Dans cet épisode, Haley Hopwood, gestionnaire de portefeuille institutionnel, s’entretient avec Kristian Sawkins et Matt Dubras, membres expérimentés de l’équipe Titres à revenu fixe PH&N. Ensemble, ils analysent l’expansion budgétaire en cours au Canada et aux États-Unis, ainsi que ses répercussions sur le marché obligataire.
Les thèmes abordés incluent notamment :
Accentuation de la courbe des taux et prévisions pour les mois à venir
L’incidence de l’augmentation des dépenses sur l’émission des obligations d’État
Le renversement, après le jour de la libération, de la traditionnelle relation inverse entre les taux obligataires et les cours boursiers
Les conséquences plus lourdes d’une expansion budgétaire soutenue
L’incidence potentielle de l’expansion budgétaire sur les banques centrales et la politique monétaire
Cet épisode de balado a été enregistré le 4 septembre 2025.
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Transcription
Bonjour et bienvenue à ce nouveau balado Le pouls du secteur institutionnel, dans lequel nous abordons des sujets intéressants et pertinents pour les investisseurs institutionnels. Je suis Haley Hopwood, animatrice de ce balado. Aujourd’hui, je suis accompagnée de deux membres expérimentés de notre équipe canadienne des titres à revenu fixe, Kristian Sawkins et Matthew Dubras. Kristian, Matt, merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui.
Merci de nous avoir fait revenir.
Alors je crois que je devrais dire, bienvenue une fois de plus dans notre balado. C’est la deuxième fois que vous vous joignez à moi ? Apparemment, la première expérience ne vous a pas laissé de mauvais souvenirs ?
Pas du tout ! Nous sommes heureux de revenir. Les 12 derniers mois ont été très calmes, depuis notre dernière visite.
Oh, absolument. Alors, commençons. Bien que les droits de douane occupent toujours une grande place dans les manchettes, je voudrais orienter la conversation d’aujourd’hui vers un autre thème d’importance sur les marchés, à savoir le concept d’expansion budgétaire. Pour illustrer le contexte, aux États-Unis, le projet de loi Big Beautiful Bill de Donald Trump devrait accroître le déficit fiscal de plusieurs milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.
Et au Canada, bien que nous n’ayons pas encore de budget officiel en place, le gouvernement Carney a laissé entrevoir une augmentation des dépenses pour des choses comme les infrastructures de défense, les projets de ressources et un soutien général aux particuliers et aux entreprises du Canada pour faire face aux retombées des droits de douane. Maintenant que le contexte est précisé, peut-être pourrions-nous commencer par vous parler de l’incidence de ces évènements sur le marché obligataire jusqu’à présent cette année.
Bien sûr, je peux faire quelques commentaires à ce sujet. Je crois qu’il est important de noter que les robinets des dépenses restent ouverts. Vous savez, il n’est pas seulement question du Canada et des États-Unis. Nous observons également des pays dont les dépenses font l’objet de restrictions historiques, comme l’Allemagne. C’est donc un phénomène qui s’étend partout dans le monde.
En ce qui concerne la question des retombées de la situation sur le marché obligataire jusqu’à présent, je crois que nous avons surtout constaté des pressions relatives à la hausse des taux, de façon générale. Il n’y a pas eu de fortes fluctuations des taux, mais la pression a été plutôt haussière que baissière en raison des effets budgétaires.
On a aussi remarqué, à vrai dire, un effet beaucoup plus important sur la pente de la courbe de rendement. Une courbe de rendement plus abrupte signifie que les taux à long terme ont augmenté davantage que les taux à court terme. Cela s’explique par le fait qu’il y a plus d’incertitude concernant la croissance, l’inflation et l’offre de nouvelles émissions obligataires.
Les investisseurs demandent donc un rendement plus élevé pour assumer un risque à plus long terme. Nous n’avions pas vu cela depuis longtemps. Nous avons aussi observé plusieurs choses : les marchés obligataires et les fluctuations de taux sont maintenant beaucoup plus sensibles aux annonces sur le budget qui nous arrivent de part et d’autre de la frontière.
