit par au marché boursier, et vice-versa.
Les deux sont certainement liés : une économie solide est clairement favorable aux actions, tout comme une récession est clairement défavorable aux actions. Une croissance économique plus rapide engendre des répercussions directes sur le chiffre d’affaires des sociétés, et constitue donc une variable importante pour le marché boursier.
Les bénéfices des sociétés ne représentent que 12 % du PIB. De nombreux autres facteurs tirent l’économie, notamment les dépenses publiques et les revenus personnels.
Néanmoins, il existe des divergences importantes entre le produit intérieur brut (PIB) et le marché boursier. Des divergences constantes de même qu’une croissance du marché boursier dépassant de façon structurelle celle du PIB sont donc possibles.
D’abord, les bénéfices des sociétés ne représentent que 12 % du PIB. De nombreux autres facteurs tirent l’économie, notamment les dépenses publiques et les revenus personnels.
En outre, la part que représentent les bénéfices des sociétés dans le PIB a plus que doublé depuis 1990, principalement en raison de l’augmentation des marges bénéficiaires (voir le graphique suivant). Cela permet d’expliquer comment la croissance des actions a dépassé la croissance du PIB nominal au cours de cette période.
Les bénéfices des entreprises américaines ont augmenté
Au deuxième trimestre de 2024. Bénéfices des entreprises après impôts et avant ajustements liés à l’évaluation des stocks et à l’amortissement du capital fixe. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis (BEA), Macrobond, RBC GMA.
Bien sûr, les bénéfices des entreprises pris en compte dans le PIB sont très différents des bénéfices des sociétés cotées en bourse. Le marché boursier exclut les petites entreprises et les nombreuses grandes sociétés fermées. En outre, l’incidence de cette exclusion dans le PIB a sans cesse évolué, le nombre de sociétés ouvertes ayant diminué au fil du temps.
La valeur du S&P 500 est considérée comme bien plus élevée que la somme des bénéfices actuels des sociétés du S&P 500. Sur le marché boursier, la valeur des bénéfices évolue en fonction des conditions du marché, comme le niveau des taux d’intérêt et l’engouement des investisseurs.
Il y a ensuite la question de l’exposition à la demande étrangère. Environ 11 % du PIB nominal des États-Unis est généré par la demande étrangère. En revanche, 29 % des revenus des sociétés du S&P 500 proviennent de l’étranger. Autrement dit, la demande en provenance de l’étranger est presque trois fois plus importante pour les sociétés cotées que pour l’économie dans son ensemble.
L’origine géographique de cette demande étrangère est également très différente. Sur le plan économique, le Mexique, la Chine et le Canada sont les trois principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Bien que la Chine et le Canada occupent également une place prépondérante dans les revenus des sociétés du S&P 500, le Mexique se retrouve loin derrière et est remplacé par le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, entre autres.
Enfin, la valeur du S&P 500 est considérée comme bien plus élevée que la somme des bénéfices actuels des sociétés du S&P 500. Sur le marché boursier, la valeur de bénéfices évolue en fonction des conditions du marché, comme le niveau des taux d’intérêt et l’engouement des investisseurs. Le marché boursier est également tourné vers l’avenir et anticipe largement les bénéfices à venir plutôt que de s’attarder exclusivement sur les résultats présents.
Si l’on considère l’augmentation cumulée de 257,7 % de l’indice S&P 500 enregistrée entre le troisième trimestre de 2007 et le deuxième trimestre de 2024, seulement 31 % du rendement de l’indice proviennent de la hausse des revenus (plus étroitement liées à l’économie). Une plus grande proportion de 34 % du rendement total provient de la hausse des marges bénéficiaires, et une autre proportion de 30 % de la hausse des valorisations (voir le graphique suivant).
