Regard sur les placements mondiaux
Notre numéro trimestriel de Regard sur les placements mondiaux est maintenant disponible en ligne. Veuillez noter que nos perspectives ont continué à évoluer depuis la publication de ce document, y compris une mise à jour du risque de récession dont il est question dans la section suivante du présent #MacroMémo.
Le risque de récession baisse
Nous revoyons à la baisse le risque de récession aux États-Unis au cours des 12 prochains mois, de 40 % à 30 %. Plusieurs nouveaux faits appuient ce changement :
La Réserve fédérale américaine (la Fed) a réduit son taux directeur de 50 points de base – plus que prévu. En plus de soutenir l’économie, cela indique que la Fed pourrait continuer à agir rapidement si l’économie devait hoqueter.
Les données économiques se sont améliorées au cours des six dernières semaines. L’indice ISM (Institute for Supply Management) du secteur des services est remonté au-dessus de 50. Le taux de chômage a diminué. Les demandes de prestations de chômage ont diminué de façon constante. Les ventes au détail ont été étonnamment encourageantes. Le PIB a affiché un solide taux annualisé de 2,9 % au troisième trimestre.
Les marchés du crédit montrent peu de signes de tension. Les écarts de crédit sont serrés, les taux hypothécaires sont en baisse et les normes d’octroi de prêts des banques s’assouplissent.
La baisse des prix du pétrole favorise davantage la croissance économique et réduit le risque de résurgence de l’inflation.
Tout compte fait, le risque d’une récession aux États-Unis a considérablement diminué, bien qu’il demeure plus élevé que la normale. Un risque de récession normal pourrait être de 10 à 15 % pour une année moyenne. Certains signaux de récession demeurent au rouge (se reporter à la discussion sur la courbe de rendement plus loin). De plus, les effets indésirables des taux d’intérêt élevés persisteront un certain temps.
Risque de récession ailleurs
Le risque de récession demeure progressivement plus élevé ailleurs, comme au Canada et dans la zone euro, où la croissance économique s’est davantage détériorée.
Dans le cas du Canada, le taux de chômage a maintenant augmenté de 1,8 point de pourcentage. La règle de Sahm, axée sur les États-Unis et qui stipule qu’une augmentation de 0,5 point de pourcentage de la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage a toujours entraîné une récession, n’a jamais bien fonctionné au Canada, où moins de la moitié de ces événements ont débouché sur une récession. Cependant, chaque fois que le taux de chômage a augmenté de plus de 1,5 point de pourcentage au cours des cinquante dernières années au Canada, une récession s’est produite. Ce seuil précis a déjà été franchi (bien que le taux de chômage ait augmenté de 3,7 points de pourcentage de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1970 sans récession).
Cela dit, aucune règle n’est parfaite. Le taux de chômage au Canada a été fortement influencé par l’immigration plutôt que par les pertes d’emplois, ce qui a eu des répercussions moins inquiétantes. Les optimistes peuvent aussi soutenir que le Canada a déjà connu une certaine récession, compte tenu du déclin marqué de son PIB par habitant, et que l’accroissement rapide de la population a réduit au minimum les dommages globaux (voir le graphique suivant). Alors que la croissance du PIB se stabilise et que le PIB par habitant atteint un creux, le pire est peut-être passé.
La croissance a nettement ralenti au Canada
Au deuxième trimestre de 2024. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA
Dans le contexte de la récente performance économique du pays et des commentaires conciliants du gouverneur Macklem, et étant donné que la Réserve fédérale des États-Unis a réduit les taux de 50 points de base pour ce cycle, il y a de fortes chances que la Banque du Canada procède aussi à une baisse de 50 points de base au cours des prochains mois.
La tendance de l’inflation s’améliore
L’indice des prix à la consommation (IPC) des États-Unis s’est quelque peu amélioré en août. Les données sur l’inflation globale selon l’IPC sont passées de 2,9 % à 2,5 % d’une année sur l’autre. L’inflation de base a été moins impressionnante et a augmenté de 3,2 % d’une année sur l’autre, soit une hausse marquée de 0,3 % d’un mois sur l’autre. Dans l’ensemble, cependant, la plupart des forces inflationnistes continuent de faiblir. En effet, sur les onze principales sous-composantes de l’inflation, seul le logement a contribué de façon significative à l’augmentation des prix mensuels en août (voir le graphique suivant).
Facteurs ayant le plus contribué au plus récent taux d’inflation mensuel aux États-Unis
En date d’août 2024. Sources : Bureau of Labor Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Un vaste éventail de mesures de l’inflation sont enfin passées au vert (voir le graphique suivant). Ce n’était pas du tout le cas au printemps. L’exception demeure les coûts du logement. Ils ne devraient pas être minimisés, mais le décalage associé à l’inflation du logement continue de laisser croire que la composante peut encore fléchir un peu à partir d’ici, voire devenir contenue.