Et depuis le monde entier, d’ailleurs. Nous observons une volatilité plus générale, une volatilité clairement plus prononcée. De plus, nous constatons un phénomène relativement récent : les adjudications d’obligations d’État peuvent aussi être plus volatiles. Nous ne sommes pas habitués à ce genre de situation. Donc, encore une fois, rien de trop dramatique, rien qui devrait inquiéter ou faire peur, mais juste, vous savez, les choses se sont un peu intensifiées du côté de la volatilité.
Merci, c’est parfait. Merci de cet aperçu, Kristian. Donc cette tendance a clairement influencé les rendements obligataires et la dynamique générale des marchés jusqu’à présent cette année. Vous avez notamment mentionné cette attente d’une offre plus importante. De toute évidence, c’est logique puisque toutes ces dépenses devront être financées d’une façon ou d’une autre.
Quelles répercussions prévoyez-vous sur les émissions d’obligations d’État au Canada ?
D’accord, Haley, je vais répondre. Comme vous le savez, nous n’avons pas encore de budget de la part du nouveau gouvernement ; nous attendons une annonce à l’automne. Mais si nous examinons les émissions depuis la prise de contrôle du nouveau gouvernement, nous constatons qu’elles sont à peu près stables pour le moment. Les modèles d’émissions sont essentiellement les mêmes.
L’activité correspond à ce que nous avons vu par le passé, même si les tailles des opérations sont plus importantes. Alors nous aurons des dépenses accrues, des émissions de plus grande taille, mais en général, les modèles d’émissions seront semblables à ce que nous avons connu auparavant. À l’avenir, cependant, le gouvernement devra faire son choix entre deux solutions de financement de base. Choisira-t-il l’autofinancement au moyen de bons du Trésor, ce qui créerait de la dette à court terme, ou au moyen d’obligations, soit de la dette à plus long terme ?
Nous pensons que le gouvernement voudra éviter d’immobiliser de la dette à longue échéance, compte tenu des taux que nous avons actuellement. Nous croyons – et c’est ce que semble anticiper le marché – que le gouvernement s’inclinera en faveur des émissions de bons du Trésor, compte tenu de l’augmentation des déficits qui se profile, avec notamment ses propres besoins de refinancement.
Par ailleurs, vous savez, l’autre outil dont dispose le gouvernement, et qu’il a utilisé par le passé de manière assez constante, est que, dans le cadre des programmes d’obligations, dans le cadre de ce programme d’endettement à plus long terme, il avait tendance à orienter les émissions vers les échéances plus courtes. Donc il s’agirait plutôt d’une dette à deux ou cinq ans, par opposition à des taux qui s’étaleraient sur dix ans, voire trente ans.
Et nous pensons que c’est quelque chose qu’il fera aussi.
Bien. D’accord. Il est donc probable qu’il y ait des émissions à plus court terme, étant donné qu’il est actuellement plus coûteux d’émettre à long terme, mais nous attendons toujours un plus grand nombre d’émissions cette année par rapport à l’année dernière. Alors, croyez-vous que le marché est prêt à absorber cette offre supplémentaire ?
Nous pensons que oui. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est le programme d’obligations dont je viens de parler, c’est-à-dire que le programme d’obligations pourrait prendre de l’ampleur, mais selon l’endroit où le gouvernement émettra, nous nous attendons à ce qu’il privilégie la partie plus courte de la courbe. Nous pensons que les marchés obligataires auront moins de difficulté à absorber l’offre, dans ces conditions.
Deuxièmement, la Banque du Canada recommencera à acheter des bons du Trésor au quatrième trimestre de cette année. Compte tenu de l’augmentation du déficit que nous prévoyons, lorsque la Banque du Canada recommencera à acheter des bons du Trésor, nous pensons qu’elle absorbera la majeure partie de l’offre supplémentaire de bons du Trésor découlant de la hausse du déficit. Par conséquent, elle absorbera probablement la plus grande partie des émissions liées à ce déficit. Dans l’ensemble, nous sommes d’avis que le marché sera en mesure d’absorber cette offre.
D’accord. C’est rassurant. Kristian a déjà parlé de la pentification de la courbe, qui est en quelque sorte liée aux prévisions de dépenses budgétaires. Si nous regardons les trois à six prochains mois, pourrions-nous connaître une pentification plus prononcée de la courbe à partir de maintenant ?