Facteurs contribuant au rendement de l’indice S&P 500
Du 30 sept. 2007 au 30 juin 2024
Sources : Macrobond, Bloomberg, RBC GMA
Le marché boursier et les bénéfices ont tendance à progresser de pair. Cependant, historiquement parlant, plusieurs éléments allant bien au-delà de la simple croissance économique justifient la hausse des actions. Reste à savoir si cette tendance peut se poursuivre dans un contexte où les taux d’intérêt sont un peu plus élevés qu’auparavant (limitant éventuellement les valorisations) et si les marges bénéficiaires continueront d’augmenter au rythme effréné qu’elles ont connu auparavant. Ces variables doivent être prises en compte en tant que telles, parallèlement à l'économie, pour une évaluation correcte des perspectives du marché boursier.
Le pessimisme a-t-il atteint un plafond au Canada ?
Bien des facteurs expliquent le pessimiste qui a entouré l’économie canadienne ces dernières années :
La hausse des taux d’intérêt a été particulièrement douloureuse compte tenu de la forte sensibilité du Canada aux taux d’intérêt.
L’activité économique a été nettement inférieure à celle des États-Unis : la croissance a été très lente, le taux de chômage est maintenant de 6,5 %.
La productivité a été lamentable (même si elle a été masquée dans les chiffres globaux par une croissance démographique rapide).
La croissance démographique est sur le point de s’effondrer, même si ce n’est que temporairement.
La nouvelle menace de hausse des droits tarifaires par les États-Unis.
Nous nous demandons cependant si le degré de pessimisme n’est pas à présent exagéré. Un certain nombre de choses positives se produisent actuellement, ou du moins se profilent à l’horizon, au Canada :
Les taux d’intérêt baissent à présent, ce qui est extrêmement favorable à une économie très sensible aux taux d’intérêt, comme celle du Canada.
L’inflation a déjà atteint son niveau cible, permettant aux banques centrales d’envisager de nouvelles baisses de taux.
Les données économiques se sont récemment stabilisées et le pessimisme baisse au niveau des entreprises.
La faiblesse réelle de la devise offre un léger avantage concurrentiel pour l’avenir.
Les récentes rumeurs d’un dollar à 60 cents, voire à 50 cents, relève d’un pessimisme exacerbé.
Comme le Canada a un déficit budgétaire relativement faible par rapport à ses pairs, il n’aura pas à souffrir du même degré d’austérité économique ou d’anxiété sur les marchés obligataires.
Les droits de douane appliqués par les États-Unis au Canada seront probablement très modestes, notamment pour les raisons suivantes : l’AEUMC limite de tels actes, le Canada n’a pas un important excédent commercial avec les États-Unis, les salaires et la structure économique du Canada sont semblables à ceux des États-Unis, et le bœuf américain Prime est produit ailleurs.
La construction de logements devrait augmenter sensiblement dans les prochaines années en raison d’une pénurie importante.
Le taux élevé d’épargne des ménages au Canada laisse place à une croissance des dépenses supérieure à celle des revenus au cours des prochaines années, à mesure que le fardeau des taux d’intérêt élevés s’allège.
À l’approche des élections fédérales, qui auront lieu l’année prochaine, et alors que les sondages laissent présager un changement de gouvernement, il y a de bonnes chances que la politique s’oriente dans une direction plus favorable à la croissance, à la productivité et aux entreprises.
Les chiffres de la productivité du Canada sont certes assez médiocres, mais ils ne sont pas aussi mauvais que l’on aurait pu le croire à première vue, après une récente et importante révision à la hausse de 1,3 point de pourcentage du niveau du PIB.
Tout cela est vraiment encourageant. Cependant, la grande question pour 2025 est de savoir si l’effondrement attendu de la croissance démographique (voir le graphique ci-dessous) sera compensé par une hausse (espérons-le) de la croissance de la productivité.
L’accroissement de la population du Canada devrait ralentir à cause des objectifs d’immigration réduite
Au 28 octobre 2024. Les estimations du plan du gouvernement sont fondées sur le Plan des niveaux d’immigration 2025-2027 du gouvernement fédéral publié le 24 octobre 2024. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.