Le point sur les principales mesures de l’inflation
En date d’août 2024 pour les mesures de l’IPC et de l’indice des prix à la production (IPP), en date de juillet 2024 pour les mesures des dépenses personnelles de consommation (DPC). Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis, BLS, Federal Reserve Bank de Cleveland, Federal Reserve Bank de Dallas, Macrobond, RBC GMA
À l’exception des coûts du logement, l’IPC aux États-Unis se situe déjà bien en deçà de la cible d’inflation de 2,0 % du pays (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, l’inflation hors logement est revenue à 2 %
En date d’août 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Federal Reserve Bank de Cleveland, Macrobond, RBC GMA
En délaissant les dernières données sur l’inflation pour nous tourner vers les principaux facteurs d’inflation, nous constatons que les nouvelles sont bonnes pour la plupart. Le nombre d’entreprises qui prévoient des hausses de prix est de nouveau en baisse et pas trop loin de la normale après une brève flambée (voir le graphique suivant).
Le pourcentage d’entreprises américaines qui prévoient augmenter les prix s’approche des niveaux d’avant la pandémie
En date d’août 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : National Federation of Independent Business, Macrobond, RBC GMA
Les attentes inflationnistes à moyen terme – tant au cours des cinq prochaines années qu’au cours des années six à dix – ont diminué de façon significative au cours des derniers mois, ce qui confirme la confiance croissante que l’inflation est en effet en voie de se stabiliser de façon durable (voir le graphique suivant).
Les attentes d’inflation à moyen terme aux États-Unis ont diminué
Au 12 septembre 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Bien qu’il soit important de comprendre qu’il est peu vraisemblable que les prix à l’échelle de l’économie diminuent sensiblement, malgré leur forte hausse précédente, certaines composantes individuelles rendent une partie de leurs gains antérieurs. Les prix de gros des voitures d’occasion aux États-Unis en sont un excellent exemple. Ils poursuivent leur tendance baissière après avoir explosé au cours des premières années de la pandémie (voir le graphique suivant).
Les prix de gros des voitures d’occasion sont redescendus de leur sommet, mais restent élevés
En date d’août 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : Manheim Consulting, Macrobond, RBC GMA
Les prix des produits de base sont moins élevés qu’ils l’étaient il y a quelques années, et aussi par rapport à leurs niveaux d’il y a quelques mois (voir le graphique suivant).
Les prix des marchandises ont diminué récemment
Au 11 septembre 2024. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : S&P Global, Macrobond, RBC GMA
Les coûts d’expédition, qui avaient augmenté de façon préoccupante en raison des perturbations en mer Rouge et de la pénurie d’eau dans le canal de Panama, reculent à nouveau. Cela a permis de réduire la menace de graves problèmes de chaîne logistique qui pourraient nuire à l’économie ou ranimer l’inflation.
Les coûts d’expédition diminuent maintenant puisque la période de pointe a été devancée
Données pour la semaine se terminant le 12 septembre 2024. Sources : Drewry Shipping Consultants Ltd, Macrobond, RBC GMA
Dans l’ensemble, l’inflation devrait continuer de fléchir au cours des prochains trimestres, revenant à une situation qui ressemble à la normalité d’avant la pandémie (à laquelle pourraient s’ajouter quelques dixièmes de point de pourcentage étant donné les nouvelles forces comme les séquelles de la pandémie, la démondialisation et les changements climatiques).
La Fed abaisse son taux de 50 pb
Le 18 septembre, la Fed a décrété une baisse marquée de son taux directeur, de 50 points de base (pb), optant pour la plus élevée des deux réductions de taux dont débattaient les marchés (l’autre, de 25 pb, était celle que nous privilégions). Ce faisant, la Fed a largement compensé son départ tardif, dépassant les baisses cumulatives de la Banque d’Angleterre et rattrapant la Banque centrale européenne, qui a décrété deux baisses de 25 pb.
Le risque d’une baisse de 50 pb est que les marchés y voient un signe de panique dans le contexte de ralentissement de l’économie. Mais ce n’est pas ainsi que les marchés l’ont interprétée, et il faut reconnaître que la Fed a habilement communiqué que cette baisse marquée représentait un bon début et témoignait de la confiance de voir l’inflation fléchir aux alentours de 2 %.
Les marchés financiers s’attendent à un abaissement supplémentaire de 75 pb d’ici la fin de l’année, soit une réduction de 50 pb et une autre de 25 pb à l’occasion des deux prochaines réunions de politique monétaire. Pour leur part, les graphiques à points de la Fed indiquent une réduction de seulement 50 pb au cours des deux prochaines réunions. C’est la question qui fait l’objet d’un débat, et ce sont probablement les statistiques économiques qui détermineront la rapidité avec laquelle la Fed continuera d’agir. Pour le moment, nous tablons sur deux baisses de taux de 25 pb chacune d’ici la fin de l’année.
