Regard sur les placements mondiaux
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Les craintes inflationnistes s’atténuent
La reprise de l’inflation qui a suscité tant d’inquiétude sur les marchés au cours des trois premiers mois de 2024 continue de s’estomper. Aux États-Unis, l’indice des prix à la consommation (IPC) a encore ralenti pour s’établir bien en deçà des attentes en mai (voir le graphique suivant). Cette baisse marque un autre mois d’amélioration, l’indice global ayant fait du surplace (tandis qu’on prévoyait +0,1 %) et l’indice de base ayant enregistré une hausse de seulement 0,16 % (tandis qu’on prévoyait +0,3 %).
Autre baisse de l’indice des prix à la consommation aux États-Unis
En date de mai 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
Fait intéressant, l’IPC global et l’IPC de base ont tous les deux techniquement reculé en mai par rapport à avril. C’est simplement qu’une fois les données désaisonnalisées, le premier est resté stable et le deuxième a augmenté de 0,16 %. Bref, il est normal que l’inflation brute soit légèrement inférieure en mai comparativement aux autres mois. Cela dit, pour le citoyen moyen, la vie est devenue nettement moins chère en mai.
Les données détaillées ont également affiché une tendance plutôt favorable (voir le tableau suivant). Le prix de l’essence a chuté, comme prévu. Celui des denrées alimentaires n’a progressé que de 0,1 %. Celui des véhicules neufs a fléchi de 0,5 % et celui des vêtements, de 0,3 %. Et comme nous l’avions prédit, même le coût de l’assurance automobile a diminué, après plusieurs mois de forte croissance.
Amélioration des données sur l’inflation aux États-Unis en mai
En mai 2024 pour les mesures de l’IPC et de l’IPP ; en avril 2024 pour les mesures des DPC. Sources : BEA, BLS, Réserve fédérale de Cleveland, Réserve fédérale de Dallas, Macrobond, RBC GMA
Le rythme d’augmentation du prix des services de soins médicaux est passé de 0,4 % à 0,3 % d’un mois sur l’autre. Ainsi, les services hors logement se sont inscrits en légère baisse pour le mois. Ce segment avait déjà été une source de pression inflationniste.
La hausse des frais de logement est demeurée stable et robuste, à 0,4 %. Ce dernier élément contribue encore le plus à maintenir l’inflation à un taux élevé de 3,3 % d’une année sur l’autre, soit bien au-dessus de la cible de 2,0 % de la Réserve fédérale. La hausse des frais de logement devrait toutefois perdre un peu de vitesse, à mesure que l’effet décalé des mesures se fera sentir dans les mois à venir.
Nous ne prévoyons pas d’emblée d’autres bonds de l’inflation de base inférieurs à 0,2 % au cours des prochains mois. Les étoiles se sont alignées en mai, mais pour la suite des choses, il serait probablement plus plausible d’envisager des augmentations mensuelles de 0,2 % et parfois même de 0,3 %.
Un risque haussier provient de la flambée des coûts d’expédition. Cette augmentation rappelle la crise des chaînes d’approvisionnement de 2021-2022, quoique de manière moins prononcée (voir le graphique suivant).
Les coûts d’expédition augmentent après l’accalmie saisonnière
Données pour la semaine se terminant le 20 juin 2024. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, Macrobond, RBC GMA
Réalistement, nous croyons néanmoins que l’inflation peut décélérer encore un peu, comme en témoignent les mesures en temps réel, qui montrent des signes d’essoufflement (voir le graphique suivant), jumelées à la diminution des pressions sur les prix découlant du ralentissement économique.
Baisse de l’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats
Indice de l’inflation PriceStats au 17 juin 2024 ; IPC en date de mai 2024. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA
La Fed maintient son taux directeur
La Réserve fédérale américaine (la « Fed » a eu l’occasion de présenter son plan pour l’avenir. Le taux des fonds fédéraux est demeuré inchangé, comme prévu, et la formulation de l’énoncé n’a été que légèrement modifiée. Elle laisse cependant entrevoir un adoucissement, comme l’indique le commentaire selon lequel il y a eu des progrès modestes vers l’atteinte de la cible d’inflation de la banque centrale.