À première vue, il semble difficile d’espérer que la croissance de la productivité s’accélère suffisamment pour compenser le ralentissement de deux points de pourcentage de la croissance démographique. Pourtant, ce scénario reste possible, en grande partie parce que la productivité a été si faible ces dernières années. Nous ne parlons pas d’une accélération de la croissance normale de la productivité à une croissance incroyable. Il s’agit plutôt de l’espoir que la productivité, qui s’était considérablement effondrée ces dernières années, se redresse pour atteindre une croissance modeste (voir le graphique ci-après).
La productivité du Canada est en baisse
PIB, PIB par habitant et productivité au T2 2024. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.
Le manque de productivité du Canada par rapport aux États-Unis reflète une interaction complexe entre les impôts, le régime de réglementation, une économie axée sur le logement, un manque d’envergure et l’immigration, parmi une multitude d’autres facteurs. La plupart de ces aspects seront abordés un autre jour, et personne ne s’attend à ce que la productivité du Canada revienne rapidement au niveau de celle des États-Unis.
Mais l’aspect de l’immigration mérite d’être exploré, car il est plus spécifique et temporaire que les autres. Une immigration forte a été à l’origine de la récente croissance démographique rapide du Canada. Ce n’est pas un hasard si celle-ci – du moins après correction des distorsions liées à la pandémie et à la reprise post-pandémique – a coïncidé avec une baisse de la productivité.
Les deux sont effectivement interreliées. Parce que l’immigration canadienne a été axée en grande partie sur les étudiants étrangers, qui n’ont pas travaillé ou qui ont occupé de petits emplois peu qualifiés, et sur les travailleurs étrangers temporaires importés dans le but délibéré de pourvoir des postes peu qualifiés, le PIB par habitant a chuté, tout comme la productivité – pour des raisons liées à sa composition.
De manière plus fondamentale, le stock de capital du Canada n’a tout simplement pas pu suivre le rythme : en tenant compte de l’inflation, le capital par habitant a grandement diminué au cours des dernières années, la croissance de la population surpassant celle des usines, des ordinateurs et d’autres éléments semblables (voir le graphique suivant).
Au Canada, le stock de capital par habitant a diminué
Au deuxième trimestre de 2024. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.
Dans ce cas, pourquoi peut-on espérer un rebond imminent en 2025 ? Alors que le nombre de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants internationaux commence à fléchir, il devrait y avoir un rebond mathématique de la production par habitant et de la productivité. Certes, ce n’est qu’un effet de composition, ce qui signifie que le Canadien moyen n’est pas soudainement plus productif. Mais la productivité globale sera néanmoins plus élevée.
Une croissance plus lente de la population devrait aussi donner au stock de capital l’occasion de rattraper son retard, espérons-le, en surpassant la croissance démographique (et, ce faisant, en créant une intensité capitalistique accrue après une période de déclin).
À notre avis, il est plus probable qu’improbable que le Canada enregistre une croissance en 2025, et les facteurs susmentionnés favorables à l’économie canadienne commenceront probablement à se manifester avec davantage de visibilité par la suite, à commencer par l’effet bénéfique de la baisse des taux d’intérêt.
Il convient également de rappeler que les nouveaux travailleurs sont souvent en période d’apprentissage. Donc, après une envolée de l’immigration et du nombre de nouveaux travailleurs – comme ce fut le cas ces dernières années – la productivité diminue temporairement. Avec le temps, ce déséquilibre s’estompe.
Dans ce contexte, l’accélération de la croissance de la productivité devrait être l’hypothèse par défaut, et nous pensons que le Canada peut renouer avec celle-ci après quatre années de stagnation ou pire.
Notez toutefois, malgré le discours chauviniste d’un « Canada sur une pente ascendante », que 2025 sera probablement une année mouvementée. Il n’est pas tout à fait certain que la croissance de la productivité reprendra en même temps et dans la même mesure que l’affaiblissement de la croissance démographique. Certains trimestres pourraient être exceptionnellement faibles ou robustes, à mesure que la situation se stabilise.
À notre avis, il est plus probable qu’improbable que le Canada enregistre une croissance en 2025, et les facteurs susmentionnés favorables à l’économie canadienne commenceront probablement à se manifester avec davantage de visibilité par la suite, à commencer par l’effet bénéfique de la baisse des taux d’intérêt.
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
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