En 2025, les marchés intègrent un abaissement plutôt rapide du taux des fonds fédéraux par la Fed, à moins de 3 % d’ici la fin de l’année (voir le graphique suivant). C’est tout à fait possible, mais ce scénario laisse entrevoir un taux directeur inférieur à celui que prévoit la Fed, soit un taux de 3,4 % à la fin de 2025. Là encore, nous pensons que la vérité devrait se situer entre ces deux prévisions, mais cela dépendra en grande partie de l’éventualité d’un important relâchement de l’économie, auquel cas la Fed serait tout à fait justifiée d’abaisser son taux directeur pour le porter en mode « stimulation ». Pour le moment, nous signalons que les marchés ont tendance à exagérer dans un sens, puis dans l’autre en ce qui concerne les réductions de taux par la Fed. Dans ce contexte, ils anticipent peut-être une baisse trop importante à l’heure actuelle.
La Fed démarre un cycle d’assouplissement en trombe
Au 19 septembre 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Une voix s’est opposée à la décision du comité de politique monétaire. Cela n’est pas en soi particulièrement inhabituel, d’autant plus que le débat ne portait pas sur l’action ou l’inaction de la Fed, mais plutôt sur l’ampleur de la baisse de taux. Ce qui est inhabituel, c’est que la dissidence provenait d’un gouverneur de la Fed plutôt que du président d’une Fed régionale. Les présidents des Fed régionales sont géographiquement éloignés les uns des autres, ils tiennent compte de considérations économiques régionales et possèdent leurs propres équipes de recherche qui génèrent des prévisions différentes et donc une politique monétaire optimale. En revanche, les gouverneurs de la Fed sont tous établis à Washington D.C. et ont davantage tendance à s’exprimer d’une seule voix. C’était le premier vote dissident d’un gouverneur de la Fed en 19 ans.
Il est tentant de voir un aspect politique dans cette décision, étant donné qu’elle émane d’un républicain de longue date nommé par Trump qui préférait une baisse de taux moins importante juste avant les élections présidentielles, mais ce n’est pas juste. En effet, la majorité des professionnels de l’économie étaient aussi favorables à une baisse de 25 pb et l’on pourrait aussi avancer (à tort ou à raison) que les autres membres votants de la Fed – qui ont tous leurs propres inclinations politiques – ont aussi fait de la politique en décrétant une baisse de taux étonnamment importante juste avant les élections.
La courbe de rendement se rétablit
L’inversion d’une partie importante de la courbe des taux américaine s’est rétablie. Le taux des obligations à deux ans vient de rechuter sous celui des obligations à dix ans après une nouvelle inversion record de 566 jours.
Puisqu’une courbe inversée des taux annonce traditionnellement une récession, ce signal a-t-il tout simplement disparu ?
La réponse est non, pour deux raisons. Premièrement, deux autres parties de la courbe de rendement qui, dans le passé, présageaient une récession restent inversées (voir le graphique suivant). L’inversion n’est donc pas tout à fait finie.
Divergence des indicateurs de la courbe de rendement
Au 20 septembre 2024. L’écart de taux à terme des titres à court terme est le taux à terme des bons du Trésor à trois mois dans six trimestres moins le taux au comptant des bons du Trésor à trois mois. La zone ombrée représente une récession. Sources : Engstrom et Sharpe (2018), articles de la Fed, Washington Board of Governors of the Federal Reserve System, Bloomberg, Haver Analytics, RBC GMA
Deuxièmement, une courbe de rendement inversée qui se rétablit prédit toujours une récession dans certaines circonstances. Des circonstances que l’on retrouve aujourd’hui. Une courbe de rendement inversée est un bon indicateur de récession, non immédiate, mais dans un ou deux ans. Ce n’est pas un signal imminent. Le signal dans l’immédiat est que la courbe de rendement inversée se rétablira juste avant la récession dans le cadre d’une accentuation haussière (c.-à-d. une chute des taux obligataires, plus marquée pour les taux à court terme que ceux à long terme). Le marché obligataire vient en effet de prendre les allures d’une accentuation haussière. En d’autres termes, la courbe des échéances de deux à dix ans continue de suivre une trajectoire de récession traditionnelle.
Pourquoi ne sommes-nous donc pas d’avis qu’une récession est probable ? Voici quelques raisons.
De nombreux autres signaux de récession sont actuellement absents, y compris le fait que les normes de crédit s’assouplissent et que le commerce mondial soit en hausse. Aucun signal n’est infaillible, même si celui-ci en particulier a réussi le sans-faute. La taille de l’échantillon est réduite aux États-Unis, et d’autres pays comme le Royaume-Uni ont vécu longtemps en présence de courbes inversées de rendement sans aucune conséquence.