Oui. Jusqu’à maintenant, ce dont nous avons parlé au sujet de la pentification de la courbe, c’est de l’effet de l’expansion budgétaire. C’est seulement l’un des facteurs favorables à une courbe plus abrupte. Selon moi, le facteur le plus favorable à la pentification de la courbe n’est pas vraiment du côté budgétaire. C’est plutôt le côté monétaire qui devrait donner cette impulsion.
Donc sur le plan monétaire, dans une optique à plus long terme, si nous examinons où se situent les courbes de rendement, nous sommes sur des pentes assez proches de la moyenne, à la différence que la partie à court terme de la courbe canadienne reflète une baisse des taux supplémentaire par rapport aux prévisions de la Banque du Canada.
En effet, le marché s’attend à une dernière baisse des taux avant que la Banque du Canada ne mette fin à la réduction des taux pour ce cycle. Nous pensons qu’en ce moment, le marché table sur une attitude trop ferme de la part de la Banque du Canada. Vous savez, si nous pensons aux familles dans ce pays, bon nombre d’entre elles sont lourdement endettées.
Si nous examinons le marché hypothécaire, environ 60 % des prêts seront renouvelés au cours des 12 à 18 prochains mois. Tout le monde a une histoire à raconter Par conséquent, si nous pensons à tout l’argent qui devra être déboursé par les ménages, c’est-à-dire qui sera retiré de quelque chose pour être affecté aux coûts plus élevés du service de la dette, cet argent pourrait bien être puisé dans les budgets de consommation.
Alors nous pourrions voir un rejet de ces dépenses conduisant à l’affaiblissement de la consommation dans l’économie. L’autre facteur qui pourrait accentuer la pentification de la courbe, et c’est important pour la Banque du Canada, se situe du côté de l’inflation. Ces six derniers mois, il y a eu beaucoup de discussions, sur le marché, et en particulier au Canada, au sujet de la persistance de l’inflation.
L’inflation est en train de revenir à la cible de 2 % de la Banque du Canada, mais les mesures de base, en particulier, qui sont celles sur lesquelles la banque centrale a tendance à se concentrer, tournent encore autour de 3 %. À propos de la persistance de l’inflation, si nous regardons sous le capot, une grande partie de la persistance que nous observons en ce moment provient de l’inflation du logement.
C’est une partie importante d’environ 30 % de notre panier d’inflation, donc une part significative. Dans le secteur du logement, la persistance de l’inflation provient essentiellement de deux composantes : les loyers et les intérêts hypothécaires. Ces deux composantes suivent l’évolution du marché avec un certain retard. Vous savez, avec un décalage d’environ 8 à 12 mois. Et lorsque nous regardons les loyers du marché, nous constatons qu’ils sont en baisse d’une année sur l’autre.
C’est vrai dans la plupart des grandes villes du Canada. Quand nous avons un marché des copropriétés qui s’affaiblit, il y a généralement moins de pressions sur les loyers. Bien entendu, cela dépend aussi de la croissance démographique. En ce qui concerne les frais d’intérêts hypothécaires, c’est mécanique, ils suivent seulement la trajectoire des taux. Donc si les taux à court terme ont baissé, les frais d’intérêts hypothécaires suivront.
Lorsque nous combinons ces deux facteurs, si nous pensons à un scénario où la pression de l’inflation du logement commence à se calmer, vous savez, cela aura une incidence sur l’inflation de base – il est probable qu’elle redescendra. C’est ce qui se passe en ce moment. De même, si cela se produit à un moment où la consommation fléchit, nous pourrions nous retrouver avec une économie dans laquelle la Banque du Canada se sentirait à l’aise pour réduire les taux, voire de les réduire au-delà de ce que prévoit le marché actuellement.
Merci, c’est parfait. Il semble donc que nous pourrions assister à une plus grande pentification de la courbe et à une dynamique intéressante, compte tenu des facteurs monétaires et budgétaires qui entrent en jeu. Pourriez-vous nous parler de votre positionnement, de ce que vous envisagez, ou de l’incidence de cette situation sur ce que vous faites au niveau de la courbe de rendement ?