La réunion a eu lieu à un moment mal choisi, quelques heures à peine après la publication du rapport sur l’inflation susmentionné. Bien qu’on ait permis aux membres de la Fed de réviser leurs prévisions à la lumière des nouvelles données, la plupart ont choisi de ne pas le faire. Est-ce parce qu’ils n’ont pas eu le temps d’analyser correctement les chiffres ? Ou est-ce parce que cela n’influençait pas leur position ? Allons savoir.
Sur les 19 responsables de la Réserve fédérale sollicités, 4 ont indiqué qu’ils préféraient qu’il n’y ait aucune réduction de taux en 2024, 7 ont recommandé une seule réduction de 25 points de base et 8 se sont prononcés en faveur de 2 réductions de cet ordre. Si la moyenne et la médiane laissent présager une diminution de taux unique, nous pensons que la Fed pourrait pencher du côté de deux baisses pour les deux raisons suivantes :
Certaines prévisions postérieures à l’IPC étaient légèrement dépassées.
L’option la plus populaire consiste en deux réductions de taux.
Pour mettre les choses en contexte, la Fed avait prévu trois baisses de taux en mars. Il s’agit donc d’une régression. À l’heure actuelle, les marchés financiers anticipent un peu moins de deux réductions complètes de taux d’ici la fin de l’année, ce qui correspond sensiblement à notre opinion. Les marchés évaluent à 75 % la possibilité d’une diminution de 25 points de base à la réunion de septembre, et s’attendent généralement à une autre baisse de 25 points de base en décembre.
Les membres du Comité fédéral de l’open market (FOMC) placent maintenant le taux directeur à 3,25 % d’ici la fin de . Ils tablent aussi sur un taux neutre situé entre 2,4 % et 3,8 % à plus long terme. Quant à nous, nous misons sur une fourchette légèrement inférieure de 2,0 % à 3,5 %.
Hausse de la liquidité aux États-Unis
Alors que les États-Unis se rapprochent de leur première baisse de taux, il est utile de prendre un moment pour réfléchir aux autres façons dont les banques centrales influencent l’économie et l’inflation. Un exemple bien connu est celui où de nombreuses banques centrales, y compris la Réserve fédérale américaine, sont passées d’un assouplissement quantitatif à un resserrement quantitatif il y a quelques années. Le resserrement quantitatif implique de retirer des liquidités de l’économie, ce qui a pour effet de ralentir la croissance et l’inflation. L’intervention des banques ne se limite pas à l’ajustement direct des taux à court terme.
Les banques centrales font bien plus que cela. Par exemple, la Fed est intervenue pour fournir temporairement des fonds (liquidités) aux banques en difficulté au cours des 15 derniers mois.
Traditionnellement, on examine la taille globale du bilan de la Fed pour déterminer si des liquidités, considérées comme un outil de relance, sont soustraites ou injectées dans l’ensemble de l’économie (voir le graphique suivant). La ligne bleue indique que le bilan de la Fed est demeuré cohérent avec sa politique de relèvement des taux au cours des dernières années, contribuant à freiner la croissance et à juguler l’inflation.
Le bilan de la Fed diminue, mais la liquidité augmente
Données pour la semaine se terminant le 19 juin 2024. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA
Mais certains experts en question monétaire soutiennent que la taille du bilan n’est pas l’indicateur le plus pertinent à utiliser. Représentée par une ligne dorée qui suit son évolution dans le graphique précédent, la liquidité nette est un autre indicateur qui fait beaucoup parler et qui bénéficie d’un soutien croissant. Son montant est calculé en soustrayant les prises en pension de titres et le compte général du Trésor au bilan de la Fed.
Il paraît logique de déduire le compte général du Trésor puisqu’il s’agit de liquidités que le département du Trésor a retirées de l’économie et stockées à la Fed. Les fonds sur ce compte ne devraient donc pas être considérés de la même manière que les fonds injectés par la Fed dans l’économie. Les prises en pension de titres représentent des ventes temporaires de titres par la Fed en échange d’espèces, ce qui réduit la liquidité au lieu de la favoriser.
Le montant de liquidité nette indique que la liquidité aux États-Unis a légèrement augmenté, plutôt que diminué, au cours des 12 derniers mois. Par conséquent, certains pourraient avancer qu’il s’agit d’une des raisons qui expliquent pourquoi l’économie américaine a été si résiliente au cours de la période considérée, pourquoi l’inflation américaine a ralenti moins rapidement qu’ailleurs, et peut-être même pourquoi la croissance du marché boursier américain a été si forte au cours de cette même période (voir leur remarquable corrélation dans le graphique suivant). Pour être honnêtes, nous ne sommes pas entièrement convaincus par cet indicateur, car il subsiste quelques questions sur la logique qui le sous-tend. Cet indicateur est toutefois intéressant à surveiller et il est indéniablement étroitement corrélé aux trois variables susmentionnées.