L’inversion de la courbe de rendement (suivie de son rétablissement) est monnaie courante avant une récession parce que les taux, au départ, plus ou moins normaux, sont entraînés à la baisse dans les échéances longues dans la foulée de perspectives pessimistes, avant que l’urgence de réductions de taux soit dictée pour gérer la récession, lesdites réductions entraînant une baisse encore plus accentuée de l’extrémité à court terme. Aujourd’hui, la situation est différente. Les taux d’intérêt sont prohibitifs. La récente inversion de la courbe s’explique moins par des perspectives pessimistes exprimées à long terme, et plus par l’attente que les taux finiront par se normaliser davantage. Aujourd’hui, les banques centrales ne réduisent pas les taux par désespoir qu’une récession s’installe, mais plutôt du fait que l’inflation commence à battre en retraite. Autrement dit, les réductions de taux présagent ordinairement la difficulté, puisqu’elles sont mises en œuvre du fait d’un ralentissement économique non souhaité. Il se peut que ces réductions-ci ne jouent pas les Cassandre, car elles se font principalement à la suite d’un ralentissement de l’inflation tant attendu.
La prime à l’échéance reste inhabituellement faible. Dans ce contexte, les investisseurs en obligations n’exigent pas de se faire rémunérer beaucoup plus pour les obligations à long terme (en tenant compte des prévisions d’inflation et de politique monétaire). Il est donc beaucoup plus facile pour la courbe de rendement de s’inverser. Dans le passé, une inversion de la courbe nécessitait une reprise monumentale (et implicitement, des perspectives économiques à moyen terme vraiment pessimistes). En l’absence d’une prime à l’échéance marquée, il en faut beaucoup moins pour que la courbe s’inverse. Par conséquent, le pessimisme économique actuel n’est pas aussi dramatique.
C’est mêlant, n’est-ce pas ? Retenons les principaux points : a) le récent rétablissement de l’inversion sur le segment des échéances de deux à dix ans ne supprime pas le signal de récession, mais nous rapproche d’un pas de sa réalisation théorique ; b) il y a toutefois lieu de se méfier plus que de coutume des signaux économiques issus des courbes des rendements en ce moment.
La course aux élections américaines demeure serrée
Il reste à peine six semaines avant les élections présidentielles des États-Unis. Depuis la dernière fois que nous avons abordé ce thème, Trump a subi une deuxième tentative d’assassinat et Harris a remporté le débat final. Les marchés des paris soutiennent que la légère avance de Harris est en train de se creuser. Selon les statistiques de PredictIt, Harris avait 52 % de chances de remporter les élections avant le dernier débat, que ces chances sont montées à 54 % juste après le débat, et qu’elles sont de 57 % aujourd’hui (voir le graphique suivant). Cela signifie que les chances de victoire de Trump sont de 43 %.
Harris est maintenant en tête de la course à la présidence
Au 23 septembre 2024. D’après les marchés de prédiction et les calculs de RBC GMA. Sources : PredictIt, Macrobond, RBC GMA
Néanmoins, les statistiques de PredictIt pourraient être légèrement surestimées. De nombreux marchés de paris n’offrent pas la possibilité de suivre les probabilités au fil du temps (d’où l’utilisation de PredictIt pour réaliser le graphique longitudinal ci-dessus). Notre synthèse de ces données établit les chances de Harris à 53,3 % seulement, contre 46,7 % pour son rival (voir le graphique suivant).
Pour être clair, ce sont des probabilités, et non des résultats de sondages – lesquels sont beaucoup plus serrés. En définitive, l’élection dépendra de quelques dizaines de milliers de voix dans une poignée d’États où les jeux sont loin d’être gagnés, ce qui rend le résultat extrêmement incertain. Le fait est que Harris est maintenant la favorite, mais que l’un ou l’autre des candidats pourrait gagner sans que cela soit un bouleversement.
Les prévisions concernant les élections de 2024 aux États-Unis continuent de changer
Au 23 septembre 2024. La probabilité de remporter les élections présidentielles est calculée comme la probabilité médiane selon Oddschecker, PolyMarket, PredictIt et RealClearPolitics (RCP). La probabilité pour le Sénat et la Chambre est une prévision des analystes de Good Judgment. Sources : Good Judgment, Oddschecker, PolyMarket, PredictIt, RCP, Macrobond, RBC GMA
Du point de vue des incidences économiques, les principales considérations sont les droits de douane, l’immigration et la politique budgétaire. Passons en revue chacun de ces points.
Droits de douane
Dans un précédent #MacroMémo, nous avons fait part de notre réflexion sur l’incidence économique des droits de douane proposés (voir le tableau suivant). En résumé, les droits de douane proposés par Trump, dans leur totalité, auraient un effet largement dommageable à la croissance économique. Cependant, il est probable que le projet de droits de douane ne soit que partiellement mis en œuvre, ce qui implique que les dommages économiques seraient plus modestes, de l’ordre de quelques dixièmes de point de pourcentage de production en moins en cas de victoire de Trump. En revanche, nous supposons qu’aucune modification importante ne serait apportée aux droits de douane dans le scénario d’une victoire de Harris, donc l’effet serait neutre.