Oui, absolument. Du côté de la stratégie de taux d’intérêt, c’est probablement la dynamique la plus intéressante et la plus importante que nous avons en jeu actuellement en ce qui concerne nos portefeuilles. Nous sommes évidemment plus prudents, je pense que vous l’aurez compris en parlant avec Matt et moi-même, nous sommes plus prudents à l’égard des obligations à long terme en ce moment.
Donc, nous sous-pondérons cette partie de la courbe de rendement en faveur des obligations à plus court terme, ou nous surpondérons davantage les échéances à court terme ou la partie la plus courte de la courbe de rendement. Donc en ce moment, nous avons une position axée sur la pente de la courbe. Du côté des taux, de façon globale, nous n’avons pas de conviction aussi forte. Il est généralement difficile d’avoir beaucoup de conviction dans le domaine des taux ou des stratégies de taux d’intérêt.
Je dirais que pour l’instant, nous avons beaucoup plus de conviction sur la direction que prend la courbe de rendement, ou sur sa pente, que sur le niveau absolu des taux d’intérêt.
Bien. D’accord. Merci, c’est logique. Revenons maintenant à la situation quelque peu inhabituelle que nous avons connue cette année. Normalement, dans un contexte d’aversion pour le risque, les obligations jouent un rôle de compensation par rapport aux actions et autres actifs risqués. C’est-à-dire que les rendements baissent lorsque les actions reculent. Mais après le jour de la Libération, nous avons vu les rendements des obligations augmenter parallèlement à la baisse des actions.
Cette situation contredit une relation qui, jusqu’à présent, était plutôt fiable. Croyez-vous que cela est lié à l’expansion budgétaire, un peu comme si la dette en elle-même était traitée comme plus risquée ?
Excellente question, Haley, et c’est une très bonne remarque. Revenons un peu en arrière. Tout d’abord, je crois qu’il n’est pas facile de savoir ce qui est normal, en ce qui concerne la relation entre les actions et les obligations, sur de longues périodes. Je crois qu’après la crise financière mondiale de 2008 et avant la COVID-19, donc entre 2008 et 2020, nous avions un lien solide et durable entre les rendements des obligations et ceux des actions qui se compensaient entre eux.
Je crois qu’il ne faut pas oublier que pendant cette période, deux éléments ont joué un rôle important. L’un des éléments est que l’inflation est restée très contenue, voire inférieure à la cible, pendant une grande partie de cette période. Et sur le plan budgétaire, les déficits étaient beaucoup plus modestes. Il y avait beaucoup plus de personnes strictes parmi les membres du gouvernement et les élus, beaucoup plus que maintenant.
À mon avis, nous devons garder à l’esprit que la période de 2008 à 2020 a constitué une période de stabilité inhabituellement longue pour cette relation. Depuis 2020, je dirais, comme vous l’avez souligné, que cette relation entre les obligations et les actions s’est en quelque sorte renversée, c’est-à-dire qu’elles ont chuté ou se sont redressées à peu près en même temps au lieu de se compenser mutuellement.
Si nous voulons savoir pourquoi, la première chose à savoir est que l’inflation, comme je l’ai dit, est restée très stable entre 2008 et 2020. Comme nous le savons tous, elle s’est emballée en 2022 et 2023, après la fin de la pandémie.
De toute évidence, une inflation élevée n’est pas une bonne nouvelle pour les obligations. C’est à ce moment-là que la relation entre les actions et les obligations s’est en quelque sorte renversée par rapport à la période d’avant 2020. Dans le monde où nous vivons maintenant, l’inflation est un problème moins grave. Évidemment, l’inflation demeure un peu plus élevée que ce que les banques centrales voudraient, ou que ce qu’elles ciblent, mais le niveau d’inflation a sensiblement diminué.
Ce que nous observons, toutefois, et dont nous avons parlé dans tout ce balado, c’est que l’expansion budgétaire est beaucoup plus persistante, et qu’elle reste persistante, même si la croissance s’est maintenue dans les économies, etc. Alors, cet équilibre – nous avons poursuivi l’expansion budgétaire, ce qui signifie qu’il y a plus d’émissions – et par conséquent, ce point d’équilibre des rendements où l’offre arrivera finalement sur le marché, est beaucoup plus élevé qu’avant cette période de 2020, en raison, encore une fois, de l’expansion budgétaire, des dépenses, etc., nous aurons donc des taux d’équilibre plus élevés, ce qui n’est pas bon pour les obligations.