Le S&P 500 suit attentivement la liquidité nette
S&P 500 au 21 juin 2024, liquidité de la Fed pour la semaine se terminant le 19 juin 2024. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA
Évidemment, la question qui se pose ensuite est de savoir comment il évoluera. En toute logique, on pourrait penser que le resserrement en cours devrait progressivement produire ses effets, en réduisant légèrement le niveau de liquidité. Mais un tel résultat n’est pas garanti, compte tenu des incertitudes à l’égard des prises en pension de titres, de la durée de ce cycle de resserrement et de l’effet opposé que les baisses imminentes de taux pourraient induire indirectement sur le bilan de la Fed.
Le ralentissement économique se poursuit aux États-Unis
Aux États-Unis, le ralentissement de l’économie se poursuit. Les surprises économiques demeurent légèrement négatives, les ventes au détail n’ont guère progressé en mai et les demandes hebdomadaires initiales de prestations d’assurance-emploi continuent d’augmenter (voir le graphique suivant). Les mises en chantier ont également chuté de 5,5 % en mai, atteignant leur plus bas niveau depuis le confinement lié à la pandémie.
Les demandes de prestations d’assurance-emploi augmentent aux États-Unis
Données pour la semaine se terminant le 15 juin 2024. Sources : Département américain du Travail, Macrobond, RBC GMA
Récemment, les données économiques des autres marchés développés ont aussi indiqué un léger ralentissement, ce qui contraste avec la forte progression observée au début de l’année. À titre d’exemple, l’indice composite des directeurs d’achats de la zone euro a reculé de 52,2 à seulement 50,8 en juin, demeurant tout juste en territoire expansionniste. Les indices des surprises économiques Citigroup pour la zone euro et pour le Japon sont récemment retombés en territoire négatif.
Recul du docteur cuivre
Même le prix du cuivre, si étroitement lié au contexte économique qu’on dit que le cuivre possède un doctorat en économie, a chuté récemment (voir le graphique suivant). Cette baisse est principalement attribuable à un repli de la demande en Chine, dont le marché du logement traverse une grave crise. En conséquence, les stocks de cuivre en Chine se situent désormais à un niveau très élevé (voir le graphique suivant).
Le prix du cuivre chute en raison de la faiblesse de la demande chinoise et de la hausse des stocks
Au 18 juin 2024. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : LME, Macrobond, RBC GMA
Les stocks de cuivre en Chine ont atteint leur plus haut niveau en quatre ans
Au 14 juin 2024. Sources : Shanghai Futures Exchange, London Metal Exchange (LME), CME Group, Macrobond, RBC GMA
Toutefois, la récente baisse du prix du cuivre ne nous inquiète pas outre mesure pour les trois grandes raisons suivantes :
Les prix demeurent très élevés et bien supérieurs à ceux observés il y a un an.
Le niveau des stocks de cuivre atteint habituellement un pic en Chine au premier semestre (bien que ce pic ait été plus important et ait duré plus longtemps que la normale).
Les stocks de cuivre dans le monde entier sont décrits comme se situant à des niveaux « dangereusement faibles » (se reporter au graphique précédent). La faiblesse de la demande chinoise semble donc compensée par la vigueur de la demande des autres pays.
En cherchant des signes de faiblesse dans les marchés financiers, il paraît juste de noter que les écarts de taux se sont creusés ces dernières semaines. De tels écarts témoignent parfois d’une inquiétude grandissante à l’égard de l’économie. Néanmoins, une tout autre dynamique semble expliquer aujourd’hui le creusement de ces écarts.
À l’heure actuelle, les titres de créance se négocient principalement sur la base de leur rendement global, au lieu de leur écart de taux par rapport aux obligations d’État. Les taux des obligations d’État ayant chuté depuis avril, les écarts de taux se sont donc creusés pour maintenir un rendement global stable et non pour indiquer une préoccupation au sujet de la qualité du crédit ou de l’économie en général.