Les droits de douane imposés par Trump auraient un effet préjudiciable assez important
Au 5 août 2024. Écart (en pourcentage) entre le niveau du PIB et de l’IPC et la tendance normale après deux ans. Sources : Oxford Economics, RBC GMA
Immigration
L’immigration aux États-Unis est difficile à évaluer, étant donné que le Bureau du recensement n’a pas réussi à mesurer l’ampleur de l’immigration illégale dans le pays au cours des dernières années. Un rapport du Bureau du budget du Congrès donne une idée estimative des chiffres, mais il ne s’agit que d’une approximation et les données sont quelque peu obsolètes.
En dépit de ces failles dans le recensement, le taux d’immigration aux États-Unis semble déjà en net ralentissement bien qu’aucun des deux candidats n’ait encore été élu. L’immigration pourrait s’être élevée à 3,2 millions de personnes en 2023, elle est estimée à environ 2,4 millions de personnes en 2024, et nous supposons qu’elle ralentirait à environ 1,5 million de personnes en 2025 sous Harris contre 1,25 million sous Trump. Si la différence semble faible, il faut garder à l’esprit que les deux candidats tentent d’endiguer l’immigration clandestine et que la législation pourrait entraver certaines des stratégies les plus agressives visant à restreindre le flux. En supposant une productivité plus faible parmi les immigrants sans-papiers récemment arrivés, la politique d’immigration pourrait faire baisser la croissance économique annuelle de 0,2 % en cas de victoire de Harris, et de 0,3 % en cas de victoire de Trump.
Politique budgétaire
Nous allons maintenant parler du reste de la politique budgétaire – impôts, dépenses publiques et autres. C’est là que les choses sont plus floues. Les estimations varient beaucoup, certains chercheurs concluant que Harris serait plus favorable à l’économie que Trump, à court terme, tandis que d’autres soutiennent le contraire. Dans le même temps, certains modèles soutiennent que les programmes des deux candidats sont stimulants pour l’économie, tandis que d’autres soutiennent que les politiques seront nettement négatives pour l’économie.
Les éléments d’incertitude comprennent la question de savoir s’il faut inclure toutes les politiques que le candidat a mentionnées, ou se concentrer sur celles auxquelles il accorde une attention répétée et significative. Les détails sont souvent vagues. Même si les détails sont précisés, la politique sera-t-elle mise en œuvre dans son intégralité, ou partiellement en raison de questions pratiques, de contraintes politiques, voire de limitations juridiques ? Il y a aussi les bons vieux désaccords sur le coût des différentes politiques, sur leurs effets économiques et sur la façon dont les effets économiques pourraient être répartis au cours des années à venir.
Tout bien considéré, nous nous en tenons aux contours économiques généraux plutôt qu’aux chiffres spécifiques. Trump part avec un désavantage évident, étant donné ses politiques de droits de douane et d’immigration plus dommageables à l’économie. Mais il propose aussi des dégrèvements fiscaux, alors que Harris propose des hausses d’impôt. D’un autre côté, Harris propose davantage de nouvelles dépenses que Trump.
Bien que les corrections d’hypothèses puissent donner lieu à un large éventail de conclusions, nous estimons, même si nous tenons compte de l’incidence des politiques de droits de douane et d’immigration, qu’une présidence de Trump pourrait être légèrement plus favorable à l’économie, à court terme, par rapport à une administration Harris (voir le graphique suivant). Autrement dit, l’impulsion économique générée par les dégrèvements fiscaux et peut-être par une certaine déréglementation fait plus que contrebalancer les hausses d’impôts (sur les sociétés et la richesse) et l’augmentation des dépenses (comme le crédit d’impôt pour enfant, le crédit d’impôt sur le revenu gagné et l’aide au logement) proposées par Harris, et ce qui pourrait être une réduction des inégalités. Cela ne veut pas dire que l’effet net sera particulièrement stimulant pour l’économie, quel que soit le candidat élu.
Perspectives macroéconomiques et du marché concernant les élections américaines
Au 19 septembre 2024. Source : RBC GMA. Document à titre informatif seulement.
C’est ce que l’on appelle « l’effet Trump » : une victoire de Donald Trump aurait une incidence positive sur les actions (au moins pour les actions des sociétés à mégacapitalisation), sur les taux obligataires (du moins en théorie) et sur le dollar américain. Les entreprises semblent avoir une préférence marquée pour l’un des deux candidats : dans un sondage de Wolfe Research, 91 % d’entre elles ont répondu préférer le candidat républicain, à la question « quel candidat à la présidentielle est le meilleur soutien pour votre secteur ? ». Bien sûr, les baisses d’impôt sur les sociétés et la déréglementation bénéficieraient aux entreprises de manière disproportionnelle. Ces mesures pourraient à leur tour susciter un regain d’optimisme favorable à la croissance économique.
Il s’agit évidemment d’une vision à court terme de la situation économique. À moyen terme, les effets pourraient s’inverser. La majeure partie des mesures de soutien supplémentaires à l’économie proposées par Trump à court terme entraînera un déficit plus important. Des intérêts devront être payés sur cette dette, laquelle devra à terme être remboursée. En outre, la perspective d’un ralentissement de l’immigration amputera la croissance aussi longtemps que cette politique sera maintenue. Les dommages découlant de la mise en place de tarifs douaniers pourraient considérablement s’alourdir au bout de quelques années. Il se pourrait donc qu’après plusieurs années, une victoire de Donald Trump finisse d’une certaine manière par freiner la croissance, contrairement à une victoire de Kamala Harris.