Alors nous voyons que cette dynamique a changé pour ce qui influe sur les obligations depuis 2020, par rapport à avant 2020. Je crois que cela résume le tout. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un renversement permanent de la corrélation. Nous pourrions dire que c’est une corrélation moins stable qu’auparavant.
Je crois que tout dépendra des facteurs sous-jacents, que ce soit du côté budgétaire ou du côté d’un retour de l’inflation. Nous verrons bien, mais ce sont vraiment ces facteurs sous-jacents qui auront une incidence sur la corrélation.
Bien. D’accord. Il est intéressant et rassurant d’entendre que selon vous, ce n’est pas nécessairement un revirement permanent. Cependant, alors que nous traversons une période d’instabilité dans cette relation, en ce qui concerne la gestion des portefeuilles, si vous ne pouvez pas utiliser la duration pour couvrir le risque ou le risque de crédit, est-ce que cela signifie que vous êtes simplement moins enclin à détenir du crédit, ou y a-t-il d’autres outils sur lesquels vous pouvez vous appuyer dans un tel environnement ?
C’est une bonne question, Haley. Alors je crois, pour faire court : oui, cela signifie que la duration est un outil moins fiable pour couvrir le risque lorsqu’il y a du crédit dans un portefeuille. Au cours des deux dernières années, il est arrivé que la duration longue ait démontré ses qualités traditionnelles d’assurance, que l’on cherche généralement à en tirer, compte tenu des corrélations historiques à long terme, mais les durations courtes se sont également avérées avantageuses à certaines périodes. Bref, c’est instable.
Où nous avons gagné un peu plus en confiance, je dirais, c’est pour utiliser les positions sur la courbe de rendement pour nous protéger ou couvrir notre risque de crédit dans le portefeuille. Si l’on regarde l’année passée, nous avons un bon exemple de la façon dont les courbes de taux ont fluctué dans le monde pendant le mois d’avril, où la duration a produit un rendement plutôt médiocre. Au départ, il y a eu un redressement, comme nous pouvions nous y attendre, en réponse à l’annonce du Jour de libération, mais il a été de courte durée.
Les rendements ont alors augmenté de façon très marquée. Mais cette hausse des rendements s’est traduite par un redressement de la courbe de rendement à long terme. Il s’agit d’un exemple où la duration ne constituerait pas une couverture du risque de crédit particulièrement fiable pour votre portefeuille, mais vous pourriez concevoir des scénarios où la pentification de la courbe de rendement vous procurerait cet avantage.
Bien, d’accord. Je vais revenir en arrière pour un instant et vous demander, à votre avis, quelles sont les répercussions générales d’une expansion budgétaire durable.
Lorsque Kristian et moi avons parlé de venir à ce balado, l’une des idées ou réflexions les plus importantes que nous voulions partager concernait les avantages que nous pourrions tirer des dépenses budgétaires. Donc, vous savez, si nous réfléchissons aux aspects positifs, quand nous réfléchissons aux aspects négatifs… du côté positif, je pense qu’un déficit soutenu, comme nous l’avons constaté après la pandémie, soutient la croissance à court terme.
Nous pouvons débattre, bien sûr, de la qualité de cette croissance. Je crois que nous pourrions faire un balado complet sur ce sujet, mais en définitive, la croissance économique post-COVID-19 a été soutenue par la politique budgétaire. Le côté négatif, selon nous, c’est que les dépenses ne sont pas sans conséquences financières.
Nous pensons aux coûts, dont nous venons de parler. Jusqu’à présent, les coûts semblent se refléter dans la hausse des taux d’intérêt et des primes de terme, c’est ce que nous observons sur les marchés. Cette question nous semble particulièrement importante sur le plan économique, car nous pensons que les taux actuels sont à un niveau trop contraignant pour le secteur privé de l’économie.