Un dernier commentaire concernant la tendance au ralentissement économique : nous pensons toujours que ce ralentissement représente une bonne chose. Autrement dit, ce ralentissement ressemble davantage à l’atterrissage en douceur que nous souhaitons pour l’économie, qui réduit les pressions et jugule l’inflation sans engendrer autant de difficultés que le ferait un atterrissage brutal. Parmi les arguments en faveur de cette interprétation optimiste, nous pouvons citer la hausse graduelle du taux de chômage et la décélération progressive de la croissance économique. Cette évolution contraste avec le ralentissement plus brutal qu’on observe souvent en période de récession.
Les capsules sur la consommation dénotent des préoccupations grandissantes
Ces dernières semaines, nous avons suivi de près la situation de la consommation, notamment la plus forte sensibilité aux prix à la consommation et les préoccupations des consommateurs américains.
Étant donné que ce thème demeure au centre des discussions, nous vous présentons ci-après quelques capsules supplémentaires. Sans aucun doute, nous observons les signes d’une tension grandissante. Les sociétés du S&P 500 se consacrent soudainement sur la situation critique des consommateurs à faible revenu (voir le graphique suivant), lesquels sont en théorie les plus durement touchés par la hausse des taux d’intérêt.
Hausse des préoccupations des consommateurs à revenu plus faible au cours du dernier trimestre
Au deuxième trimestre de 2024 (données partielles utilisées pour le trimestre). Comprend les transcriptions de toutes les téléconférences pour les investisseurs, les journées des investisseurs et les journées des marchés des capitaux organisées par les sociétés du Russell 3000. Sources : Bloomberg, RBC GMA
En outre, ces sociétés se sont adaptées à la tendance de la réduction des dépenses, suivant laquelle les gens se serrent la ceinture et se reportent sur les biens de qualité inférieure ou moins chers que la normale (voir le graphique suivant). Les budgets sont de plus en plus serrés à cause des taux d’intérêt plus élevés et, dans certains cas, de la forte inflation que nous avons connue.
Les mentions de « rationalisation des dépenses » ont été plus fréquentes dernièrement dans les communications des sociétés
Au deuxième trimestre de 2024 (données partielles utilisées pour le trimestre). Comprend les transcriptions de toutes les téléconférences pour les investisseurs, les journées des investisseurs et les journées des marchés des capitaux organisées par les sociétés du S&P 500 et les sociétés du Russell 3000. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Cependant, cela ne veut pas dire que tous les consommateurs ont des difficultés financières ni que toutes les activités connaissent un repli. En particulier, le voyage aérien continue de monter en flèche. Une partie de la récente augmentation est probablement de nature saisonnière, mais actuellement, le débit de passagers aux États-Unis est encore plus élevé qu’avant la pandémie (voir le graphique suivant).
Montée en flèche des déplacements en avion aux États-Unis
Au 20 juin 2024. Moyenne mobile sur sept jours du nombre de passagers selon la Transportation Security Administration (TSA). Sources : Département américain de la Sécurité intérieure, Macrobond et RBC GMA
Nous continuons d’anticiper une croissance modérée des dépenses de consommation pour le reste de 2024 et en 2025, en espérant qu’une baisse des taux d’intérêt vienne apaiser les pressions financières et ranimer la consommation au cours du deuxième semestre de l’année prochaine.
Effervescence sur la scène politique
Débats aux États-Unis
Le premier débat des élections présidentielles aux États-Unis est attendu cette semaine, le jeudi 27 juin. Seulement deux débats sont prévus pour ce cycle électoral, ce qui en fait des évènements importants. Étant donné que Biden et Trump sont les deux candidats à la présidence les plus âgés de l’histoire des États-Unis, du moins pour les grands partis politiques, le débat devrait autant porter sur leur apparence – implicitement, leurs facultés mentales et oratoires – que sur leurs positions politiques ou sur lequel est le plus convaincant.
Une fois de plus, les chercheurs universitaires constatent que les débats n’ont presque aucun impact sur les résultats électoraux. Il en est ainsi probablement à cause de la fragmentation du paysage médiatique qui sape l’audience, et aussi parce que le public encore à l’écoute est principalement composé de passionnés de politique qui ont déjà des préférences marquées.
Élections dans le monde
Cette année est parfois appelée l’année des élections, étant donné l’inhabituelle proportion de la population mondiale qui votera lors d’élections nationales cette année. À vrai dire, jusqu’à récemment, les résultats étaient généralement en accord avec les prévisions générales, et sans grande conséquence.