Enfin, prenons un peu de recul et réfléchissons un instant. Il est fort probable que cette analyse accentue de façon excessive les divergences entre les deux candidats sur le plan économique (pas de tarifs douaniers, pas d’immigration). Ni l’un ni l’autre n’ont vraiment donné leur avis sur l’équilibre budgétaire, ou n’ont exprimé leurs préoccupations quant à l’importance du déficit et de la dette publique. Il est probable que les deux candidats dépenseront (sous forme de réductions d’impôt ou de dépenses publiques) autant que ce que le Congrès leur permettra.
En fin de compte, la question centrale est de déterminer si l’effet net de la politique budgétaire sera globalement une stimulation ou une restriction sur les quatre prochaines années, ou si le Congrès sera uni ou divisé entre les deux partis. En cas d’unité, les deux camps auront les moyens de mettre en œuvre des mesures de relance budgétaire. En cas de division, les possibilités seront fortement réduites. À l’heure actuelle, il est plus probable que le Congrès se retrouvera divisé (voir le graphique à barres précédent), ce qui signifie que nous ne devrions pas compter sur le vote de mesures de relance budgétaire importantes au cours des années à venir. Ce scénario pourrait être une bonne chose, dans la mesure où la situation budgétaire des États-Unis est déjà difficile. Il implique également que les répercussions économiques du programme de Donald Trump mentionnées ci-dessus seraient un peu exagérées, en comparaison avec celles des mesures financièrement plus modérées de Kamala Harris.
Les prix du pétrole demeurent faibles
Les prix du pétrole sont aujourd’hui relativement bas, par rapport à la situation de l’an dernier et par rapport à la norme des prix sur ces dernières années (voir le graphique suivant). À tout juste 72 $ US le baril de pétrole West Texas, ce prix est l’un des plus bas observés depuis les creux atteints pendant le confinement lié à la pandémie (lorsque les prix du pétrole étaient temporairement négatifs, chose incroyable !).
Les prix du pétrole brut chutent en raison des préoccupations liées à la demande, malgré les tensions géopolitiques
Au 19 septembre 2024. Sources : Macrobond, RBC GMA
Cette situation s’explique principalement par une demande relativement faible de pétrole. Le ralentissement de la croissance économique aux États-Unis et en Chine, combiné à la baisse de l’intensité pétrolière dans l’économie, devrait maintenir la demande à un niveau à peu près stable en 2025 (voir le graphique suivant).
La croissance de la demande de pétrole ralentira considérablement en Chine
Selon les prévisions de l’Energy Information Association (EIA) des États-Unis pour 2024. Sources : Short-Term Energy Outlook, septembre 2024, EIA, Macrobond, RBC GMA
Le niveau de l’offre est resté globalement stable, ce qui a valu aux pays de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) d’être critiqués de ne pas avoir réduit leur production pour relancer les prix. La dynamique au sein du marché du pétrole est toutefois en train de changer, au point qu’il est aujourd’hui plus difficile de prendre une telle décision. Un facteur clé est l’influence croissante du secteur du pétrole de schiste américain, dont la production dépasse désormais celle de l’Arabie saoudite et de la Russie (voir le graphique suivant). La souplesse qu’on reconnaît à ce secteur lui permet, à chaque fois que les prix du pétrole grimpent, d’être le mieux placé pour tirer rapidement profit de cette hausse. Par conséquent, une réduction de la production des pays de l’OPEP pourrait simplement conduire à concéder des parts de marché aux producteurs américains, ce qui serait contraire à l’objectif recherché.
Les É.-U. sont désormais le plus important producteur de pétrole
En date de mai 2024. Sources : EIA, Macrobond, RBC GMA
Une autre raison d’origine structurelle, mais plus spéculative, à la faiblesse du marché du pétrole est la concurrence des véhicules électriques (VE), qui tentent de rivaliser avec les véhicules traditionnels à moteurs à combustion interne. Toute augmentation des prix du pétrole pourrait entraîner un abandon massif et permanent des combustibles fossiles. Bien que l’adoption des VE soit encore lente dans beaucoup de pays développés, elle explose en Chine. C’est évidemment une chose que les pays de l’OPEP voudraient éviter. C’est peut-être la raison pour laquelle ils acceptent à contrecœur des prix entre 70 et 90 $ US le baril, plutôt que de vouloir ramener les prix à un montant à trois chiffres.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, étant donné la faiblesse des prix du pétrole, la demande de pétrole n’est en réalité pas nettement inférieure à l’offre (voir le graphique suivant). Cela pourrait toutefois être le cas au second semestre de l’année prochaine. Les stocks de pétrole brut de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) n’atteignent pas non plus des niveaux particulièrement inhabituels (voir le graphique suivant). Bien qu’ils soient un peu plus élevés qu’au cours des dernières décennies, ces stocks sont en réalité un peu bas en comparaison avec les niveaux observés sur les dix dernières années.