C’est-à-dire pour les ménages et les entreprises. L’une des choses que nous aimons regarder pour en être convaincus, c’est la composition des prêts bancaires. Si nous examinons actuellement les prêts bancaires, nous observons un très faible taux de croissance du crédit. Cela concerne les prêts aux ménages et aux entreprises. Nous voyons aussi les banques accumuler des titres plutôt que d’augmenter les crédits.
Je crois que c’est le fond de notre pensée quand nous parlons de ce thème, vous savez, de la politique budgétaire et des dépenses qui touchent le secteur privé de l’économie. C’est ce qui se passe aujourd’hui, selon nous. Si l’on pense à plus long terme, je crois que la plupart d’entre nous sont bien conscients des préoccupations qui pourraient entourer le déficit à long terme.
Si les déficits persistent sans donner lieu à un niveau de croissance en accord avec ces déficits, nous pouvons nous attendre à ce que les coûts de service de la dette augmentent et que des préoccupations surgissent quant au caractère soutenable de la situation. Vous savez, nous avons l’habitude d’entendre ce genre de chose dans les discussions sur l’endettement des États-Unis. Mais si nous imaginons un monde où tous les gouvernements des marchés développés adopteraient une politique d’expansion budgétaire, le problème prend alors une tout autre ampleur.
L’un des sujets récemment abordés est le concept de dominance budgétaire. Cette idée que la politique budgétaire, si elle demeure fortement expansionniste, accroît le risque de dominance budgétaire. Il s’agit du point à partir duquel les banques centrales commencent à subir des pressions pour assouplir leurs politiques budgétaires, peut-être au détriment de leurs mandats de contrôle de l’inflation.
Très bien. Je voudrais m’assurer que je comprends bien et que nos auditeurs comprennent bien. Si je comprends bien, vous dites qu’avec des taux plus élevés en raison de la politique budgétaire, les particuliers et les entreprises sont moins désireux ou moins capables d’emprunter. De telle sorte que le secteur privé est exclu.
Et en fin de compte, cela a des conséquences négatives sur la croissance. Parallèlement, nous constatons une augmentation des coûts du service de la dette. Il y a donc une crainte qu’à long terme, cette situation devienne insoutenable et que nous devenions dépendants d’une expansion budgétaire durable. Ai-je bien compris ?
Je crois que oui. C’est un bon résumé, Haley. Je crois que l’idée fondamentale de ce que vous avez décrit, c’est l’effet d’exclusion de la politique budgétaire. Donc si nous faisons un très, très grand pas en arrière, au sujet de la politique budgétaire, en temps normal, à quel moment pouvons-nous attendre une expansion de la politique budgétaire ?
Nous nous attendons à une expansion en période de ralentissement économique. Nous nous attendons donc à ce que les politiques budgétaires soient contre-cycliques, n’est-ce pas ? Historiquement, nous constatons que les gouvernements dépensent plus d’argent lorsque l’économie en a besoin, quand elle a besoin d’un soutien, et que les taux sont normalement bas parce que les banques centrales essaient en même temps de stimuler l’économie à l’aide de taux bas.
Si nous sommes dans une situation où la politique budgétaire est appliquée, peu importe où nous en sommes dans le cycle, et que cela mène à des taux trop restrictifs pour que le secteur privé de l’économie puisse emprunter et dépenser, c’est en effet ce dont nous parlons. Tout est parfait si nous croyons que les dépenses gouvernementales engagées aux dépens du secteur privé mèneront à de meilleurs résultats économiques et à une plus grande productivité. Je crois, Kristian et moi croyons, et bien des auditeurs seront d’accord pour dire que ce n’est pas le cas.
Tout à fait. Donc, peu importe que ce scénario se déroule pleinement ou non, il semblerait que l’expansion budgétaire mette les banquiers centraux dans une situation délicate. Selon vous, de quelle manière ce scénario influence-t-il leurs décisions en matière de politique monétaire ?
En effet, c’est un facteur qui ne facilite pas leur travail. Sans aucun doute, il rend leur travail plus difficile. Il y a une autre chose, bien sûr, et ce n’est pas une nouveauté à laquelle ils n’avaient jamais pensé, mais la prédominance de ce sujet le rend encore plus important et essentiel dans un processus de décision déjà difficile.