Puis les dernières élections en Inde, en Afrique du Sud et au Mexique ont secoué les choses. Toutes ces élections ont vu le retour au pouvoir du parti sortant, mais avec un moindre soutien, ce qui a inquiété les marchés.
En Inde, la crainte a été que le premier ministre Modi ne soit pas en mesure de poursuivre ses importantes réformes économiques, compte tenu de la perte de soutien au Congrès.
En Afrique du Sud, la crainte a été que le parti ANC s’allie avec des partis prônant des politiques économiques non optimales, à cause de son affaiblissement.
Au Mexique, à l’inverse, la crainte a porté sur la large avance du parti sortant – encore une fois, avec des implications potentiellement négatives.
Heureusement, une partie de ces inquiétudes se sont dissipées. L’Inde semble capable de poursuivre ses réformes économiques. L’Afrique du Sud a conclu un accord de coalition qui inclut le parti politique favorable aux affaires. En revanche, la victoire écrasante du parti Morena au Mexique soulève encore des préoccupations au regard de l’économie.
En ce qui concerne l’Europe, les élections européennes de début juin ont révélé un puissant mouvement à l’encontre de l’ordre établi et un virage prononcé vers la droite, le groupe conservateur et réformiste européen s’emparant de la deuxième place en nombre de sièges. Le groupe exprime des points de vue eurosceptiques qui s’opposent à une intégration européenne débridée.
En réponse au virage à droite de la représentation française aux élections européennes, le président français Macron a convoqué des élections législatives anticipées pour le 30 juin avec un second tour le 7 juillet. Il semble que cette décision se soit retournée contre lui, car le parti populiste d’extrême droite appelé Rassemblement national (anciennement Front National) est en tête (avec 33 % dans le dernier sondage), tandis qu’une coalition de partis de gauche occupe la deuxième place (27 %). Il est donc tout à fait possible que le parti centriste du président Macron (20 %) ne soit même pas présent au second tour.
Cette évolution suscite l’inquiétude non seulement en France, mais aussi partout en Europe et sur les marchés financiers. Les écarts de taux des obligations d’État entre la France et l’Allemagne se sont creusés davantage (voir le graphique suivant). L’indice MSCI Europe a également reculé depuis le déclenchement des élections.
D’un point de vue réaliste, le risque d’une sortie de la France de la zone euro ou de l’Union européenne (UE) est faible. Le parti du Rassemblement National et la candidate en lice Marine Le Pen préconisent de réformer l’UE au lieu de la quitter complètement. Le gouvernement italien d’extrême droite pourrait fournir au parti un modèle qui permettrait de modérer ses plans en accédant au pouvoir.
Dans un tel scénario toutefois, la France pourrait néanmoins chercher à se dissocier de certains éléments du projet européen. Mentionnons notamment l’abandon du marché commun de l’électricité du continent (comme l’Espagne) et le renforcement des contrôles aux frontières (comme le Danemark et la Suède).
Les écarts entre la France et l'Allemagne se sont creusés après les élections anticipées, le parti d’extrême droite étant en tête des sondages
Au 18 juin 2024. Écart entre l’obligation d’État à 10 ans de la France et celle de l’Allemagne. Sources : Macrobond, RBC GMA
Certains ont comparé la situation politique de la France au « moment Liz Truss » du Royaume-Uni en 2022, lorsque la panique a saisi le marché obligataire du fait d’un budget non concerté. Même si un certain parallèle existe bel et bien, la principale leçon à tirer du Royaume-Uni est que les politiciens ont fait volte-face à la suite des préoccupations exprimées par les marchés financiers qui ont fini par se normaliser.
En France en revanche, le déficit budgétaire atteint près de 6 % du PIB cette année, un niveau ordinaire par rapport à certains pays, mais néanmoins gigantesque par rapport au passé. Ce déficit est de plus en plus coûteux à mesure que les taux de la dette du pays s’envolent. Les deux partis en lice veulent tous deux démarrer d’importants plans de dépenses, notamment l’abaissement de l’âge de la retraite de deux ans. Il faudra aboutir à un compromis, tant avec le marché obligataire qu’avec la Commission européenne.