De déficit à excédent pétrolier mondial à court terme
Production et consommation mondiales de pétrole et d’autres combustibles liquides. Sources : Short-Term Energy Outlook, septembre 2024, EIA, Macrobond, RBC GMA
Les stocks mondiaux de pétrole brut s’établissent au-dessus de la moyenne historique
En date d’août 2024. Sources : EIA, Macrobond, RBC GMA
Ainsi, nous continuons de signaler un risque d’augmentation des prix du pétrole en raison du contexte géopolitique. Le conflit au Moyen-Orient continue de s’aggraver et la guerre en Ukraine fait toujours planer des risques. C’est d’autant plus vrai que l’Ukraine s’aventure désormais sur le sol russe et que la Russie a prévenu qu’elle considérera toute utilisation d’armes américaines en Russie comme une attaque de l’OTAN. Mentionnons simplement qu’il existe des scénarios dans lesquels l’accès au pétrole devient plus limité. Toutefois, il ne s’agit pas de notre scénario de base.
Pour le moment, les prix du pétrole demeurent bas. D’un point de vue général, il s’agit d’une bonne nouvelle pour la croissance mondiale et surtout pour les ménages. Ainsi, l’économie mondiale bénéficie à la fois de taux d’intérêt plus faibles et d’un pétrole meilleur marché, deux facteurs qui laissent présager une poursuite de la croissance économique au cours de l’année à venir. Les conséquences sont plus nuancées, voire carrément négatives, pour les principaux pays producteurs de pétrole, dont le Canada. Les États-Unis ne tirent plus autant profit de leur énorme avantage. Néanmoins, nous supposons qu’il s’agit d’un effet positif sur la consommation et au pire, d’un effet neutre sur le PIB global.
Le mystère sur les salaires au Canada s’épaissit
Selon l’Enquête sur la population active (EPA), le salaire horaire au Canada a enregistré en août, une forte croissance de 5,0 % d’une année sur l’autre. Ce taux est assez élevé en comparaison avec les États-Unis, où l’indicateur équivalent de mesure des salaires n’a augmenté que de 3,8 % d’une année sur l’autre, et ce, malgré une économie plus vigoureuse. Les augmentations de salaire au Canada sont également demeurées exceptionnellement stables au cours de ces deux dernières années et demie, malgré un recul de l’inflation et la hausse du taux de chômage.
Quelles en sont les raisons ? On pourrait spéculer sur le fait que le taux de syndicalisation est plus élevé au Canada et que la hausse du coût de la vie se répercute avec un certain décalage sur les salaires, les contrats expirant après coup. Toutefois, il existe probablement d’autres facteurs pour expliquer cette situation. Pour être honnête, la vigueur des salaires demeure en grande partie une énigme, mais elle est également contre-intuitive. En effet, le Canada a récemment accueilli de nombreux travailleurs temporaires non qualifiés, lesquels sont censés gagner des salaires plus bas.
Nous n’avons finalement pas réussi à élucider ce mystère, mais nous pouvons apporter d’autres réponses presque aussi utiles. Nous avons remarqué que, pour une raison ou une autre, la mesure des salaires résultant de l’EPA se situe à l’extrémité haute de la fourchette des estimations de salaire au Canada. D’autres données sur les salaires indiquent des chiffres plus faibles (voir le graphique suivant). Par exemple, selon l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH), la croissance des salaires est plus modérée et se situe entre +3,2 % et +4,2 % d’une année sur l’autre, selon la prise en compte ou non de certains critères pour déterminer la composition des travailleurs. D’autres indicateurs de mesure des salaires s’établissent principalement dans la fourchette de 3 % à 4 %, notamment l’indicateur « salaires-comm » de la Banque du Canada qui se s’élève actuellement à +3,0 % d’une année sur l’autre.
La croissance des salaires reste élevée au Canada
Suivi des salaires, Indeed et Enquête sur la population active, en date d’août 2024. Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) et Salaires et traitements en date de juin 2024. Les indicateurs salaires-comm et rémunération horaire au T2 2024. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
En réalité, les salaires au Canada n’augmentent probablement pas aussi rapidement que le prétendent les sondages les plus populaires. Ils ont sans doute progressé de 4 % ou moins, que de 5 % d’une année sur l’autre.
Cela ne signifie pas pour autant que le marché du travail canadien n’est pas inflationniste. Les coûts unitaires de main-d’œuvre augmentent assez rapidement au Canada à cause de la productivité qui laisse énormément à désirer. C’est-à-dire que les entreprises paient beaucoup plus pour la main-d’œuvre par rapport à ce que les travailleurs produisent (voir le graphique suivant). Une reprise de la productivité permettrait de remédier rapidement à cette situation.