Les dépenses budgétaires, comme Matt l’a mentionné, peuvent être axées sur la croissance, de sorte que vous pouvez avoir une forte impulsion de l’économie grâce à ces dépenses, et cela a évidemment des effets secondaires, en fonction de l’offre excédentaire que vous avez dans votre économie – et encore une fois, désolé d’ennuyer nos auditeurs avec ce jargon économique, mais si nous avons réduit le surplus au moyen de dépenses budgétaires, nous pouvons avoir de l’inflation.
Et il faut avoir à l’esprit que la Banque du Canada a un mandat de contrôle de l’inflation. Son objectif est de maintenir l’inflation dans sa fourchette cible à long terme. Donc si une inflation découle des dépenses budgétaires, la Banque du Canada pourrait être contrainte de maintenir des taux plus élevés qu’en d’autres circonstances.
Et comme nous avons parlé de la dominance budgétaire et de tout ce concept, le revers de la médaille est que les taux élevés augmentent les coûts pour deux parties principales : le gouvernement du Canada et les autres emprunteurs au sein du gouvernement, bien sûr, et puis les ménages, parce que, comme vous le savez, des taux plus élevés entraînent des coûts plus élevés lorsque vous empruntez pour acheter une maison ou autre chose, et cela risque d’augmenter le stress financier.
En fait, il s’agit d’un débat à deux volets sur la façon dont les dépenses budgétaires influencent la politique de la Banque du Canada. Il est vraiment difficile de savoir quel sera l’impact inflationniste. Et comme nous l’avons mentionné, d’autres facteurs entrent en jeu dans les effets inflationnistes dont vous avez parlé plus tôt.
Nous voyons actuellement des tendances suggérant que l’inflation ne persistera peut-être pas, et qu’elle pourrait même s’apaiser, pour plusieurs raisons liées au logement. Pour ce qui est de la Banque du Canada, il y a beaucoup d’éléments qui entrent en jeu dans sa prise de décision, et ce n’est que l’un d’entre eux. Je crois qu’au fond, nous devons garder à l’esprit que dans le monde où nous vivons à l’heure actuelle, la politique budgétaire, ou la politique budgétaire expansionniste ne va pas disparaître de sitôt.
C’est donc un aspect que nous prendrons en considération en tant qu’investisseurs et gestionnaires de titres à revenu fixe, et que la Banque du Canada devra évaluer et soupeser dans une mesure beaucoup plus grande qu’auparavant.
Cela ressemble à un exercice d’équilibre. Je suis bien contente que cela ne fasse pas partie de ma description de poste ! D’accord, Kristian et Matt. Voilà qui conclut notre discussion d’aujourd’hui. Je vous remercie tous les deux d’avoir participé à ce balado et d’avoir partagé vos précieux points de vue avec nos auditeurs.
Merci, Haley. Je suis ravi d’être revenu ici.
Oui. Au plaisir de vous voir dans un an !
Oui. Merci, c’est parfait. Excellente nouvelle ! Très bien. Enfin, pour nos auditeurs institutionnels, ces dynamiques soulignent l’importance de travailler en étroite collaboration avec vos gestionnaires de placements pour naviguer dans ce contexte évolutif où l’expansion budgétaire influence des choses comme l’offre d’obligations, les courbes de rendement et les corrélations entre actifs, et il est essentiel que vos gestionnaires évaluent activement les occasions et les risques.
De plus, ce glissement temporaire dans le lien traditionnel entre les obligations et les actions, ou l’instabilité que nous avons mentionnées ne font que mettre en évidence la valeur d’une stratégie d’actifs multiples.
Merci à vous tous d’avoir écouté Le pouls du secteur institutionnel. Nous espérons que vous vous joindrez de nouveau à nous la prochaine fois.
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Conférenciers :
Kristian Sawkins, premier directeur général et premier gestionnaire de portefeuille, équipe Titres à revenu fixe PH&N, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
Matt Dubras, premier gestionnaire de portefeuille, équipe Titres à revenu fixe PH&N, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
Animé par :
Haley Hopwood, gestionnaire de portefeuille institutionnel, PH&N Institutionnel