Pendant ce temps, le Royaume-Uni, qui n’est plus membre de l’UE bien sûr, semble être en bonne voie de réaliser un changement important au cours des élections du 4 juillet. Le Parti travailliste est presque certain de mettre fin au règne de 15 ans du Parti conservateur. Malgré les changements prévus, les propositions concernant la politique économique sont assez modestes. Voici quelques faits saillants : les taux d’imposition des entreprises et des particuliers n’augmenteront pas, le parti s’engage à approfondir les liens avec l’Europe, à réformer l’immigration pour privilégier un système à points et à construire 1,5 million de nouvelles maisons.
Évolution des médicaments amaigrissants
Récemment, nous avons évoqué à plusieurs reprises la promesse de raviver la croissance stagnante de la productivité grâce aux nouvelles technologies. L’intelligence artificielle générative – et plus généralement, l’intelligence artificielle (IA) – se taille ordinairement la part du lion de cette attention. L’IA a les meilleures chances de devenir l’une des technologies polyvalentes qui propulsent la productivité dans une fourchette élargie de secteurs et qui modifient la vie de tout le monde. Cette évolution, si cela se concrétise, s’avérera essentielle pour contrebalancer les obstacles économiques à long terme qui découlent de la démondialisation, du changement climatique, de la baisse des taux de fécondité et des populations vieillissantes.
D’autres nouvelles technologies pourraient cependant s’avérer très utiles pour la société, l’économie et la productivité. Plusieurs d’entre elles existent dans le domaine des soins de santé, y compris le déploiement plus poussé de l’ARN messager, l’édition génomique CRISPR et, à terme, le pliage des protéines.
Une autre percée majeure dans les soins de santé, auxquels s’attarde cette section, est le développement d’une catégorie de médicaments amaigrissants, le GLP-1, qui permet au patient d’obtenir une perte de poids appréciable et définitive (mais sous réserve d’une utilisation continue). Le meilleur de ces médicaments entraîne en moyenne une perte de poids de 21 %, et de nouveaux médicaments pourraient dépasser cette limite.
Jusqu’à présent, la disponibilité de ces médicaments est relativement limitée. Il en est ainsi à cause de leur prix élevé, de leurs indications d’utilisation limitées et de leur absence de couverture par certains régimes de soins de santé, y compris l’assurance maladie du gouvernement américain. Au fil du temps toutefois, le prix devrait baisser, et l’utilisation approuvée s’élargir. Par conséquent, plus de régimes d’assurance santé devraient accepter les médicaments à brève échéance. La transformation des injections médicamenteuses actuelles en pilules représenterait un autre pas important vers une adoption généralisée.
Ces technologies prometteuses n’échappent pas au marché boursier, qui mise sur l’enchérissement des deux plus grands fabricants de ces médicaments au cours des trois dernières années (voir le graphique suivant).
Les cours des actions des fabricants de médicaments de nouvelle génération pour la perte de poids ont bondi
Au 21 juin 2024. Prix des actions en USD et rajusté. La FDA a approuvé Ozempic pour la maîtrise de la glycémie chez les adultes atteints de diabète de type 2 le 5 décembre 2017. Sources : Bloomberg, RBC GMA
À mesure qu’un nombre croissant de personnes utiliseront ces médicaments, ceux-ci pourraient commencer à avoir des répercussions à l’échelle de la société. Le résultat le plus évident sera tout simplement que les gens seront plus minces, obtenant du moins une partie de la perte de poids souhaitée. Mais les répercussions pourraient aller bien plus loin, de diverses façons fascinantes :
Les médicaments ont pour effet de réduire les fringales. C’est une bonne chose pour ceux qui en sont affligés. Cependant, il convient de souligner que dans un contexte d’investissement, cette situation aurait des conséquences néfastes pour les sociétés alimentaires (étant donné que, dans un sens large, la consommation calorique diminue d’environ 40 % chez les utilisateurs de ces médicaments. Les entreprises qui vendent les types de collations consommées en cas de fringales seraient particulièrement touchées.
L’usage de ces médicaments est déjà lié à une diminution du nombre de maladies liées au poids, comme le diabète, les crises cardiaques et les AVC. Il pourrait aussi contribuer à soulager certains problèmes rénaux. Il s’agit évidemment d’un avantage considérable du point de vue de la santé et du bien-être. En revanche, du point de vue de l’investissement, cette situation représente une menace pour les entreprises qui traitent actuellement ces maladies, et une occasion importante pour les entreprises qui mettent au point des médicaments GLP-1.