Coûts unitaires de main-d’œuvre en hausse au Canada
Au deuxième trimestre de 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : Statistique Canada, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
La Chine dispose-t-elle d’importantes réserves de marchandises ?
Des rumeurs ont circulé sur le fait que la Chine stockait des marchandises. Cela a soulevé des craintes, laissant entrevoir d’éventuelles aspirations militaires à court terme de la part de la Chine. Bien que possible, il ne s’agit que d’une probabilité parmi tant d’autres, sans compter le fait que les réserves chinoises ne se situent pas particulièrement à des niveaux extrêmes.
Il nous est quasiment impossible d’en savoir plus sur ces stocks vu qu’ils relèvent de la sécurité nationale. Nous pouvons toutefois analyser les diverses matières que la Chine importe et voir si celles-ci s’alignent sur les besoins économiques du pays ou les dépassent (voir le graphique suivant).
Les importations chinoises de marchandises ont augmenté depuis la pandémie
En date d’août 2024. Sources : China General Administration of Customs (GAC), ministère des Finances de la Chine, Macrobond, RBC GMA
Les diverses marchandises affichent une tendance à la hausse qui n’est pas particulièrement extrême. En fait, à l’exception du cuivre, toutes les marchandises sont restées stables au cours de l’année écoulée, laissant entrevoir probablement une faiblesse économique au niveau de la Chine.
Les importations de pétrole ont pratiquement doublé depuis dix ans, tout comme la taille de l’économie chinoise. Des rapports révèlent que la Chine ajouterait jusqu’à un million de barils par jour à ses réserves de pétrole, mais que l’accumulation à ce jour ne couvrirait encore que 115 jours d’importations. Il est bien entendu que la constitution des réserves de pétrole ne nous dit pas nécessairement ce qu’envisage la Chine. Elle conserve des relations étroites avec la Russie qui pourrait lui fournir du pétrole en abondance au besoin.
La Chine dispose effectivement d’importantes réserves alimentaires. La Chine devrait, selon les prévisions du département américain de l’Agriculture, détenir 51 % et 67 % des stocks mondiaux de blé et de maïs respectivement d’ici la fin de la période de végétation en cours. Cela devrait suffire à approvisionner les ménages chinois en produits de base pendant environ un an et demi. Il s’agit là de chiffres élevés qui permettraient au pays de survivre advenant un repli persistant. La Chine ne se préparerait pas soudainement à une guerre éventuelle pour autant : le pays maintient depuis longtemps un niveau élevé de stocks alimentaires. Sa part mondiale était encore plus importante il y a quelques années. Cela est probablement en partie dû à son énorme population et à son historique de famine.
La demande chinoise de métaux est notoirement très forte. Le pays importe régulièrement plus de la moitié de la quantité des métaux de base produite dans le monde. Sa demande de cuivre, en particulier, continue d’augmenter progressivement, tandis que la demande de minerai de fer est restée à peu près stable au cours des dernières années, même si un lien très évident a été établi entre ce minerai et les utilisations militaires qu’en fait le pays. Les achats de cobalt par la Chine devraient augmenter de 87 % en 2024 par rapport à 2023, le pays l’utilisant principalement pour sa production de batteries. Il va de soi que le pays, qui se positionne en tête de liste des fabricants de voitures électriques, augmente ses achats de cobalt.
Qu’est-ce qui explique donc la grosse reconstitution des réserves dans le pays ? Si les aspirations militaires ne sont pas à négliger, les justifications civiles ne manquent pas non plus :
Les réserves chinoises étaient considérées comme faibles vers 2018. Le pays est donc en train de reconstituer ses stocks pour les ramener à des niveaux plus normaux.
Les prix des produits de base sont actuellement assez bas par rapport à ce qu’ils étaient ces dernières années. C’est donc le bon moment de faire le plein des marchandises qui seront utilisées plus tard.
La Chine a de bonnes raisons de craindre d’autres hausses importantes des tarifs douaniers après les élections américaines, et reconstitue donc à l’avance des matériaux clés.
Au cours des cinq dernières années, le monde entier a tiré quelques enseignements sur l’importance de construire des chaînes d’approvisionnement plus résilientes. Cela implique de disposer d’un approvisionnement suffisant en matières premières. La Chine n’y fait pas exception.
Certes, on ne peut exclure le risque que la Chine s’affirme davantage sur le plan militaire après les élections aux États-Unis, particulièrement dans le cas d’une présidence de Trump. Taïwan pourrait recevoir moins de soutien des États-Unis, et la Chine pourrait se sentir moins contrainte de poursuivre ses objectifs stratégiques de politique étrangère si elle est déjà frappée par les tarifs douaniers américains. Ce sont des hypothèses qui pourraient expliquer cette accumulation de marchandises. Mais cette accumulation ne s’est pas vraiment accélérée et n’est pas particulièrement extrême dans le contexte des besoins économiques de la Chine ou de ses préférences historiques. La Chine a de solides raisons économiques d’augmenter ses stocks à ce stade. Nous n’y voyons rien de particulièrement inquiétant.
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
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