Ces médicaments semblent améliorer les fonctions cognitives de certains patients aux prises avec le diabète de type 2, mais il semble que ce résultat soit davantage attribuable au fait qu’ils atténuent les pertes cognitives causées par le diabète que parce qu’ils permettent de découvrir de nouveaux réservoirs d’intelligence.
Les médicaments GLP-1 semblent contribuer à traiter d’autres troubles liés au système de récompenses dans le cadre d’essais sur des animaux. Les dépendances à la cocaïne, aux amphétamines, à l’alcool et à la nicotine se sont toutes estompées. Si ces effets sont transposables aux humains, ces médicaments pourraient représenter un outil efficace pour résoudre de nombreux types de dépendances dommageables.
Il existe un débat largement théorique sur la question de savoir si la diminution des fringales pourrait aussi réduire le plaisir d’entreprendre d’autres activités, voire augmenter la dépression et réduire la motivation d’une personne à entreprendre des tâches utiles. En pratique, ces effets n’ont pas encore été largement observés, et pour des raisons qui ne sont pas encore bien comprises, la dépression peut en fait s’estomper chez les animaux.
On pourrait s’imaginer que les coûts des soins de santé diminueront, peut-être même au point où la situation budgétaire des gouvernements s’améliorera. Là encore, si les gens vivent plus longtemps, ils pourraient être plus nombreux à souffrir de maladies liées à l’âge dans les étapes ultérieures de leur vie, et avoir besoin de pensions plus importantes. Un nombre plus élevé de résidences pour personnes âgées pourrait être nécessaire si les gens vivent plus longtemps, surtout ceux dont les moyens financiers sont limités et qui sont actuellement statistiquement plus enclins à afficher un surpoids.
Dans l’ensemble, être plus mince et en meilleure santé permettrait aux gens (et à la société, si l’usage de ces médicaments se répand suffisamment) de vivre plus longtemps, d’être plus actifs et de socialiser davantage. Les gens pourraient aussi faire partie en plus grand nombre de la population active et peut-être accroître la productivité au travail.
Les répercussions se feront sentir dans pratiquement tous les domaines. Nous verrons si les gouvernements choisissent de rembourser les coûts des médicaments GLP-1, à quel point leur usage sera répandu, dans quelle mesure ils peuvent être peaufinés, à quel point ils réussissent réellement à réduire d’autres formes de dépendances et de maladies liées au poids, et si d’autres avantages ou effets secondaires néfastes se manifestent. Mais, dans l’ensemble, cela pourrait être une très bonne chose pour les humains, et une chose modérément bonne pour l’économie en cas de participation accrue à la population active et d’augmentation de la productivité.
L’économie canadienne continue de progresser
Nous continuons d’émettre des prévisions immédiates sur le PIB mensuel et trimestriel du Canada. La croissance du PIB mensuel en avril s’établit désormais à 0,3 %, conformément à l’estimation préliminaire de Statistique Canada. Au deuxième trimestre, la croissance du PIB est actuellement de 2,6 % en rythme annualisé, un chiffre plutôt intéressant.
Contrairement à de nombreux pays développés, les surprises économiques du Canada restent encore plus orientées de façon favorable que défavorable. Nous en voyons la preuve dans le plus récent rapport sur les ventes au détail, qui fait ressortir un gain de 0,7 %, combiné à un gain particulièrement solide de 1,8 % dans les secteurs autres que celui de l’automobile. Il faut reconnaître que le chiffre du mois suivant a été négatif, mais le fait est que l’activité économique globale au Canada progresse à un rythme raisonnable.
Le compte rendu de la réunion du 5 juin de la Banque du Canada a été récemment publié. Il s’agissait principalement d’un compte rendu plutôt conventionnel portant sur une décision déjà largement attendue, sans grande surprise concernant l’annonce du 5 juin et la conférence de presse qui a suivi.
Mais la liste des risques mentionnés dans le compte rendu était très intéressante. Tout d’abord, le résumé faisait ressortir que les participants à la réunion n’ont pas pu s’entendre sur la question de savoir si l’orientation des risques laissait augurer une hausse de l’inflation plutôt qu’une diminution. Deuxièmement, la liste des risques comportait des éléments intrigants qui étaient beaucoup plus précis que ce que contient le discours habituel (comme la croissance qui pourrait être plus forte ou plus faible). Ces questions méritent assurément un examen plus approfondi :
Les prêts hypothécaires de nombreux ménages seront renouvelés à des taux plus élevés et en contrepartie de versements plus importants en 2025.
Sinon, le marché du logement pourrait fortement se redresser en réponse aux baisses de taux.
La combinaison d’une faible croissance de la productivité et d’une forte croissance des salaires – ce que le Canada connait actuellement – pourrait créer de nouvelles tensions inflationnistes dans le secteur des services.
Le plan du gouvernement visant à ralentir l’immigration non permanente pourrait avoir une incidence sur l’économie et l’inflation, notamment des répercussions particulièrement importantes sur les loyers.
Les risques géopolitiques sont plus élevés que la normale, non seulement dans le contexte des conflits internationaux, mais aussi en ce qui concerne les conflits de travail et les événements climatiques comme les feux de forêt au Canada.
L’économie parallèle du Canada prend de l’ampleur
Statistique Canada a officiellement estimé que l’économie parallèle du Canada en 2021 représentait 2,7 % du PIB total, soit 68,5 milliards de dollars canadiens. Cela comprend les activités illégales et les autres activités légales qui sont menées au noir, pour éviter par exemple les questions de permis, l’impôt sur le revenu et les taxes de vente. L’économie parallèle est particulièrement présente sur le marché du logement. L’activité économique clandestine se déroule à 35 % dans le domaine de la construction résidentielle et à 13 % dans celui de la location immobilière. Le secteur du commerce de détail, puis celui de l’hébergement et des services de restauration sont les troisième et quatrième plus importants au sein de l’économie parallèle.
Estimer l’importance de l’économie parallèle est évidemment une science inexacte. En outre, ces estimations sont normalement laissées aux organismes de statistiques. Nous pensons toutefois que l’économie parallèle du Canada a probablement connu une croissance importante depuis 2021. De plus, elle pourrait continuer de croître de façon significative au cours des prochaines années en raison du nombre important et croissant de personnes au Canada dont le visa est expiré.
Le ministre de l’Immigration du Canada a récemment estimé qu’entre 300 000 et 600 000 personnes vivent au Canada sans documents valides. Elles sont donc nombreuses, et certainement beaucoup plus qu’en 2021. Le Service des études économiques CIBC a estimé que ce nombre pourrait être encore plus élevé, soit environ trois quarts de million de personnes. Disons entre 1 % et 2 % de la population.
Et c’est une cible mouvante. La récente augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants internationaux a quadruplé le nombre de résidents étrangers temporaires depuis 2015, qui s’est établi à 2,7 millions aujourd’hui.
Ce groupe semble particulièrement vulnérable au risque de demeurer au Canada sans documents valides puisqu’il est déjà installé au Canada, qu’il connait la vie ici, qu’il a fréquemment établi un lien avec la main-d’œuvre et qu’on lui demande ensuite – mais sans l’obliger – de retourner chez lui à l’expiration de son visa. Ces 2,7 millions de personnes verront leur visa expirer au cours des prochaines années, et certaines resteront probablement, surtout si le gouvernement continue d’envisager d’étendre l’amnistie aux personnes en situation irrégulière.
Même si le nombre de visas temporaires est réduit par le gouvernement, des cohortes plus petites continueront d’entrer et elles seront face à une décision semblable à l’expiration de leur visa.
Il est impossible de dire si 1 %, 5 % ou 50 % des personnes ayant un visa venant à échéance demeureront au Canada, mais il est probable que la proportion de sans-papiers dans la population augmentera considérablement.
Par conséquent, l’économie parallèle du Canada devrait croître considérablement. Ces personnes souhaitent ardemment travailler puisqu’elles n’ont pas accès au filet de sécurité sociale du pays et ne peuvent occuper un travail officiel. Cela leur laisse l’économie parallèle.
D’une part, il est encourageant de constater que l’économie canadienne est plus importante qu’il n’y paraît, et qu’elle a peut-être connu une croissance plus rapide qu’estimé à mesure que le nombre de travailleurs sans papiers a rapidement augmenté. Cependant, le gouvernement ne peut pas lever d’impôt sur l’économie parallèle, et les conditions de travail et les produits fabriqués ne sont pas réglementés. Il est préférable de minimiser la taille de l’économie parallèle et d’éviter les activités clandestines.
– Avec la contribution de Vivien Lee, de Vanita Maharaj et d’Aaron Ma
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